dimanche 25 septembre 2011

Horizon 2012


Tout à l'heure, de part et d'autre d'une clôture, sous le soleil, je parlais avec mes voisins. Retraites, déficits, élection... Une chose est frappante : même ceux qui sont plutôt optimistes sur le long terme (nous étions du nombre) sentent mal les années qui viennent. Et ne placent dans l'échéance électorale à venir que des espérances modérées.

Il y a le poids de ce que tout le monde sait : les retraites seront difficiles à financer, la manne publique est largement tarie, et au mieux, on peut espérer que les efforts nécessaires soient justement répartis.

Quelle croix pour les candidats de 2012 ! Pour les candidats qui ont une chance d'être élus, je veux dire. Les autres peuvent tranquillement développer une condamnation globale du "système" et proposer des solutions d'autant plus radicales qu'ils savent bien qu'ils ne seront jamais en mesure de les mettre en oeuvre, ou alors, rêvent-ils, dans une situation tellement bouleversée qu'ils auraient les mains libres.

Comment être élu en disant aux électeurs : vous paierez plus d'impôts, l'Etat devra rogner sur les avantages et aides qu'il vous accorde, et en plus le paquebot tournera lentement ? Oui, il tournera lentement, c'est ce que nous avons appris cette semaine, en voyant que la cure d'austérité sévère infligée au Royaume Uni par David Cameron n'a pas réduit le déficit de l'Etat. Même l'idée d'une potion amère administrée en début de mandat doit être remisée au magasin des illusions pour gouvernants courageux.

Et pourtant... il y a une dure vérité derrière cette situation : le temps où les réformes nécessaires pouvaient être opérées dans une douceur relative, en usant du donnant-donnant, est passé. Tout ce que l'on peut promettre en échange des réformes sera payé comptant, et les rendra, à terme, plus dures.

Ce n'est pas seulement la dette qui est inquiétante : c'est aussi que la croissance française ne soit tirée que par la consommation. Je ne peux m'empêcher de voir là un effet de la composition particulière des "élites" françaises : surdiplomées, développant des fraternités de grandes écoles, un esprit de caste particulier, et ayant opéré une soudure dangereuse entre le monde la décision politique, celui de la haute administration et le patronat des plus grands groupes.

D'où l'indécision chronique caractéristique de la confusion entre administration et politique, le choix d'aider prioritairement les plus grands groupes, et le délaissement des petites et moyennes entreprises. D'où l'utilisation des fonds publics pour se sortir de toutes les impasses politiques provoquées à la fois par l'angoisse des gouvernants et la conviction profonde que les électeurs "ne comprendraient pas".

D'où, depuis les années 1980, la répétition inlassable de "solutions" coûteuses et inopérantes, la procrastination politique érigée au rang d'assurance vie pour des élites persuadées d'être seules compétentes. Il me semble parfois qu'il y aurait un chemin à la fois plus libéral et plus social à trouver, et qu'il commencerait par une prise de distance entre l'Etat et les grandes entreprises. Moins de règlements et moins d'aides à la fois.

Mais cela n'aidera pas les candidats de 2012, qui ne peuvent, finalement, plus promettre grand chose. L'accueil fait à la proposition de François Hollande d'embaucher autant d'enseignants que les postes supprimés par l'actuel gouvernement le prouve : personne n'y croit.

Nous allons donc vers une élection sans promesses, sans grande espérance enthousiasmante. Peut-être, au fond, l'opinion est-elle plus mûre que nos politiques ne le croient ? Ce sera finalement la grande question de 2012.


3 commentaires:

Martin R a dit…

Merci pour cette synthèse utile d´idées et de sentiments assez généralisés effectivement.
Deux questions : quels autres moteurs pour la croissance que la consommation (biens et services) envisager?
et dans quelle mesure la composition certes attaquable des élites francaises joue t elle lá-dessus?

Nil a dit…

Le problème vient aussi de ce qu'on ne sait plus faire sans la croissance. Il est utopique d'espérer une croissance soutenue et infinie dans le temps, et pourtant les prévisions budgétaires sont calculées sur des prévisions de croissance à plus de 1%. Pour s'épargner de grosses déceptions, il faudrait les calculer sur 0% ... et définir quelques objectifs secondaires financés en cas de croissance seulement. Impossible, un budget équilibré sans croissance? pas forcément. Le paradoxe est qu'une partie du déficit est du à des mesures destinées à soutenir la croissance, qui devrait en retour renflouer les caisses, ce qui, on l'a vu, ne fonctionne pas vraiment. Les élites françaises ayant été formées pendant les "30 glorieuses" ou pendant l'époque où on revait de les retrouver, elles ont bien d'une mal à intégrer l'idée que la croissance est désormais une situation exceptionnelle et non normale (ce qui est plutot une bonne nouvelle d'un point de vue écologique, mais c'est un autre débat).

Jérôme Grondeux a dit…

Pour le premier commentaire : L'autre moteur que la consommation, pour un pays, ça peut être la production et surtout l'exportation. Les élites françaises diplomées de quelques grandes écoles se retrouvent à la fois dans la haute fonction publique et le patronat des grandes entreprises.
Pour le second commentaire : on ne peut pas, à mon avis, faire sans la croissance. Les politiques économiques ne sont pas les mêmes selon le taux de croissance, et effectivement quand la croissance est faible il faut prévoir autre chose, je suis d'accord. Mais on préfère une prévision optimiste qui permet de faire passer pour rigoureux un budget qui ne l'est pas....