tag:blogger.com,1999:blog-42478800957166368612024-03-13T11:19:31.405-07:00Commentaires Politiques, le blog de Jérôme GrondeuxLe blog de Jérôme Grondeux, historien, maître de conférence à Paris IV et à Sciences Po ParisJérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.comBlogger186125tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-86297032070783792862014-08-25T03:15:00.002-07:002014-08-25T03:15:38.595-07:00À mes lecteurs<div style="text-align: justify;">
Chers tous,</div>
<div style="text-align: justify;">
J'ai ouvert ce blog en 2008, pour contribuer à donner au commentaire politique une profondeur historique, par passion pour l'histoire et pour l'actualité.</div>
<div style="text-align: justify;">
J'y ai mêlé réflexions à chaud et élaboration d'outils pour comprendre dans la longue durée la politique française.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je suis fier que des lecteurs de toutes sensibilités m'aient suivi. L'histoire n'est l'histoire que si chacun, quelles que soient ses opinions politiques et/ou religieuses, peut en faire son profit.</div>
<div style="text-align: justify;">
Comme beaucoup d'entre vous le savent déjà, j'ai été nommé inspecteur général de l’Éducation Nationale par le décret du 20 août dernier.</div>
<div style="text-align: justify;">
C'est pour moi un immense honneur, et une grande responsabilité. Je rejoins un corps qui participe au travail collectif du maintien et de l'amélioration, de la permanence et de la réforme de notre système éducatif. </div>
<div style="text-align: justify;">
Cette tâche implique le service de l’État, et, plus encore, de la République; elle est officielle, et à mon sens incompatible avec la posture du "spectateur engagé" chère à Raymond Aron, que j'ai essayée d'illustrer modestement ici. Il ne sera donc plus complété désormais.</div>
<div style="text-align: justify;">
J'ai eu depuis 2008 le bonheur de voir beaucoup de mes collègues historiens réinvestir le commentaire politique. Je leur souhaite bonne chance.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je profite de ce petit mot pour remercier tous les lecteurs qui m'ont félicité et leur dire que cela m'a été droit au cœur.</div>
<div style="text-align: justify;">
Bien à vous tous !</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-18514907370297271022014-08-21T04:10:00.002-07:002014-08-21T04:10:36.570-07:00Sur la candidature d'Alain Juppé : l'âge du capitaine<div style="text-align: justify;">
Alain Juppé a finalement décidé de se lancer dans la compétition présidentielle, dorénavant étendue aux primaires. L’envergure du personnage exclut la possibilité d’une candidature de témoignage, mais son âge sera sans doute un objet de débat. Est-il réellement un handicap ?
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Charles de Gaulle a été réélu en 1965 (et pour la première fois au suffrage universel direct) à 75 ans. François Mitterrand en été réélu président de la République (et pour 7ans) en 1988 à 71 ans. En 2002, Jacques Chirac avait 69 ans au moment de son élection (pour 5 ans cette fois). Alain Juppé est né le 15 août 1945. Au moment des élections présidentielles prévues au printemps 2017, il aurait donc 71 ans, comme François Mitterrand en 1988, au moment d’une éventuelle élection.
La fin du septennat de François Mitterrand (en cohabitation) et celle du quinquennat de Jacques Chirac ont été marquées par une dégradation de la santé du président, et il est certain que pour Alain Juppé, son âge a été une interrogation forte. </div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Il y a bien sûr en France (et pas seulement, que l’on pense à Churchill en Angleterre au moment de la Seconde guerre mondiale) des exemples, formant presque une tradition, de recours plus ou moins heureux selon les cas à des personnalités prestigieuses en âge de connaître une semi-retraite politique. Aux heures sombres ou simplement troublées, leur expérience et leur relatif dégagement du jeu politique national, leur donnant une réputation de sagesse, a semblé la garantie d’un relèvement : Thiers en 1870, Clemenceau en 1917, Gaston Doumergue en 1934, Pétain en 1940, Charles de Gaulle en 1958. Et il est certain qu’au moins au centre et à droite, Alain Juppé est vu comme un sage de la politique française, tandis que le succès de son action municipale bordelaise peut lui donner à penser que son aura touche potentiellement une partie de la gauche.
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Deux inconnues subsistent cependant pour lui, outre la situation de concurrence forte à droite :
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
1. Pour l’instant, aux élections présidentielles, les Français ont accordé au second tour leurs suffrages à des personnalités qui étaient depuis plusieurs années très visibles sur la scène nationale, et qu’ils avaient le sentiment de bien connaître. Mais jusqu’à présent, il n’y a eu que des réélections de personnalités ayant passé la barre des 70 ans, et les dernières années du second septennat de François Mitterrand et du quinquennat de Jacques Chirac ne sont pas généralement considérées comme les époques les plus fécondes de leur action politique.
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
2. Il n’est pas sûr, malgré la dramatisation dépressive de ces dernières années, que l’électorat considère vraiment que le moment est venu de se tourner vers un « sauveur d’expérience ».</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Au final, nous avons affaire à une résolution mûrement délibérée qui reste, comme toujours en politique, un pari sur l’avenir.</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-91030848122531941582014-08-06T10:41:00.001-07:002014-08-06T10:41:37.729-07:00L'opinion et les réseaux sociaux : passion et raison<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Les événements
tragiques de la Bande de Gaza n’ont pas seulement eu de répercussions dans les
rues de nos villes. Ils sont également enflammé les réseaux sociaux. Tous ceux
dont le siège était fait d’avance ont d’abord donné le ton : ceux-là
estiment que l’événement confirme leur analyse. Ils sont les premiers à
rejoindre ceux qui expriment avant tout leur émotion ou leur indignation. Le
discours de ceux qui avaient des analyses plus fines, intégrant les calculs
stratégiques du Hamas et du gouvernement israélien, connectant cette énième
phase du conflit israélo-palestinien à la déstabilisation globale du
Moyen-Orient, était présent et parfois relayé, mais comme noyé dans le flot des
imprécations ou des réactions passionnelles, allant de l’indignation sincère
(et respectable) au relais d’images et de slogans de pure propagande, de part
et d’autre.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Puis l’excès a
amené une réaction, et les messages de ceux qui, quelles que soient leurs
sympathies, refusaient de partir d’une grille manichéenne pour aborder les
événements, se sont multipliés. Et en se promenant sur Twitter ou Facebook, et
au hasard des liens, on pouvait glaner bien des informations utiles sur les
enjeux du conflit et les camps en présence. Les trois rôles politiques des
réseaux sociaux (exutoire-pugilat symbolique, lieu de mobilisation, espace de
débat raisonné et d’échange d’informations) paraissaient plus équilibrés.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Suivant tout
cela, je me disais que chacun d’entre nous peut désormais observer l’opinion,
regarder comment elle fonctionne, quels sont ses rythmes. Je ne suis pas sûr qu’internet
change la politique, du moins pas dans le sens qu’espéraient les milieux
alternatifs des années 1970 qui y voyaient la source possible de l’introuvable
démocratie directe, mais, outre que la « toile » (expression déjà
bien vieillie) est un merveilleux outil d’information et de sociabilité pour
ceux qui veulent l’utiliser dans ce sens, elle nous offre un point de vue
unique, d’une ampleur inédite, sur le pouvoir spirituel multiforme qui, depuis
le XVIIIe siècle, a progressivement surclassé tous les autres.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Le spectacle est
troublant pour des intellectuels et plus encore pour des éducateurs, qui rêvent
volontiers (et c’est tout à leur honneur) d’une démocratie rationnelle et
respectueuse des convictions des uns ou des autres. Il est déstabilisant pour
tous ceux qui tiennent à la grande ambition des Lumières. Mais je ne crois pas
que ce spectacle soit celui d’une décadence : l’opinion a toujours été
ainsi, la raison s’y est toujours heurtée aux passions et aux intérêts, et ses
succès ont toujours été partiels et tardifs, de la cité athénienne à la Cinquième
république. Les décideurs politiques, humains et donc exposés à l’erreur plus
ou moins désintéressée, surfent sur une mer déchaînée.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La modernité, ou « l’hyper-modernité »,
comme on voudra, n’est pas un dérèglement général du monde : c’est un
dévoilement, une mise à nu, comme Marx au passage et Weber plus profondément l’avaient
compris. L’Histoire reste plus que jamais à comprendre, au long cours comme au
présent, mais nous ne pouvons plus nous raconter d’histoires.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-18963549797607108092014-07-20T17:22:00.002-07:002014-07-20T17:35:10.999-07:00Pensum sur la démocratie française face à l'Europe<!--[if gte mso 9]><xml>
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<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">J’ai longuement réfléchi aux résultats des dernières élections européennes,
à cette crise jumelle qui touche l’Europe des démocraties et la démocratie
française. Réfléchissant, j’ai laissé passer la vague des commentaires à chaud,
charriant un mélange d’intuitions remarquables, d’études précises réalisées en
un temps record, de confirmations forcées de diagnostics préétablis et de
règlements de comptes portés par la passion politique. J’ai laissé aussi se
déposer la mélancolie politique qui fait le fonds de ma génération
d’intellectuels. Nous nous sommes énervés, au sens ancien du terme, nous avons
laissé s’émousser nos réactions et notre faculté d’analyse, à force de regarder
les mêmes problèmes ne pas recevoir de solution depuis trente ans au moins et
la communauté nationale s’enfoncer dans une sorte de dépression
collective : si, comme on le dit, la France combine actuellement un niveau
vie proche de celui de l’Allemagne et un moral proche de celui de l’Afghanistan,
cet état de choses n’est pas advenu d’un coup.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="mso-ansi-language: FR;">Prolégomènes</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La volonté de pragmatisme et le refus d’une globalisation idéologique m’ont
aidé à produire des analyses – mais ils sont aussi un frein à la perception
globale d’un phénomène. On peut vite en venir à une sorte d’autocensure
intellectuelle, que seule une réflexion longue peut permettre d’essayer de
surmonter.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Pour commencer, je ne crois pas que l’on puisse purement et simplement lire
la crise de la démocratie française comme une crise de « la
démocratie » tout court. Elle y tient cependant, et en même temps, elle
s’enracine dans certaines de nos spécificités nationales, qui ne sont en
elles-mêmes ni dans atouts, ni des handicaps, mais qui peuvent générer des
difficultés spécifiques à certains moments de l’Histoire globale et de notre
Histoire nationale.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="mso-ansi-language: FR;">Une crise globale de la
démocratie ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Depuis mon enquête sur le socialisme, que je tente de compléter par une
réflexion sur le libéralisme et sur le conservatisme, et à force de passer du
temps à lire les réflexions à chaud (ou plus élaborées) des hommes et des
femmes du passé, à force aussi de pratiquer pour mon compte le commentaire
remis en perspectives de questions d’actualité, j’en suis venu non pas à des
découvertes, mais à une vision de la démocratie comme un système
« dialectique », c’est-à-dire animé de contradictions parfois
motrices, parfois paralysantes et toujours problématiques. Il s’agit d’une
dialectique plus proche de celle de Proudhon (qui pensait que la politique
était une incessante quête d’équilibre entre des forces antagonistes) que de
celles de Hegel ou de Marx, qui ouvrent la possibilité d’un dépassement. René
Rémond disait que le pluralisme était inséparable de l’histoire politique, et
je crois qu’il est, intériorisé, la condition de toute pensée historique qui ne
veut pas devenir un système clos et inopérant (dans le meilleur des cas).</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Les tensions de la démocratie, Tocqueville dans les deux volumes de sa <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Démocratie en Amérique</i> (1830-1845) et
bien plus tard Raymond Aron dans un petit livre relativement méconnu (<i style="mso-bidi-font-style: normal;">Les Désillusions du progrès</i>, 1969,
décrivant une « dialectique de la démocratie »), les ont déjà
inventoriées. Elles tiennent toutes au rapport entre le droit et le fait, entre
l’idéal et la réalité, entre la théorie et la pratique. Edmund Burke les a
perçues (et utilisées dans un sens hostile à la Révolution française) dès la
rédaction de ses <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Réflexions sur la
Révolution en France</i> publiées en 1790. La polémique qui s’ouvrit alors
entre Thomas Paine et lui est une des plus révélatrices de cette tension entre
l’idéal et la réalité.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">L’idée démocratique par excellence que le pouvoir vient du peuple
entre immédiatement en tension avec l’impossibilité pratique d’un exercice
direct du pouvoir par celui-ci. Le terme de « souveraineté
nationale » choisi par les Constituants est destiné à permettre la
représentation politique (dont Rousseau, comme on sait, ne voulait pas). Mais
nul ne peut empêcher que la légitimité des représentants élus soit remise en
question ; le principe majoritaire, sous quelque forme qu’on l’adopte,
suppose toujours une certaine abnégation de la part des citoyens qui ne sont
pas représentés, à quelque niveau que ce soit, par quelqu’un qu’ils n’ont pas
choisi.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Le fondement de la liberté n’a rien perdu de sa force d’attraction ;
mais lui aussi peut engendrer des frustrations. Celle-ci est essentiellement
une autonomie du choix, un respect de l’autre dans des choix. Mais la question
des conditions concrètes de la liberté de choix est vite devenue lancinante.
Aux droits-libertés se sont ajoutés des droits-créances. L’État ne pouvait
rester l’impassible garant des droits de chacun, il s’est transformé, tout au
long des XIXe et XXe siècles, en agent du réel exercice de ceux-ci. Comment
proclamer la liberté de conscience sans se soucier de garantir à chacun un
minimum d’éducation ? L’avènement de la société de consommation a enfin mis
en avant, autour des années 1960 et 1970, une autre figure de la liberté,
celle-là politiquement plus redoutable : faute de mieux, je l’appellerai
celle de la « liberté-désir ». Être libre, ce n’est alors pas
seulement que l’on ne m’empêche pas d’accomplir mes projets, ce n’est même plus
qu’on me place dans une position la plus égale possible avec mes éventuels
concurrents, c’est que l’on me garantisse que je réussirai à les accomplir. Je
ne suis libre qu’à partir du moment où j’ai ce que je veux. Dès lors, tout
échec, toute insatisfaction peut être portée au débit de la puissance publique,
directement comptable de tous les aspects frustrants de l’existence.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Tout a été dit dans cette perspective sur l’égalité. Mais, d’une certaine
manière, la difficulté posée par la différence entre l’égalité juridique et
l’égalité socio-économique a été en partie résolue par deux concepts et par une
gigantesque expérience historique. Les deux concepts, qui mûrissent au XIXe
siècle, sont celui de « l’égalité des chances » et celui de
« solidarité ». Issus du socialisme (saint-simonien) et du
radicalisme républicain, ils sont compatibles avec le libéralisme dont ils
pallient les déficiences, et le second a rencontré les préoccupations de l’aile
démocratique du catholicisme social. Ces deux impératifs sont bien sûr très
difficiles à mettre en œuvre de manière satisfaisante, mais ils sont
traduisibles dans des politiques concrètes. L’expérience historique est celle
du communisme soviétique, dont la tentative d’éradiquer tout ce qui s’opposait
à une égalité concrète totale s’est abîmée dans la terreur d’État et la
bureaucratie, interdisant désormais de voir dans l’égalité juridique un simple
cache-misère des inégalités sociales.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">L’idée de justice sociale est elle-même à la fois sublime et périlleuse,
surtout à partir du moment où la « liberté-désir » s’installe dans le
paysage politique. Qu’entend l’opinion quand on évoque la justice
sociale ? Nous ne sortons jamais de l’ambigüité du « - C’est pas
juste ! » des enfants. Ils le disent parfois avec une sincérité
bouleversante, et c’est alors une protestation contre la cruauté du monde, et
une des<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>plus belles incitations à lutter
contre toutes les situations où le faible est cyniquement écrasé par le fort.
D’autre fois, le « - C’est pas juste ! » signifie juste que
l’enfant n’a pas obtenu ce qu’il voulait.<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>Les gouvernements sont condamnés à démêler dans l’océan des
revendications faites au nom de la justice sociale celles qui leur paraissent le
mieux fondé de ce point de vue. Si les perspectives de réforme fiscale sont en
générale bien accueillies, c’est à cause du nombre de ceux qui pensent que dans
un système fiscal « juste » ils paieraient moins d’impôts. Si les
réformes fiscales sont si difficiles à mettre en œuvre, c’est qu’avec ce critère
très particulier de la justice, les mécontents sont rapidement très nombreux.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Il ne s’agit pas ici de disqualifier ici les principes
démocratiques : ils sont facteurs et mesure du progrès. La démocratie est
une marche compliquée vers l’horizon qu’ils dessinent, et il est remarquable
que le désenchantement né de nombreuses décennies d’expérience réelle de la vie
démocratique ne leur ait pas fait perdre leur force d’attraction. Mais les
progrès observables ne peuvent empêcher un désenchantement démocratique, et les
échecs ou reculs, même partiels, ne peuvent, en démocratie, être relativisés.
Ajoutons à cela que les démocraties multiplient (et c’est heureux)
contrepouvoirs et possibilités d’exprimer les mécontentements : on
comprendra sans peine que l’existence des partis de gouvernement y est
difficile.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Le rapport des gouvernants et de l’opinion est structurellement difficile
en démocratie, et d’une difficulté accrue dans des sociétés de consommation et
de communication. Mais les nôtres sont particulièrement en crise. Et nous en
venons à la France.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="mso-ansi-language: FR;">Une crise française ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Dans ce pays frondeur, ironique, culturellement très divers, très
individualiste comme tous les pays où la sécularisation a passé sur un héritage
catholique, une extraordinaire créativité se paie par une gouvernance
périlleuse et par l’ampleur des forces centrifuges. Le rapport direct à
l’universel, institué par la Révolution française, le goût du débat d’idées qui
y correspond, a pour contrepartie une instabilité chronique et comme instituée.
L’idée de Charles de Gaulle, selon laquelle la grandeur est nécessaire pour
compenser la tendance nationale à l’émiettement, dit bien cela. Il est vain de
déplorer cet état de choses, et particulièrement pour les amoureux de la
diversité et de la liberté françaises. On trouve ailleurs bien d’autres
saveurs, bien d’autres choses, on peut se plaindre de l’aspect heurté de nos
révolutions, de l’alternance relevée par bien des historiens entre des phases
de réformes rapides et des phases de stagnation, voire de déclin relatif. On
peut se fatiguer de l’aspect psychodramatique de la psychologie politique des
pays latins, mais, comme dit le proverbe, on ne peut avoir le beurre et
l’argent du beurre.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La France est une construction politique, un très vieil État-nation d’abord
forgé par le pouvoir royal qui s’est étendu sur des aires culturelles très
variées. À partir des années 1770, la monarchie est entrée en crise, ne sachant
plus que faire de sa noblesse, ne parvenant plus à intégrer les forces
montantes du tiers état, ni à intégrer ou réguler les nouvelles aspirations.
Elle a raté sa réforme, perdu son aura sacrale, n’a pu rester l’incarnation
d’un compromis structurel entre l’ancien et le nouveau, entre la tradition et
le vent du large. Mais elle avait commencé à forger un État, et l’œuvre la plus
durable de Napoléon Bonaparte fut la reprise de ce travail, dans les conditions
nouvelles crées par l’ébranlement révolutionnaire. La France n’est pas devenue
républicaine en 1792 ; elle ne pouvait plus redevenir monarchiste. L’État
s’est trouvé investi de la continuité nationale, et c’est en acquérant sa
culture que les républicains ont finalement gagné la longue bataille
institutionnelle du XIXe siècle. Ils ont réussi, dans les années 1870 et 1880,
à recueillir l’héritage des libéraux (longtemps partisans d’une monarchie
constitutionnelle, voire parlementaire) et à rassurer les masses conservatrices
tout en assumant pleinement les idées démocratiques, et en se coulant dans le
moule de l’État napoléonien, construction transcendant les clivages politiques.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La République en France est un système intégrateur et évolutif, dont le
fonctionnement reste très heurté. Les grandes phases réformatrices ont
correspondu à des périodes où l’impératif de relèvement national était fort, partagé
par des générations marquées par des désastres (1870, 1940…) et où le souci du
pays et de l’État pouvait non pas supprimer (ce qui serait malsain) les clivages
politiques, mais les utiliser raisonnablement pour faire sortir de la mêlée des
réformes importantes. La tâche est plus compliquée dans les périodes où
l’impératif de relèvement est moins clair : années 1920, France des années
1970 et 1980. Au XXe siècle, un nouveau défi surgit <i style="mso-bidi-font-style: normal;">explicitement</i> (il était déjà présent auparavant) dans l’agenda
politique, en même temps qu’il est clairement identifié par l’opinion : la
crise économique. L’inflation des années 1920, la crise de 1929 qui touche la
France en 1931, les deux chocs pétroliers des années 1970… L’encodage politique
français rend difficile d’avoir une réponse à la fois adaptée et durable à ces
crises : le relèvement national doit alors se faire sans que le désastre
ait été matérialisé pour toute la nation, et le jeu des forces centrifuges bat
son plein. L’union nationale autour de Poincaré, en 1926, est tardive, limitée
et il ne s’agit alors « que » d’une<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>crise monétaire, alors que les fondamentaux de l’économie sont positifs.
Elle demeure une exception dans l’histoire politique française.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">L’État a toujours été concerné, par le biais de son financement, par ces
crises économiques : Poincaré fait un plan d’économies structurelles et
crée une caisse d’amortissement de la dette, Laval, alors président du Conseil,
tente en 1935 une politique de déflation qui comprime les dépenses publiques.
De Gaulle en 1958 commence son exercice du pouvoir par un plan de rigueur. Mais
beaucoup moins qu’aujourd’hui, car ses structures demeuraient largement
inchangées et peu remises en question. Son extension et l’accroissement de son
rôle économique et social, qui commence vraiment dans les années 1920, ont
conduit cependant à son implication croissante dans les aléas de la conjoncture
économique. </span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">L’État-providence et les politiques keynésiennes, critiquées par les
monétaristes, ont changé la donne. Charles de Gaulle, persuadé que l’État est
le garant de la souveraineté nationale, le place au cœur de sa politique de
modernisation, poursuivant et amplifiant l’œuvre de la Ive République. Il
édifie ainsi selon Jacques Lesourne un « modèle français », favorisant
une certaine interpénétration des élites de l’État et des milieux dirigeants de
l’économie française. Parallèlement, le socialisme français est très marqué
jusqu’en 1982-1983 (et encore dans une bien moindre mesure jusqu’aux années
1990) par un « socialisme d’État » qui fait de l’État l’initiateur de
la transformation sociale. Les deux axes structurants de la vie politique
française, le gaullisme et le socialisme, se sont ainsi reposés sur la
tradition française de valorisation de l’État en l’amplifiant.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Or, cet État doit relever aujourd’hui trois défis majeurs :</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Celui de la décentralisation. Les changements de 1982 démultiplient
l’action publique et la complexifient en plaçant l’État face aux collectivités
locales. Pressentie par le général de Gaulle, la décentralisation oblige l’État
à redéfinir son rôle : garant de l’intérêt général, il a désormais des
interlocuteurs locaux porteurs de requêtes particulières. Potentiellement,
l’adaptation des politiques publiques à la réalité des territoires en est
accrue, mais le pilotage est devenu plus complexe. Et ce d’autant plus que la
politique nationale et la culture (au sens le plus large) restent très
parisiennes. Tous les récents débats autour du « mille-feuilles » illustrent
la complexité des rapports entre autorités centrales et pouvoirs locaux,
mais cette question se retrouve partout de manière très concrète, par exemple
dans l’enseignement.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Celui de son financement. La crise des dettes souveraines pose la question
du financement de l’État et de sa gestion : l’État est devenue partie
prenante de la situation économique global non plus de manière marginale, mais
en tant que tel, parce que la réduction des dépenses publiques implique une
réflexion sur ses manières de fonctionner. On ne peut plus isoler la question
du financement de la solidarité sociale de celle de la manière dont les
administrations fonctionnent. La question des hôpitaux en est une illustration
particulièrement aigüe. On ne peut isoler la question du chômage de celle de
l’organisation de l’Éducation nationale, comme on le voit dans les débats sur
l’apprentissage.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Enfin, le défi européen. C’est un État dépositaire, plus encore
qu’ailleurs, de la continuité nationale qui est engagé dans l’aventure
européenne. Il est donc plus encore qu’un autre tenu d’expliciter ses choix.
Nous reviendrons tout à l’heure sur la difficulté de le faire concernant
l’Europe. Notons pour l’instant qu’il est engagé par là dans un espace de
compromis et de négociations, choses qui représentent l’immense majorité des
décisions politiques, mais qui sont difficiles à argumenter sur le forum. D’une
certaine manière, l’Europe des démocraties (il faut souligner cette dimension
de l’Europe, aussi importante que celle de la paix, et qui lui est
consubstantielle) amplifie les tensions internes de la démocratie, dont l’État
était en France le contrepoids essentiel. `Mi-confédérale, mi-fédérale, la
construction européenne oblige un État français qui doit déjà se réorganiser
face aux pouvoirs locaux et à la contrainte budgétaire à tenir des engagements
qu’il a librement consentis, mais qui l’obligent dans la durée. L’usage qu’il a
fait et continue de faire de sa souveraineté en diminue le côté mythique, et
met à mal cette religion de l’État non pas seulement dépositaire de l’intérêt
général (cela, c’est le fonds républicain dont nous avons montré qu’il puise
ses racines loin dans l’histoire nationale), mais encore tout-puissant. Or, la
religion du volontarisme politique absolu est forte au pays du « mythe du
sauveur », de Napoléon et de de Gaulle – non pas de Napoléon et de Gaulle
réels, passionnants et humains, mais de Napoléon et de Gaulle mythifiés par les
méandres de la mémoire collective.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">L’idée d’un État défendant l’intérêt général, et dont le politique
montrerait quelles sont les marges de manœuvre tout en l’adaptant à cette
nouvelle situation peine à faire son chemin. Le relatif est difficile à vendre
en politique, et surtout en France. Les partis de gouvernement en seraient les
avocats tous désignés, parce qu’ils paient tous les jours pour savoir que le
rapport entre État et société est complexe, dialectique et souvent très
contraignant. Mais leurs figures principales sentent cette difficulté face à
l’opinion, et oscillent au gré des élections et des campagnes entre deux discours
absolus et antagonistes, qui peuvent être résumés par ce binôme : Nous
pouvons dicter nos choix à l’Europe / nous ne pouvons plus résoudre nos
problèmes sans l’Europe. Il n’est pas étonnant que l’électorat soit désorienté.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="mso-ansi-language: FR;">Technocratie ou populisme ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Pourquoi l’Europe accroît-elle les tensions de la démocratie ? Toutes
se résument à une seule : les questions publiques sont d’une incroyable
complexité, dès qu’on les regarde d’un peu près (parce que la réalité est
complexe), et il faut les présenter d’une manière telle que la foule comprenne
à la fois les problèmes qui se posent et la solution que l’on entend leur
donner. Le discours politique est contraint à un certain simplisme pour être
audible et pour aboutir à une décision. Inversement, les intellectuels font
souvent de piètres politiques, habitués qu’ils sont à aborder un problème sous
tous les angles. Longtemps, l’idéologie a résolu le problème, mais l’explosion
du nombre d’informations disponibles diminue l’audience des idéologies
construites.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Il faut dorénavant beaucoup
de mauvaise foi militante ou une solide ignorance pour arriver à adhérer aux
systèmes d’explication monistes, voire une certaine pathologie – perceptible
dans le développement du complotisme. Et d’ailleurs, les grands politiques n’ont
pas été des idéologues, mais des personnes aptes à présenter de façon simple
des choix complexes et à sentir ce qui était à la fois possible et souhaitable
(de leur point de vue) dans la multiplicité des choix possibles. Des gens qui
savaient s’entourer (pour accroître leur information) et décider.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Parce qu’elle est elle-même un objet politique complexe, l’Union Européenne
montre à nu cette complexité. Objet mouvant, en construction, en extension, aux
pouvoirs éclatés, confédérale et fédérale, trop libérale pour les uns, trop
bureaucratique pour les autres, mettant en contact les différentes versions
nationales des familles politiques européennes, il faut bien du temps pour en
comprendre le fonctionnement. Elle est pourtant l’enjeu de luttes politiques importantes
(comme celle du Parlement européen pour s’affirmer face à la commission, comme
celles pour la présidence de celle-ci) mais celles-ci sont complexes à relayer,
et plus encore pour des médias parfois très parisiens et très braqués sur la
politique centralisée. Ajoutons d’ailleurs que la régionalisation des élections
est le type même de la mesure contre-productive de ce point de vue dans le
cadre français.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Si l’on abandonne une vision enchantée de la politique selon laquelle les
volontés politiques des dirigeants s’imprimeraient dans la société comme dans
une cire molle, force est de constater qu’une part très importante de l’action
publique consiste 1) en l’accompagnement d’évolutions dont le pouvoir n’a
pas l’initiative : il s’agit d’en encourager certaines et d’en combattre
d’autres 2) en l’accomplissement réfléchi et évolutif des missions de la
puissance publique telles qu’elles se sont peu à peu définies 3) en une
incarnation souple et ferme de l’intérêt général d’une communauté
perpétuellement menacée d’éclatement par des myriades de forces centrifuges (ce
qu’exprime l’expression du « vivre ensemble » qui se diffuse ces
dernières années). Cette tâche est à la fois très noble et très ingrate. Chacun
de ces aspects suscite potentiellement beaucoup de frustration, et la politique
vérifie la loi selon laquelle il faut beaucoup plus d’énergie pour maintenir
l’organisation d’un système que pour le désorganiser. Force est de constater
que le projet européen est rend toutes ces tâches particulièrement difficiles,
et singulièrement en France où l’effort d’adaptation de l’État (et des
collectivités locales, et même du rapport des collectivités locales et de
l’État) doit se faire en même temps que la contribution à ce projet européen.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Deux tentations symétriques surgissent ainsi : la volonté de dissoudre
la politique dans une approche purement technocratique des problèmes d’une part
(solution A) et le populisme (solution B).</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La solution A consiste à éloigner le plus possible la sphère de la décision
des luttes du forum, pour les confier à des spécialistes aptes à se saisir de
l’aspect technique des problèmes. D’une certaine manière, l’essor de la
communication politique est elle-même une technicisation du rapport entre les
représentants et les citoyens. On cherche la « confiance » des
gouvernés grâce à une « image » adaptée, et on se donne de la marge
de manœuvre pour régler les problèmes. Et si l’on réussit, les résultats
parleront d’eux-mêmes. Cette solution est rationnelle, au moins en apparence,
mais elle butte sur une difficulté : les décisions prises, dont les effets
ne sont pas tout de suite perceptibles, sont incompréhensibles aux yeux d’une
bonne partie de l’opinion. Et ici, la communication politique ne peut pas faire
de miracle : le produit, pour être acheté, doit être au minimum vendable,
et une décision, pour être acceptée, au moins comprise dans ses grandes lignes.
À cette difficulté s’en ajoute une seconde : le résultat de nombre de
décisions est aléatoire, et rien n’amortit plus dans l’opinion les échecs
partiels que connaissent même les meilleurs des gouvernements. On ne peut
demander l’appui soutenu de citoyens qu’on a préalablement réduit à leur
dimension de consommateur : comment réintroduire alors la notion d’intérêt
général, quand on ne peut pas montrer en quoi il est en jeu dans telle ou telle
décision ?</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La solution B est celle des formations que l’on qualifie de populistes,
mais pas exclusivement, car elle est parfois adoptée, plus conjoncturellement,
par des hommes et des femmes politiques des partis de gouvernement : elle
est une démagogie systématisée, modernisée et « négativisée ». On
oppose alors le « peuple » aux « élites », alors même que
l’on identifie les mouvements de l’opinion et l’intérêt général. Plus de
citoyens dont on cherche le consentement ou la coopération, mais des victimes
dont on comprend la souffrance, dont on approuve les colères et les
frustrations. Plus de construction d’un projet collectif, qui suppose des
compromis, mais la mise en avant d’objectifs simples, proclamés immédiatement
accessibles. Toute objection technique est assimilée à un réflexe de défense
des élites menacées, se nourrissant des malheurs du peuple. Pascal Perrineau
montre admirablement, dans son dernier ouvrage (<i style="mso-bidi-font-style: normal;">La France au Front</i>, Paris, Fayard, 2014), comment le Front national
a su profiter d’un processus de « politisation négative », par lequel
des Français profondément éloignés des structures traditionnelles de la
représentation politique accordent leur voix à ceux qui entrent en phase avec
leur éloignement d’un « système » qui leur échappe.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">La « politisation négative » n’a besoin que de boucs émissaires
vus comme des responsables : l’Union européenne est l’un d’entre eux. Là
encore, l’intérêt général a disparu : quand bien même elle peut prendre des
oripeaux communautaires, la politisation négative prospère dans des milieux en
proie à la décomposition sociale. Chacun est invité à se défouler, à se
« lâcher » contre des élites en procès.</span><br />
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-ansi-language: FR;">Technocratie d’un côté, populisme de l’autre : la démocratie risque
d’être coupée en deux. Le cauchemar d’élites autistes face à une opinion
violente a de quoi faire frémir tous ceux qui ont la fibre républicaine. Il
s’en trouve beaucoup, et j’ai la chance d’en connaître dans presque tous les
camps. Mais ils savent que la peur ne sert à rien. La démocratie a toujours été
un système en tension, dont l’État est le stabilisateur. Je reste persuadé que
les objectifs suivants : stabiliser le lien entre le local et le national,
entre le national et l’européen, désenclaver un monde culturel qui reste très
parisien, <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>poursuivre une réorganisation
de l’État qui est déjà entamée, ne sont pas seulement des slogans confortables,
des mots d’ordre jetés au vent, mais des impératifs déjà profondément vécus par
beaucoup d’élus et de décideurs de tous ordres. La nécessité nous brusque et
nous presse : c’est son métier. Quand on fait de l’histoire politique, on
cherche en vain des temps faciles, tout au plus voit-on quelques accalmies. Et
pourtant, l’Histoire avance, et des progrès (oui, des progrès) se réalisent –
nous devons juste faire attention à ne pas briser les outils qui les
permettent.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-37030808163758590222014-04-21T01:48:00.003-07:002014-04-21T01:52:19.442-07:00Max Weber et la liberté<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Max Weber est né
il y a 150 ans. Il fait partie de ces grands morts qui comptent dans nos vies,
et se trouvent parfois orienter le destin intellectuel des vivants. Il fait
aussi partie de ces sociologues dont l’influence dépasse le champ de leur
discipline, qui portent une vision du monde plus durable qu’un simple moment
dans le développement d’une culture savante.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://4.bp.blogspot.com/-GXyqc2cC9tQ/U1TbF3NVWcI/AAAAAAAAAYE/nT0xBeNWGoI/s1600/Weber.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://4.bp.blogspot.com/-GXyqc2cC9tQ/U1TbF3NVWcI/AAAAAAAAAYE/nT0xBeNWGoI/s1600/Weber.jpg" height="133" width="200" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Dans ma formation
d’historien, je l’ai rencontré (certaines lectures sont des rencontres, et nous
sommes encore comme les hommes de la Renaissance qui par la magie du livre se
sentaient admis, comme des passagers clandestins éblouis, dans le commerce des
grands esprits) par la double entremise d’un cours de sociologie générale et de
l’œuvre de Raymond Aron.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Je n’en suis
devenu ni un spécialiste ni même un lecteur régulier, au-delà des ouvrages les
plus célèbres. Mais j’ai relu plusieurs fois <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Le savant et le politique</i>, où Weber s’adresse aux étudiants. On ne
dira jamais assez la puissance du cocktail entre le ton familier, le sérieux de
la pensée et la tonalité existentielle d’un cours ou d’une conférence, qui peut
même survivre à la mise par écrit. Ni l’importance d’un discours sur la <i style="mso-bidi-font-style: normal;">vocation</i>, au moment où, dans les années
1980 comme aujourd’hui, on se demande (quand on en a le luxe) ce qu’on va faire
de sa vie.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Homme des
distinctions et des typologies, Weber est aussi un homme de tact qui respecte
son objet. Autre cocktail puissant, et leçon d’attitude intellectuelle toujours
transposable.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Éthique de conviction
et éthique de responsabilité, autorités traditionnelle, charismatique ou
légale-rationnelle, secte ou église, jugement de fait ou jugement de valeur,
tout cela défini simplement, Weber est à la fois l’homme des distinctions
éclairantes et celui qui ne veut pas s’y laisser enfermer. Dégageant des
tendances (comme le désenchantement du monde ou la bureaucratisation) sans
jamais se laisser enfermer dans le déterminisme. <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Homme du recul
aussi. Nous sommes pour la plupart aujourd’hui moins convaincus que Weber de la
possibilité d’une « neutralité axiologique » (entendre : par
rapport aux valeurs) totale du sociologue ou de l’historien. Mais si l’on
remplace cela par la suspension de jugement, la prise en compte de la pluralité
des points de vue, la volonté de comprendre et d’expliquer en laissant au
lecteur le soin de juger, qui niera que nous sommes là au cœur de l’éthique des
<i style="mso-bidi-font-style: normal;">scholars</i> ?<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Surtout, l’idée
du « combat des dieux », du conflit intranchable des valeurs, que
Weber a tirée, semble-t-il, de sa lecture de Nietzsche et du malaise moral « fin
de siècle » de sa génération, me paraît d’une extraordinaire fécondité
aujourd’hui encore. Elle fortifie l’indispensable pluralisme de l’analyse, elle
aide chacun à distinguer en chacun de nous le citoyen qui choisit de l’homme de
réflexion (le citoyen qui s’informe) qui dégage les enjeux et comprend les uns
et les autres, elle aide à prendre conscience du côté <i style="mso-bidi-font-style: normal;">dramatique</i> de l’histoire (et de la politique) et du côté à la fois
insatisfaisant et nécessaire des choix. <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Weber savait ce
qu’être déprimé voulait dire, et c’est peut-être pour cela que sa pensée est un des antidotes à notre dépression collective. Ce nietzschéen est peut-être
au fond le meilleur héritier des Lumières : il est l’homme de la liberté
éclairée, de celle qui naît de la connaissance. Et d’une liberté consciente de
ses limites, sachant qu’elle est orientée par des choix de valeurs autant que
par la raison, qu’elle s’exprime comme un choix encadré et non comme une
transcendance, et que d’autres choix que celui qu’elle opère sont légitimes.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><o:p><span style="font-family: Calibri;"> </span></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><o:p><span style="font-family: Calibri;"> </span></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-48209565812516788612014-04-14T23:09:00.000-07:002014-04-14T23:56:07.043-07:001914,1938, 2014<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Le jour se lève en Beauce. La lune est encore là, jaune et ronde alors qu’à
l’Est, ce ciel se colore d’un rose intense. Les voitures passent dans le
lointain. L’actualité bruit de l’Ukraine.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Une sourde inquiétude me tenaille depuis le début de la crise, avec une
comparaison que j’assume, celle de l’Europe d’avant 1914 et de la décomposition
toxique de l’empire Autrichien dont voulait profiter l’autre grand empire,
celui des Tsars, pour accroître son influence, et une autre comparaison que j’assume
moins facilement, celle de la crise tchécoslovaque de 1938.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Le principe des nationalités et l’impérialisme, que la pensée politique,
longtemps absorbée dans le duel libéralisme/socialisme, néglige depuis
longtemps, sont là et bien là. Ils sont des données que les décideurs doivent
prendre en compte.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Comme toujours, je me suis bricolé ces derniers temps une sorte d’épure
rationnelle ; c’est une partie de mon travail d’historien soucieux d’analyser
le monde<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>contemporain. Voir comment les
choses devraient être si chacun des acteurs était à la fois cohérent et
strictement rationnel. Ce n’est qu’une partie du travail : il faut ensuite mesurer l’écart
apparent, et l’expliquer. Alors, on s’approche vraiment d’une compréhension de
la situation.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Voici l’épure : le maintien de la Crimée dans une Ukraine dominée par
les pro-européens et les nationalistes ukrainiens me paraissait impossible, au
vu de l’importance de la légitimité démocratique en Europe, du souci que la
Russie pouvait avoir de ses intérêts stratégiques et des circonstances dans
lesquelles la Crimée avait été artificiellement rattachée à l’Ukraine. D’autre
part, les Européens, et plus généralement le camp occidental, avaient après la
révolution ukrainienne une occasion de garantir les libertés démocratiques en
Ukraine et d’arrimer l’Ukraine à l’Europe. Un arrangement, explicite ou tacite,
paraissait possible, quoique difficile.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Les Occidentaux ne s’engageaient pas dans cette voie, mais il était
impossible de savoir si la rhétorique du maintien de l’intégrité pleine et
entière de l’Ukraine de l’administration américaine était sincère ou si elle
était le préalable à des négociations, comme il était difficile de savoir si la
France aurait vraiment pu se saisir de l’occasion pour prendre une véritable
initiative diplomatique et entraîner des Européens divisés. Il faut dire que l’habitude
prise dans les débuts de notre Cinquième République de considérer que la
politique étrangère est le « domaine réservé » du président de la
République, prise pour que le général de Gaulle ait les mains libres pour
résoudre la question algérienne, n’a pas accoutumé le monde politique à se
lancer dans des débats sur la politique extérieure de la France, qui seraient
pourtant éclairants.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Et puis, le syndrome de Munich pèse sur les diplomates occidentaux :
en 1938, les Européens avaient négocié avec Hitler sur la question des Sudètes,
croyant ainsi sauver une Tchécoslovaquie amputée, que le leader
national-socialiste avait ensuite démantelée. Difficile avec un semblable
souvenir de se lancer dans des négociations, même si cela me paraissait possible
en prenant moult garanties et précautions.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Nous en étions donc à des menaces sans grande suite du côté occidental, et
à une grande interrogation sur les projets de Vladimir Poutine : voulait-il
seulement la Crimée pour compenser le recul de son influence en Ukraine, ou
voulait-il plus ? L’arrangement, puisqu’il restait implicite, n’allait-il
pas ouvrir la voie à un impérialisme s’appuyant sur les nombreuses minorités
russophones de la région ?<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La réponse à cette dernière question me semble aujourd’hui positive. Et on comprend les craintes de
pays comme l’Estonie. La remise en question des frontières, entamée il est vrai
au moment de la guerre du Kosovo en 1999 (le Kosovo a proclamé son indépendance
en 2008), est une boîte de Pandore, et nous fait mesurer rétrospectivement la sagesse
des dirigeants allemands et polonais reconnaissant, comme les y invitait les
vainqueurs de 1945, la frontière Oder-Neisse, absurde sur le plan des nationalités,
en 1990.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Peut-on encore en revenir à un arrangement raisonnable et durable ? La
tâche est rude, et nécessitera un mélange de souplesse et de fermeté dont il n’y
a pas de recette universelle. Le poids des hommes reste fondamental, dans une
Europe qui n’a pas fini de régler la question russe, comme elle a mis plus de
80 ans à régler les crises nées de l’effondrement de l’Autriche-Hongrie.<o:p></o:p></span></span></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-23067107955920995452014-04-01T00:09:00.000-07:002014-04-01T00:51:46.218-07:0012 propositions d'analyses sur la nomination de Manuel Valls<br />
<br />
1. C'est la plus forte réaction que pouvait avoir François Hollande dans le cadre contraint où il se trouve.<br />
<br />
2. La gauche de la gauche est déçue, mais pouvait-on infléchir une politique à gauche quand les citoyens qui se sont exprimés ont voté plus à droite ?<br />
<br />
3. Manuel Valls est à la droite du PS, mais la droite du PS, est-ce une gauche bourgeoise ? Il a été plus de dix ans maire d'Evry, et le thème de l'insécurité touche les milieux populaires qui y sont les plus exposés.<br />
<br />
4. Redresser les finances publiques et donner des marges de manoeuvre aux entreprises est une nécessité devenue d'autant plus forte après l'échec, annoncé et prévisible, de la renégociation du traité européen.<br />
<br />
5. S'y ajoute la nécessité de réformer l'Etat. On ne peut se contenter de faire "avec moins" sans essayer de "faire différemment".<br />
<br />
6. François Hollande pourra davantage présider comme il l'entendait, c'est-à-dire orienter et fédérer, avec un premier ministre ayant plus d'autorité et étant davantage le chef du gouvernement.<br />
<br />
7. Le changement a été fait en pensant à l'opinion, mais il était en outre une nécessité technique : la gestion, pour ne prendre qu'elle, de l'affaire des écoutes de l'ancien président a montré à quel point<br />
personne ne coordonnait non pas seulement l'action, mais les réactions gouvernementales.<br />
<br />
8. Dans la situation telle qu'elle est, aucun gouvernement ne peut prendre de mesures populaires. Quitte a être impopulaire, autant être clair et éventuellement efficace.<br />
<br />
9. La refonte de la fiscalité est partie avec Jean-Marc Ayrault.<br />
<br />
10. On ne sort pas durablement du dilemne qui est celui du président de la République depuis 1962 : prendre comme premier ministre un collaborateur loyal et désintéressé, et risquer qu'il manque de poids politique, ou quelqu'un qui représente une force, et le risque de concurrence existe. <br />
<br />
11. Le nouveau premier ministre a ses forces et ses limites, il doit prouver qu'il sait distinguer l'essentiel et l'accessoire, fédérer au-delà d'un clan soudé (mais ce préalable est indispensable en politique), élargir ce qu'une ligne "républicano-républicaine" peut avoir d'étroit et d'autoritaire pour le principe (cf. l'affaire Dieudonné).<br />
<br />
12. Qu'aurait été la réaction des commentateurs en cas de maintien de Jean-Marc Ayrault et de virage à gauche de la politique gouvernementale ?<br />
<br />
<br />
<br />
<br />Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-15376755525600783122014-03-18T01:48:00.001-07:002014-03-18T01:50:50.275-07:00La crise ukrainienne : situation révolutionnaire et perspectives pratiques<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;"></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;"></span></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">L’affaire de la Crimée montre à quel point nous
distinguons souvent mal deux notions pourtant essentielles : la légalité
et la légitimité. Cette <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>distinction est fondamentale en
démocratie, et cruciale dans les situations révolutionnaires.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La diplomatie européenne était parvenue à imposer un
accord en Crimée. Celui-ci supposait un certain statu quo politique (la
violence en moins) jusqu’à l’élection d’un nouveau président. Celui-ci a volé
en éclat lorsque le Parlement a destitué le président Ianoukovitch. <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Vladimir Poutine subissait ainsi un échec, puisque le
rapprochement avec l’UE était désormais l’horizon des nouveaux maîtres de l’Ukraine.
Mais lui était loisible de transformer cet échec en succès partiel, en se
focalisant sur l’Ukraine où la population russophone est majoritaire.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">En organisant très rapidement un référendum, dont
personne ne remet en question qu’il confirme au minimum le souhait d’une majorité
d’habitants de la Crimée de s’associer avec la Russie, il crée un état d’aussi <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>grande portée que sa présence militaire dans
ce territoire.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Dans les deux cas, l’Ukraine et la Crimée, nous nous
trouvons face à un processus révolutionnaire et à une sortie du cadre légal
existant, qu’il soit national ou international.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Dans les deux cas, une majorité impose à une minorité sa
manière de voir, en passant par des procédures contestables au regard de la
loi.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Aussi, quand bien même le cadre légal induit le maintien
de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de principe du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes conduit à la partition. Et aucun des deux camps ne peut s’ériger
en porte-parole de la légalité, que le propre d’une situation révolutionnaire
est précisément de suspendre.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Dès lors, nous nous trouvons devant trois possibilités :
épreuve de force, négociations, nouveau statu quo. <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La première peut difficilement être choisie, parce que
les buts de guerre seraient obscurs pour celui qui en prendrait l’initiative.
Les Occidentaux veulent-ils vraiment maintenir de force la Crimée dans l’Ukraine ?
Seraient-ils alors assurés de leur bon droit ? Vladimir Poutine a-t-il
intérêt à relancer la pression sur l’Ukraine au lieu de « digérer »<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>tranquillement la Crimée, où les minorités
peuvent d’ailleurs déjà lui créer des difficultés ? <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Par contre, cette première option peut surgir<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>de deux manières : chaque camp peut être
entraîné par sa propre rhétorique d’affrontement, refuser de perdre la face ou
croire que l’autre se prépare au conflit et ne pas vouloir lui laisser les
avantages militaires d’une certaine avance. Les occidentaux peuvent être incapables
de freiner les nouveaux dirigeants ukrainiens. Un scénario type « été 1914 »
me paraît peu probable, mais on ne peut en nier la possibilité.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La seconde solution, les négociations, paraît
difficilement praticable dans le climat où nous nous trouvons. Les déclarations
de Barack Obama, de John Kerry, le début de sanctions économiques, et surtout
le fait que cette perspective n’ait pas été évoquée rendent les choses
difficiles. Peut-être au bout d’un certain temps, pour sortir de l’impasse ?
Pour l’instant, nul ne propose une quelconque médiation. Mais on ne peut
exclure que la violence de ton des déclarations d’un côté, la prise de gages
des deux côtés (référendum, accord prochain d’association UE-Ukraine) soient en
fait des préalables. Vision optimiste, tout de même.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">La troisième, celle du statu quo, correspondrait à des
quasi-négociations : chacun ayant obtenu globalement ce qu’il voulait, les
deux camps se bornent les uns à des sanctions symboliques, d’autre à un
triomphalisme masquant sa semi-défaite. Les inconvénients de cette solution sont
d’une part la fragilité d’une situation non garantie par un accord prenant en
compte la nouvelle donne ; d’autre part la perte de crédit d’une
diplomatie occidentale prise entre le radicalisme de son discours et l’aspect
peu glorieux d’un compromis non assumés. Si le manque d’une ligne claire ne
conduit pas toujours aux grandes catastrophes, il rend impossible de tirer
auprès de l’opinion le bénéfice de quelque politique que ce soit.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="font-size: 12pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR;"><o:p><span style="font-family: Calibri;"> </span></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-23184714206737405822014-03-02T01:05:00.001-08:002014-03-02T01:45:50.064-08:00Sur la crise de Crimée<div style="text-align: justify;">
Raymond Aron disait que quand il analysait un problème politique, il essayait toujours de se placer du point de vue des décideurs. Il ne s'agissait pas pour lui de se transformer en avocat du pouvoir, mais d'inventorier les possibles et de comprendre les contraintes. Cela l'amenait à être parfois sévère pour certains discours qui ne pouvaient pas avoir de débouché pratique, et parfois indulgent pour certaines actions peu glorieuses, mais limitées par ce que la situation imposait.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Aujourd'hui, sur la question de la Crimée, ce type d'analyse me vient à l'esprit au fur et à mesure que les nouvelles tombent, et que je vois défiler les commentaires de ceux qui souhaitent une confrontation avec Vladimir Poutine et/ou qui fustigent la diplomatie européenne.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
La Russie ne peut admettre qu'une région où elle a une base maritime importante reste, malgré son autonomie relative, contrôlée par un pouvoir ukrainien qui, dorénavant, se fonde sur un rejet des précédents gouvernants pro-russes et souhaite arrimer l'Ukraine à l'Europe. Elle n'a pu empêcher la révolution de Kiev de se faire, et d'une certaine manière, elle s'est rabattue sur la Crimée pour sauver les meubles, par réalisme. Il y a bien un échec partiel de Poutine, mais ce dernier a tout de suite joué le coup d'après.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
La position occidentale est plus compliquée. Officiellement, le discours identifie, on voit chez Barack Obama, le respect de l'intégrité de l'Etat ukrainien avec le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais cela ne colle pas. Nous nous retrouvons dans une situation qui évoque celle des minorités nationales après le Traité de Versailles. Nous ne nous retrouvons pas tant en guerre froide que dans des problèmes de découpage des frontières. Nous sommes sortis de cela en Europe (j'espère définitivement) quand Helmut Kohl et Lech Walesa ont décidé, juste après la réunification allemande, de conserver l'absurde frontière germano-polonaise issue de la Seconde guerre mondiale pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore des querelles de bornage.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
L'issue logique de l'application du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes serait l'organisation, en Crimée, d'un référendum sur l'avenir de cette région autonome, et les Russes sont près de 60% de la population. De fait, cela rend de toute manière problématique le maintien de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. </div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
On voit mal comment, au-delà de la rhétorique d'intimidation, la diplomatie américaine et européenne peut viser un autre objectif qu'une consultation démocratique en Crimée négociée avec la Russie. Une partition s'ensuivrait probablement, et il faudrait y joindre une vraie garantie de sécurité pour l'Ukraine diminuée. </div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Le rattachement artificiel de la Crimée à l'Ukraine en 1954 et la composition de sa population, ainsi que l'existence de la base de Sébastopol, sont des réalités qui limitent le champ de possibles, mais qu'il faut prendre en compte pour pouvoir travailler effectivement à la stabilisation du nouveau pouvoir ukrainien, qui est un enjeu considérable. </div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Entre l'Occident et la Russie, la question ukrainienne peut aboutir à une situation ou chacun a atteint partiellement ses objectifs, ou à une surenchère verbale où le plus réaliste des deux tirera les marrons du feu.</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-69884690682401764512014-02-23T00:38:00.001-08:002014-02-23T00:38:52.862-08:00Le long chemin de l'Ukraine<div style="text-align: justify;">
Nous avons toujours besoin d'une sorte de grammaire des révolutions. Comme beaucoup, je suis avec intérêt ce qui se passe en Ukraine. Tout comme Alexandre Terletzski (http://iphilo.fr/2014/02/21/ukraine-un-chemin-etroit-entre-romantisme-revolutionnaire-et-prudence-politique/) je suis parfois atterré de voir que le romantisme révolutionnaire, dont l'essor est bien compréhensible chez les manifestants, chez les insurgés ukrainiens, sert ici de grille d'analyse pour nombre de commentateurs.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Historien, j'ai tendance à accuser la méconnaissance générale de l'histoire de nos révolutions nationales, et en particulier de la Révolution française et de 1848. Il suffit de suivre leur histoire fascinante, charriant grandeur, héroïsme et mécomptes, pour se convaincre de certaines vérités que nous oubliions déjà avec enthousiasme au moment des révolutions dites du "printemps arabe".</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
1. Une révolution n'entraîne jamais l'ensemble d'un peuple. Un pouvoir qui tombe garde toujours des partisans. Elle met donc toujours en question l'unité nationale, qu'il faut se préoccuper de rétablir d'une manière ou d'une autre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
2. Une révolution porte l'espoir d'un changement total et du règlement de tous les problèmes aux yeux de ses partisans. Elle est donc conduite à décevoir rapidement ses soutiens les plus enthousiastes, parce qu'un changement politique, même désirable, ne suffit jamais à régler tous les problèmes auxquels une société est confrontée.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
3. Une révolution doit savoir se terminer rapidement, sous peine de voir monter dans le pays qui la touche une requête d'ordre qui peut être politiquement traduite et utilisée.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les diplomates européens ont bien compris cela, mais la journée du 22 février a montré toute la difficulté d'une stabilisation. Au moins ont-ils montré que l'Europe, dans sa double dimension confédérale et fédérale, pouvait être acteur et pacificatrice, et qu'elle était présente sur le terrain. Quand bien même ils n'ont pas pu freiner la dynamique révolutionnaire, ils ont pu poser une échéance électorale, seul moyen sans doute de dénouer la crise.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Maintenant, plusieurs questions se posent : tout d'abord celle de l'unité du mouvement de la place Maïdan et de ses prolongements sur l'ensemble du territoire. Le ralliement à Ioulia Timochenko était concerté, est-il unanime ? Celle-ci gèrera-t-elle un rôle symbolique en passant le relais à une nouvelle génération politique ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Ensuite, celle du devenir de l'Est du pays. Il aurait été touché par la contestation, mais le risque d'une sécession de la Crimée demeure. En ce cas, Vladimir Poutine transformerait sa défaite en victoire.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Enfin, comment gérer les liens de l'Ukraine avec l'Union Européenne d'une part et la Russie d'autre part, si l'on évite la partition du pays ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Tout cela nécessite la poursuite du travail diplomatique, et la construction d'un nouvel ordre politique en Ukraine, avec toute la difficulté, perceptible dans le discours de Ioulia Timochenko hier, d'une mise en procès de l'ensemble d'une classe politique corrompue et de s'appuyer uniquement sur la poursuite d'une mobilisation populaire. Acter ce qui doit l'être, et construire un ordre démocratique : les difficultés commencent, quand bien même ce sont des problèmes qu'on est heureux de se poser. La révolution promet des raccourcis, et parfois elle en offre ; mais la politique, dans sa vérité, est un long chemin.</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-24654207091938408992014-02-06T10:01:00.002-08:002014-02-06T10:02:57.878-08:00L'histoire, l'âge et l'espérance<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">J’ai terminé il y
a quinze jours mon cours de l’interâges. La Sorbonne, comme nombre
d’universités, organise ces cours où un public composé essentiellement de
retraités suit un cycle de conférences sur un thème choisi par l’enseignant. Je
suis toujours touché par ces gens qui acceptent de se faire enseigner par de
plus jeunes qu’eux, qui sortent de chez eux, et parfois viennent de loin, pour
entendre ce que nous pouvons avoir à dire.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Ils sont notre
public. L’histoire a d’abord été un des plus délicieux loisirs du grand âge. Il
faut avoir vécu, vu changer bien des choses, avoir mesuré, parfois à ses
dépens, la formidable résistance ou la force d’entraînement de l’Histoire, fait
les deuils de bien des illusions et connu bien des surprises pour acquérir cette
curiosité informée et doucement sceptique qui fait apprécier l’histoire écrite
ou parlée.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Combien, parmi
les historiens de métier, ont d’abord compris l’épaisseur du temps en faisant
parler un de leurs grands-parents. Combien, dans leur innocence, étaient
dévorés de l’étrange appétit d’avoir vécu afin de pouvoir <i style="mso-bidi-font-style: normal;">raconter</i> ? Je me souviens avoir dit un jour à un collègue avec
qui je discutais de l’interâges, que notre discipline était à l’origine un
« loisir de vieux » (et je ne mettais pas de mépris dans ce terme).
Il avait pris la mouche et m’avait asséné un « nous n’avons pas la même
conception de notre métier » qui avait clos l’échange.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Écouter nos aînés
et lire de l’histoire, c’est au fond la même chose. Ici, les « sciences
humaines », dont je ne suis pas bien sûr qu’elles soient des sciences, sont
très différentes des sciences où le laboratoire révolutionne périodiquement le
savoir et périme vite les théories antérieures. Nous inventorions certes des
ruptures, nous historiens, mais nous constatons aussi bien des permanences.
Porte-paroles, quand nous en sommes conscients, de la finitude humaine et de la
relativité, nous tombons parfois sur de redoutables constantes. Il est dommage
que la spécialisation, qui nous cantonne dans des périodes étroites, ne nous
permette pas de les constater davantage.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Il y a une
humanité dispersée dans l’espace. Nous en sommes conscients. Il y en a une
dispersée dans le temps, nous l’oublions bien plus facilement. Peut-être parce
que l’échange entre générations, dépouillé des vieux codes, est devenu plus
brutal, à la fois plus franc et moins profond. Pourtant, chaque fois que j’enseigne
à l’interâges, chaque fois que des questions, des remarques et des échanges d’après-cours
se prennent place dans le grand amphi de l’Institut de géographie, je me dis
que c’est dans notre rapport au passé et à l’expérience accumulée que se noue
notre perception de l’avenir – et donc une partie de<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>la dépression collective où se morfond et se
complait notre pays depuis bientôt trente ans.<o:p></o:p></span></span></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-30468314439734347462014-01-12T01:20:00.001-08:002014-01-12T01:20:58.687-08:00Liberté, liberté chérie...<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Comme beaucoup de
gens qui ont à la fois la fibre républicaine et la fibre libérale, l’affaire
Dieudonné m’a plongé dans un malaise certain. Pourtant, je comprends ce que
Manuel Valls essaie de faire à gauche : une espèce de retour aux sources
républicaines qui ne soit pas l’archéologie chevènementiste, une conciliation
de l’ordre républicain et des valeurs progressistes, susceptible, espère-t-il,
de sortir le socialisme du deuil interminable des perspectives de changement
social global sans le cantonner aux revendications sociétales. Mais j’ai mieux
saisi la source de mon malaise quand le ministre de l’Intérieur a qualifié la
décision du Conseil d’État relative au spectacle de Nantes de « victoire
de la République ».<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Dans cette remise
au goût du jour du patrimoine républicain, c’est donc la « défense
républicaine » qui est aujourd’hui mise en avant. Cela me paraît à la fois
disproportionné et peu opportun.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">La défense
républicaine, c’était sous la Troisième République l’union des républicains
quand le régime semblait en péril pour prendre des mesures exceptionnelles. Je
dis bien « semblait ». Nous ne sommes pas sûrs que quand Jules Ferry
expulsait les Jésuites au début des années 1880, quand le ministre de l’Intérieur
Constans fait arrêter les comparses de Boulanger, quand Waldeck-Rousseau
relance l’anticléricalisme en 1899 pour réprimer l’agitation antidreyfusarde en
épargnant l’armée, quand Émile Combes fasait expulser les congrégations
religieuses (l’image des Chartreux marchant dans la neige au milieu des soldats…),
nous ne sommes pas sûrs que ces mesures étaient indispensables au salut du
régime.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Dans un excellent
ouvrage</span><a href="https://www.blogger.com/editor/static_files/blank_quirks.html#_ftn1" name="_ftnref1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span lang="FR" style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">[1]</span></span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">,
Jean-Pierre Machelon avait autrefois inventorié ces mesures d’exception, et
avait conclu que la politique de défense républicaine avait généré des entorses
aux libertés publiques, mais que ces entorses ne suffisaient pas à faire
oublier que le régime était, en fonctionnement normal, d’un libéralisme
remarquable (il suffit de rappeler la loi de 1881 sur la liberté de la presse).
L’anticléricalisme (à l’exception de la répression antiboulangiste) en était la
source principale.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Au moins la
République s’en prenait-elle, occasionnellement, à une force organisée,
influente, qui était l’Église catholique de l’époque, avec laquelle elle avait
fini d’ailleurs, par la loi de 1905 et par sa prudence dans son application
difficile (puisque l’affaire ne se termine qu’en 1924, après des négociations
avec Rome) par trouver un modus vivendi remarquable. Une force collective qui,
officiellement, se réclamait encore, au moins à Rome, de principes antagonistes
de ceux sur lesquels la République était fondée. <o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Dans l’affaire
Dieudonné, nous sommes dans une forme atténuée de défense républicaine. Aucune
loi d’exception n’a été prise. Nous sommes dans une initiative politique, celle
du ministre de l’Intérieur, visant à mobiliser l’arsenal législatif existant
pour empêcher une tournée de spectacles d’avoir lieu. La question n’est pas
celle de la liberté d’association, mais celle de la liberté d’expression. En
fait, on a lancé de nouvelles procédures pour empêcher un spectacle d’avoir
lieu, au lieu de se contenter d’obtenir de Dieudonné le paiement des amendes
auxquelles il a été condamnées.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Pour justifier l’entreprise,
c’est la République qu’on invoque. Contre un homme seul, qui pour l’instant n’a
fait que parler et se présenter, sans aucun succès, à quelques élections. Si
ses opinions sont répréhensibles ou délictueuses, il peut tomber, et est déjà
tombé d’ailleurs, sous le coup de la loi, qui encadre et limite déjà la liberté
d’expression. Mais dans le cadre du contrôle <i style="mso-bidi-font-style: normal;">a posteriori</i>, véritable garant de la liberté. Ce que Manuel Valls a
tenté était juridiquement possible, comme le prouvent les décisions du Conseil
d’État dont l’indépendance en l’espèce est indiscutable. Mais croire que la
République est menacée par les sketches de Dieudonné, c’est en avoir une piètre
idée.<o:p></o:p></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
<span lang="FR" style="font-family: "Calibri","sans-serif"; line-height: 107%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">Nous ne sommes pas des enfants prêts à se ruer sur des
idées nauséabondes. Nous sommes capables d’attendre que les propos de Dieudonné
soient condamnés quand ils sont condamnables, et nous sommes en droit d’attendre
que les peines prononcées contre lui soient exécutées. S’il structure son
mouvement, nous sommes capables d’arracher le masque de l’antisionisme, et de
montrer qu’on retrouve derrière ce masque tous les poncifs, toutes les
structures idéologiques de l’antisémitisme. Si ce mouvement représente une
vraie menace pour les principes républicains, il pourra être dissous. Nous
sommes capables de combattre le complotisme, nous n’avons pas besoin qu’on en
fasse l’objet d’un délit d’opinion.</span> </span>
</span></div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br />
<div style="mso-element: footnote-list; text-align: justify;">
<br /></div>
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"></span><div style="mso-element: footnote-list; text-align: justify;">
</div>
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
</span><br />
<div id="ftn1" style="mso-element: footnote;">
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span><br />
<div class="MsoFootnoteText" style="margin: 0cm 0cm 0pt;">
<a href="https://www.blogger.com/editor/static_files/blank_quirks.html#_ftnref1" name="_ftn1" style="mso-footnote-id: ftn1;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="mso-special-character: footnote;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10pt; line-height: 107%; mso-ansi-language: EN-GB; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">[1]</span></span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-size: x-small;"><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;"> <span lang="FR">Jean-Pierre Machelon, <i style="mso-bidi-font-style: normal;">La République contre les libertés ?</i>,
Paris, Presses de la FNSP, 1976.<o:p></o:p></span></span></span></span></div>
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span></div>
<span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span><span style="font-family: Georgia, "Times New Roman", serif;">
</span>Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-32694184714775484252014-01-04T00:02:00.000-08:002014-01-04T00:49:06.136-08:00Contrainte économique, contrainte politique<div style="text-align: justify;">
L'audience des "antisystèmes" se nourrit bien sûr des mécontentements liés à la crise qui nous frappe depuis 2008. On nous pardonnera d'aligner ici des évidences.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Cette crise a un double aspect : elle est à la fois liée à une conjoncture défavorable et à un endettement excessif des Etats. Les pouvoirs publics paraissent donc dépourvus des moyens d'agir à court terme et ne peuvent injecter grand chose dans l'économie sans que cela soit comme épongé par les propres besoins de financement de l'Etat et des collectivités locales.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Elle frappe dans un contexte de mondialisation/globalisation : beaucoup des leviers d'action auxquels nous sommes habitués de recourir non pas pour sortir des crises (qui se terminent d'elles-mêmes au bout d'un certain temps parce qu'elles correspondent à des phases de transformation de l'activité économique), mais pour les accompagner et empêcher qu'elles ne soient trop désastreuses socialement, voire pour favoriser la reprise quand elle se dessine, échappent de facto aujourd'hui à l'Etat-nation. </div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
En 1981-1982, il y a donc plus de trente ans, et bien avant l'euro, on a pu mesurer qu'une politique de relance par la consommation était vaine quand elle était pratiquée dans un seul pays. Le formidable accroissement des dépenses publiques décidé alors, comme cela avait été prévu par de nombreux économistes, n'avait abouti qu'à dégrader la balance du commerce extérieur : le pouvoir d'achat distribué avait servi à acheter des produits étrangers, sans que les entreprises nationales ait eu le temps d'en profiter, et le chômage n'avait pas reculé.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Le débat de politique économique est aujourd'hui en partie transféré autour de la gestion de l'euro, mais la contrainte est la même que celle qui pesait sur la politique nationale : une monnaie trop forte peut décourager l'investissement et pénaliser les exportations, une monnaie trop faible lance l'inflation qui pénalise le pouvoir d'achat des salariés et renchérit les importations. Le débat autour du mandat de la Banque Centrale Européenne, limité pour l'instant à la lutte contre l'inflation, est donc crucial.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Les Etats européens sont donc liés entre eux pour la politique <em>conjoncturelle</em> face à la crise, sans que leur déliaison éventuelle puisse leur apporter de solution : elle ne supprimerait pas l'interpénétration des économies et ne leur offrirait pas de choix qui puissent être différents de ceux de leurs principaux partenaires. Ils n'ont les mains entièrement libres que pour la politique <em>structurelle</em> : celle qui porte sur l'organisation du marché du travail, sur une partie très importante de la fiscalité, sur la manière d'aider les chômeurs à retrouver un emploi, sur l'éducation, sur les retraites, sur les aides aux entreprises... autant de domaines où les résultats d'une action difficile ne portent leurs fruits qu'au bout de plusieurs années.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Ajoutons à tout cela une spécificité française : le peu de croissance que nous avons pu avoir ces dernières années est tirée par la consommation des ménages, elle-même liée aux transferts sociaux, transferts eux-mêmes financés par le déficit et l'endettement. Le rétablissement des comptes publics gênera donc ainsi la croissance.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Donc, pas de miracle à attendre dans le court terme, et nécessité profonde d'avancer sur la voie de réformes souvent impopulaires - de celles que l'on peut se résigner à subir tant qu'on ne demande pas de les approuver, et dont les effets ne seront pas immédiatement perceptibles.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Je crois n'avoir dit que des évidences, mais elles ne sont, je crois, pas assez dites. Et je crois que quand une nation est dans ce type de situation, les dirigeants doivent le dire et les opposants en avoir conscience. Pas la peine de promettre "du sang et des larmes", simplement dire ce qu'il y a à faire, ce que l'on va faire et ce qu'on peut raisonnablement en attendre, en accomplissant la tâche difficile et noble d'élever la collectivité au-dessus du quotidien pour la projeter dans un avenir non fantasmé. </div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-2644051879186259252013-12-15T19:05:00.001-08:002013-12-15T19:05:07.469-08:00À propos d'un grand historien.
<em>Un ami m'a demandé un hommage à Jean-Marie Mayeur. Je le reproduis dans ce blog, surtout pour ce que je dis sur son dernier ouvrage...</em><br />
<em></em><br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Jean-Marie Mayeur nous a quittés le 8 octobre 2013. Pour plusieurs d’entre
nous, c’était un maître qui ne voulait pas être un maître, mais qui l’était, à
sa manière discrète et exigeante. Quand on était son thésard, ou son ancien
thésard, et qu’on le disait autour de soi, on se rendait vite compte qu’il
existait autour de lui un consensus, qui passait assez largement les frontières
des querelles historiographiques et politiques. Dans un milieu où l’on parle
beaucoup et où les susceptibilités sont chatouilleuses, je ne lui ai pas
rencontré de véritable ennemi.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Et cela était d’autant plus étrange qu’il disait nettement ce qu’il
pensait. Qu’il avait une sorte de culte naturel pour l’indépendance d’esprit,
qu’il aimait aussi chez les autres. Qu’il avait exercé beaucoup de
responsabilités, et eu dans les années 1970 le redoutable honneur de commenter
dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Le Monde</i> les publications des
autres Fils d’inspecteur général, il avait, je crois, une sorte de religion du
service public, fortifiée par cette alliance devenue rare, mais qui l’était
moins dans sa génération, de patriotisme, d’esprit républicain, de foi
catholique et de libéralisme intellectuel. Son goût des responsabilités, sa
curiosité pour la politique lui avaient donné une autre sensibilité rare :
un sens du concret et des arrangements nécessaires. La conception de la laïcité
qui irrigue les études rassemblées dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">La
Question laïque</i> (Fayard, 1997), originale et pragmatique, en témoigne. C’est
peut-être à cause de cela, qui lui permettait de ne pas perdre de temps sur les
débats secondaires, d’aller droit à ce qui comptait, qu’il générait du
consensus.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Il avait pu prendre place dans le monde des contemporanéistes avec une
biographie parue chez Casterman en 1968, celle de l’abbé Lemire, sans trop se
préoccuper de l’air du temps, et rester attentif au développement de la
recherche sans jamais cesser de lire les anciens. Je le revois expliquer, se
moquant de lui-même, qu’il avait écrit sur l’esprit républicain dans un ouvrage
publié en 1963 sans avoir encore lu… Gabriel Hanotaux. Il aimait se définir
comme un « lecteur », ce qui était bien réducteur, mais rendait
compte du prix qu’il accordait, et qu’il nous apprenait à accorder, aux
témoignages, aux divers points de vue des contemporains d’un événement. Cela lui
donnait une humilité profonde, et aussi cette familiarité avec les milieux
républicains et catholiques des années 1870 à nos jours qui nous impressionnait
tant. Elle explose dès 1966 dans ce petit volume réédité en 2005 sur la
Séparation des Églises et de l’État, elle se donne libre carrière dans <span style="mso-spacerun: yes;"> </span><i style="mso-bidi-font-style: normal;">Les
Débuts de la IIIe République 1871-1898</i> (Seuil, 1973<i style="mso-bidi-font-style: normal;">), Des partis catholiques à la démocratie chrétienne</i> (Colin, 1980)
ou <i style="mso-bidi-font-style: normal;">La Vie politique sous la IIIe
République</i> (Seuil, 1984), ou dans <i style="mso-bidi-font-style: normal;">Catholicisme
social et démocratie chrétienne. Principes romains, expériences françaises</i>
(Cerf, 1986).<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">Une conversation avec lui pouvait être d’une brièveté touchant au laconisme
ou donner lieu à des échappées délicieuses. Elle ne pouvait jamais être vaine. Le
jugement était rapide, éclairant, suffisamment pour que l’on se sente un peu
soulagé de converger avec lui. Il n’y avait pas de solution de continuité entre
la manière dont Jean-Marie Mayeur envisageait le passé, le milieu universitaire
dont il avait une expérience variée (Nanterre, Saint-Étienne, Lyon II, Paris
XII, Paris IV) et le milieu politique contemporain. Une seule chose lui
manquait : le souci de mettre en valeur sa propre pensée. Je reste
persuadé qu’on n’a ainsi pas pleinement reçu son dernier ouvrage, <em><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">Léon Gambetta. La Patrie et la République</span></em>
(Fayard, 2008): par-delà l’approche biographique, l’auteur y bouscule
énormément de poncifs historiographiques. Comme pour la laïcité, il n’y livre
pas sa théorie, il faut la chercher entre les lignes. On est sûr de l’y trouver.<o:p></o:p></span></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span lang="FR" style="mso-ansi-language: FR;"><span style="font-family: Calibri;">S’imposer en restant discret sur soi n’est pas chose facile. Mais l’œuvre
est là, et nous sommes nombreux à penser qu’elle se révèlera durable. Quant à
l’homme, je crois n’avoir pas été le seul à penser, en l’église Saint-Jacques
du Haut-Pas, que son mélange de distance et de vraie passion pour l’histoire,
de culture et d’engagement manquera aux années qui viennent.<o:p></o:p></span></span></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-69446165710376165482013-11-23T00:08:00.000-08:002013-11-23T00:48:17.249-08:00De la réforme en France<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Depuis la fin des années 1980, le thème de la réforme, et de la réforme difficile, est devenu une sorte de tourment inconscient des Français. On sait qu'il faut des réformes, on sait qu'il faut "s'adapter", on aimerait bien que quelqu'un s'en occupe sans avoir à y participer... Le changement fait vite peur, dès lors qu'il n'est pas porté par une espérance. Le radicalisme des conversations de café tourne vite au découragement. Et chaque réforme proposée se heurte à deux objections : 1)"Ce n'est pas la bonne réforme", disent ses adversaires, le plus souvent ceux qui sont lésés dans leurs intérêts 2) "Ce n'est qu'une demi-réforme", disent les spectateurs, en général ceux dont les intérêts ne sont pas directement remis en cause.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Eh oui, les réformes d'adaptation sont les plus difficiles à "faire passer" politiquement. D'où la résurgence, depuis 30 ans, d'un vieux discours. C'est la faute du pays. Ce pays qui ne saurait pas faire des réformes, mais des révolutions, qui serait incapable de s'unir autour de solutions pragmatiques. Trop fougueuse pour les uns, la France serait aussi trop fragile pour les autres. C'est ce que Jacques Chirac en était venu à penser ; il fallait avant tout rassurer, protéger... d'où le discours à la fois méprisant et doloriste que l'on nous sert depuis pas mal d'années.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les Français ? avant tout des victimes, de pauvres êtres désorientés dont il faut calmer les peurs. Des gens dont on n'attend plus qu'une vague confiance faite d'une grande part de lâcheté, ou bien de grands enfants auxquels on annonce, comme durant la campagne de 2012, qu'on va "réenchanter le rêve français". Non seulement il s'agit de rêve et d'enchantement, quand nous sommes tous les jours face au réel, mais en plus on nous le dit : on va nous faire rêver, on va nous enchanter la réalité. Avouer aux citoyens qu'on leur vend du rêve est, au fond, une chose terrible.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pour ceux qui pensent que les Français sont<i> </i>des adultes, la vraie question est de savoir ce qu'on nous propose sous nom de "réforme". Le terme n'est-il pas devenu lui-même un fétiche, un outil pour cliver à la hâte la nation entre "réformateurs" et "conservateurs" et donner à croire que l'on change tout alors qu'on ne fait pas vraiment évoluer les choses ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La Fondapol diffuse actuellement une petite brochure des plus intéressante. Elle est signée par Pierre Pezziardi, Serge Soudoplatoff et Xavier Quérat-Hément et s'intitule (assez longuement) <i>Pour la croissance, la débureaucratisation par la confiance. Mieux, plus simple et avec les mêmes personnes</i>. Un titre qu'on croirait surgi de l"époque moderne ou du XIXe siècle, quand les titres ressemblaient à des banderoles ou à des quatrièmes de couverture.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Son contenu m'a donné à penser. Il s'agit d'une critique du modèle managérial élaboré des années 1940 aux années 1960, où pour répondre à un problème, on cherche à rationaliser <i>a priori</i> l'ensemble d'un système. Ce qui conduit tout à la fois à l'alourdir, à restreindre l'autonomie des personnes et à générer de nouveaux dysfonctionnement qui eux-mêmes rendront nécessaire une refonte...</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les auteurs pensent plus utile de guetter les points de dysfonctionnement, les goulots d'étranglement, d'inventorier les mécontentements de tous les acteurs (agents et usagers), et de proposer des solutions ponctuelles en laissant les plus d'initiative possible à ceux qui se trouvent sur le terrain. Leur idée est que la réforme ne peut pas venir exclusivement d'en haut, dans la mesure où les dirigeants ont généralement intériorisé toute la contrainte bureaucratique (j'avais avancé un point de vue similaire pour la réforme de l'Etat qui à mon sens ne pouvait sortir de la haute fonction publique http://iphilo.fr/2013/10/31/de-lutopie-republicaine-retrospective/)</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La vraie réforme n'est pas la "refondation" ni forcément la "refonte globale" quand il s'agit non pas de créer, mais d'adapter. Elle est une démarche pragmatique qui isole les points à régler et assouplit au lieu de remplacer un système rigide pas un autre. Il paraît clair que cette démarche-là, politiquement, est plus vendable parce qu'elle évite la dramatisation des enjeux, qui peut être une nécessité politique, mais dont il ne faut se servir qu'avec mesure, car elle s'use rapidement.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Vous aurez compris mon scepticisme, de ce point de vue, relativement à la "refonte globale" annoncée de notre fiscalité. Prévue dans un délai ultra court, tout de suite négociée avec les partenaires sociaux, bien accueillie en principe (et uniquement en principe) dans l'opinion tant qu'elle reste sur le papier car chacun peut encore espérer qu'il y gagnera, je pense qu'elle se bornera à quelques mesurettes choisies non pas pour régler des problèmes précis, mais pour faire penser que l'on a mis en oeuvre une "vraie" réforme.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le véritable enjeu, aujourd'hui, c'est de réformer des systèmes complexes. Et si le meilleur outil pour cela était une certaine modestie, une bonne dose de pragmatisme et le respect des acteurs de terrain ?</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-12245011438111977102013-11-14T04:45:00.002-08:002013-11-15T14:10:17.031-08:00Fausse interview, vraies questions<br />
<div style="text-align: justify;">
<i>Une ancienne étudiante, Claire de Roux, m'a demandé de répondre à une fausse interview pour sa formation. Les questions, pertinentes, m'ont intéressé. Voici donc mes réponses.</i></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Selon vous, y-a-t-il une récupération politique et idéologique de
« la montée du racisme » ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">C’est toujours délicat de distinguer chez les hommes politiques ce qui
relève de la conviction et du calcul stratégique, parce que leur position les
oblige toujours à mêler les deux choses. Il est certain que la gauche au
pouvoir a intérêt dans une certaine mesure à une montée de l’extrême droite, de
même que la droite au pouvoir a intérêt à une montée de l’extrême gauche. Mais
la gauche est sincèrement opposée à l’extrême droite, et la droite à l’extrême
gauche. L’antiracisme évoque un peu l’antifascisme, et il est forcément
mobilisateur à gauche. Mais ce n’est pas Christiane Taubira qui a orchestré les
attaques racistes contre elle ! Bien sûr que d’en être victime lui assure
des sympathies dans toute l’opinion républicaine. Par contre, je ne crois pas
qu’il y ait moyen pour le président de la République et le premier ministre de
se refaire une santé politique à partir de cela ; les raisons du divorce
avec l’opinion sont trop profondes, et l’image de faiblesse qu’à tort ou à
raison on leur associe fait qu’ils ne peuvent pas mobiliser autour d’eux.
Beaucoup sont prêts à défendre l’esprit républicain dans ce climat délétère,
mais ils ne peuvent (en tout cas pour l’instant) en être <span style="mso-bidi-font-style: normal;">personnellement</span> l<span style="mso-bidi-font-style: normal;">’</span>incarnation.
</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Les attaques répétées contre Christiane Taubira sont-elles un des signes
que le racisme n’a pas reculé ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Indubitablement. Elles sont aussi un signe que les gens « se
lâchent ». Twitter (plus globalement internet) est un outil remarquable,
mais il a pour inconvénient de permettre à la fois l’anonymat et la levée des
inhibitions. D’autre part, on a depuis quelques années l’impression (qui n’est
pas inédite dans l’histoire de France) que tout est permis dès lors que l’on
attaque élus et gouvernants. Il y a des racistes en France, la chose est
ancienne et certaine, et ils osent davantage se montrer à visage découvert et
attaquer des personnalités officielles.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Par contre, je refuse l’idée que « la France est raciste ».
D’abord, la France, c’est 65 millions de personnes. Si on veut lui attribuer
une orientation, il faut se tourner vers les décisions prises en son nom par
les autorités. La France est une terre d’accueil pour des populations venues de
l’ensemble de la planète, elle a un contact historique fort avec l’Afrique qui
a mon avis est devenu partie prenante de son identité nationale, elle consacre
des efforts remarquables à l’intégration des immigrés. De ce point de vue, elle
peut être un exemple pour des pays qui découvrent les problèmes d’intégration
sans avoir sa tradition historique.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Y-a-t-il de nouveaux populismes identitaires en France
aujourd’hui ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Oui. Quand on ne sait pas ce qu’on doit faire, on se replie sur ce
qu’on est. Ce mouvement de bascule entre l’ouverture sur l’avenir et l’identité
est normal s’il n’est pas trop ample et s’il est pendulaire. Or depuis la fin
des années 1980, l’opinion publique sent confusément que les adaptations
nécessaires à la nouvelle donne (mondialisation, chute du mur de Berlin) ne
sont pas faites ou sont faites à reculons et a minima. Les élites ont largement
renoncé à la pédagogie politique et à tenir un discours de vérité, et en sont
venues à penser que le problème ne venait pas d’elles et de leur lâcheté, mais
du pays. A droite, on ne le trouve pas assez libéral, à gauche, on le trouve
« franchouillard » et replié sur lui-même. Droites et gauches
radicales méprisent aussi le pays, mais plus subtilement, en lui tenant un
discours « victimaire ». Quand les élites deviennent trop
conservatrices, l’opinion devient réactionnaire, gouvernée par la peur de
l’avenir et très défiante vis-à-vis des responsables.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Le populisme correspond à la fois à une demande de satisfaction
immédiate des besoins du « peuple », comme le dit Guy Hermet, et à
une critique des élites accusées de sacrifier « le peuple » à leurs
propres intérêts. Il peut prendre une forme nationaliste, d’autant plus que la
construction européenne en est venue à incarner la contrainte de la nouvelle
donne. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Inapte à formuler un projet
positif, il peut « mobiliser contre » assez facilement, et gêner
considérablement l’action des partis de gouvernement (que celle-ci soit bonne
ou mauvaise). Il est aussi très corrosif par rapport à l’idée de
citoyenneté : le citoyen devient juste un consommateur insatisfait.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">La seule manière de
le contrebalancer consiste pour les partis de gouvernement (à gauche, au
centre, à droite) à proposer une offre politique cohérente : un leader,
une équipe, de grands choix, une pédagogie, une mobilisation des passions
nobles (patriotisme, souci de l’autre, esprit de service…) et (avec modération !)
de certains passions basses (goût du clivage, de l’affrontement, du
spectaculaire). Cela, les politiques savent généralement le faire. Mais le PS
et l’UMP n’ont ni leader, ni ligne, et le centre fraîchement réunifié a deux
leaders et pas encore de discours audible au niveau national. Tant que les
partis politiques n’ont pas clairement un leader, un ligne majoritaire et une
opposition interne d’une loyauté minimale, capable d’animer le débat et
d’attendre son heure sans se livrer à un sabotage interne, ils demeurent
inaudibles.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Il y a trente ans, en 1983, avait lieu la Marche pour l’égalité et
contre le racisme, le contexte était- il différent ?</span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Les socialistes étaient au pouvoir depuis 1981, la question dite
« des banlieues » venait de surgir dans l’espace public, le FN venait
de commencer son essor avec les municipales de Dreux, et on pouvait encore
penser que l’antiracisme suffirait à empêcher son installation. La marche de
1983 doit beaucoup à la Cimade, association œcuménique d’origine protestante,
et à la mobilisation des « beurs » eux-mêmes. Dès 1984, la création
de SOS racisme accroît la mobilisation antiraciste mais au prix d’une
instrumentalisation politique par le PS, dont témoignent les rôles joués par
Julien Dray (venu du trotskysme) et Harlem Désir. L’antiracisme n’a pas empêché
l’enracinement du FN, mais il serait abusif d’y voir la cause de son
essor ; encore aujourd’hui, je trouve que l’argument qui consiste à dire
que l’apologie du multiculturalisme ferait monter l’extrême droite est très contestable et assez toxique. </span></div>
<i>
</i>Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-81928214984327422472013-11-03T11:27:00.000-08:002013-11-03T11:27:37.617-08:00Qui représente qui ?<div style="text-align: justify;">
En roulant dans la nuit, j'écoutais la radio : un nouveau portique écotaxe détruit en Bretagne, et une réunion prévue pour régler les problèmes de "la Bretagne" (prévue avant cette nouvelle destruction). Comme à l'ordinaire, les 30 000 manifestants de samedi, 10 000 selon la police, et les quelques centaines de casseurs d'aujourd'hui sont devenus "les Bretons" sont promus représentants légitimes de la Bretagne.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Problème vieux comme la démocratie : qui sont les représentants légitimes d'un peuple composite, clivé, uni sur quelques points et divisé sur tous les autres ? Dans la pratique, trois réponses sont généralement avancées : la légaliste, l'idéaliste et la révolutionnaire.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La légaliste tient en trois mots : suffrage universel, principe majoritaire et représentation (panachée éventuellement de recours au référendum). Les représentants sont ceux qui sont élus, ceux qui rassemblent au moment donné, et dans des systèmes variés, le plus grand nombre de voix sur leur nom ou sur la liste dont ils sont membres. La citoyenneté a ici une part d'ascèse et nécessite la patience. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'idéaliste invoque le bien commun et l'intérêt général. Très prisée en philosophie politique, elle souffre d'un défaut majeur : le bien commun comme l'intérêt général dont à la fois invoqués par tous et objets d'un débat récurrent. Le bien commun, ici et maintenant, nécessite-t-il la mis en place de l'écotaxe ? De privilégier le dialogue ou le respect de la légalité ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La révolutionnaire est régulièrement populaire en France où les gouvernants, s'ils ne sont pas autoritaires, ne le sont jamais. Ce sont les plus militants, les plus motivés, les plus politisés qui s'imposent, la majorité silencieuse, parce que silencieuse, a choisi son destin.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Une nouvelle réponse au problème de la représentation surgit, et comme ce problème est aussi ancien que la démocratie, elle pose autant de problèmes qu'elle n'en résout : les sondages. Le premier sondge d'opinion en France remonte à 1938, et il portait sur les accords de Munich : 57% des sondés approuvent les accords, 37% les jugent néfastes et 6% ne se prononcent pas.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
On a tout dit sur cet outil précieux et d'un maniement délicat. Nul doute en tout cas que le plus souvent il permette de saisir des tendances. Mais ce n'est pas le sujet : dorénavant, chaque représentant, chaque gouvernant sait s'il est ou non populaire, et si telle ou telle mesure est bien accueillie. Il peut ainsi être traité comme s'il n'était pas légitime en ayant toutes les garanties qu'offre la légalité de sa désignation.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dès lors, pour reprendre la désignation classique, face à la menace de l'impopularité et de la fronde institutionnalisée des manifestations, nos gouvernant doivent être à la fois des lions et des renards, tout comme le prince de Machiavel. La tâche nécessite sans doute des hommes et des femmes exceptionnels, mais aussi une équipe soudée et une forte majorité pour pouvoir faire jouer à fond la légitimité qui vient de la légalité institutionnelle.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La voiture filant dans la nuit, je me sentais heureux d'être commentateur. Il y a des moments où, comme disait Tocqueville, le citoyen souffre, mais l'observateur se réjouit.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-85274127298187566492013-10-18T04:32:00.000-07:002013-10-18T06:00:28.439-07:00Une vieille histoire<div style="text-align: justify;">
"Les lycéens", en fait une partie d'entre eux, sont à nouveau dans la rue aujourd'hui. Ils y sont appelés par un syndicat lycéen, la FIDL, tout comme les étudiants sont appelés à se mobiliser par l'UNEF, deux organisations dont l'ancrage à gauche est connu. Cette mobilisation n'est pas une simple manipulation : que "l'affaire Leonarda" suscite l'émotion des lycéens est compréhensible. Dès lors qu'un problème (en l'occurence celui de l'immigration clandestine) a un visage, dès lors que l'opinion est encore marquée par l'affaire de Lampedusa, il n'est pas surprenant que des réactions se produisent.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Au moins, l'objectif des manifestants, ou du moins de ceux que l'on a pu entendre, est clair : il s'agit de considérer que les jeunes scolarisés ne peuvent être l'objet d'une expulsion, pas plus que leurs parents d'ailleurs puisqu'on n'envisage pas de les séparer.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Nous sommes donc au cœur d'un des grands drames de notre temps : l'ampleur des flux migratoires, ampleur née des inégalités de développement, face aux possibilités limitées d'accueil des pays européens. Des valeurs morales : la générosité, l'accueil de l'étranger, face à la réalité : un Etat-providence déjà difficile à financer dont les possibilités ne sont pas extensibles à l'infini, mais aussi les limites de la capacité des populations à s'acclimater à l'immigration massive. L'éthique de conviction contre l'éthique de responsabilité : à quelle condition peut-on intégrer de manière satisfaisante les nouveaux arrivants ?</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Comme toujours quand un problème n'admet de que des solutions partielles (quand bien même les écarts de développement tendent à se réduire au moins partiellement, le phénomène est lent) et qu'il génère des tragédies individuelles, la position du pouvoir est inconfortable, puisqu'on peut toujours l'accuser d'être cynique ou irresponsable.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La mobilisation qui se développe, et dont on ne sait pas si elle survivra aux vacances, est celle de la "gauche de conviction". Celle qui supprime une des données du problème, celle de l'incapacité d'un pays muni de systèmes de solidarités sociales et d'une législation sociale ambitieuse à ouvrir totalement ses frontières, sauf à exclure les nouveaux arrivants de la solidarité sociale et les utiliser comme main d’œuvre à bon marché. Celle qui refuse délibérément de se placer dans l'optique de l'exercice du pouvoir, qu'au fond elle juge corruptrice. Celle qui souffre chaque fois que la gauche de gouvernement est au pouvoir.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les lycéens, qui sont encore à l'écart (le plus souvent) du fonctionnement de la machine politique et sociale, sont de bons clients pour elle. Leur ignorance du côté pratique des choses laisse le champ libre à tout discours manichéen, un discours dont plusieurs ont même soif, car il procure une merveilleuse illusion d'ouverture au monde en permettant de se situer. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Bien sûr, cette mobilisation est instrumentalisée. Elle l'est obligatoirement, puisque dans la lutte pour le pouvoir intrinsèque à la politique, tout phénomène public l'est à un moment ou à un autre. Elle l'est clairement contre Manuel Valls. Je suis pour une fois d'accord avec Natacha Polony : pour la "gauche morale", la "gauche républicaine" est l'ennemi éternel, puisque la première place la morale au-dessus des lois et que pour la gauche républicaine (comme pour tous les républicains) le respect de la loi est la vertu première du citoyen.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
D'une certaine manière, l'idée de lancer une enquête administrative était parfaitement raisonnable. Le problème est que l'on n'est pas dans la problématique de la "gauche morale", dont la légalité n'est pas le souci, et qui pense qu'aux victimes, tout est permis. Le mensonge du père de Leonarda Dibrani est dans cette perspective légitime : on ne doit pas se soumettre à un ordre politique injuste.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Et puis, l'inénarrable Valérie Trierweiler, qui ne comprendra jamais que la seule chance de salut pour elle est dans la discrétion, rend la position de François Hollande un peu plus difficile. Il se trouve obligé de trancher dans une affaire qui met aux prises les deux cultures de la gauche, l'idéaliste et la pragmatique. Or, dans le système de bipolarisme artificiel et obligé où nous sommes depuis 1962, la gauche pragmatique est tenue de prodiguer à la gauche morale ce que cette dernière demande esssentiellement : des satisfactions symboliques.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Manuel Valls a l'opinion publique derrière lui. Certes, ce soutien est fragile : la droite qui l'aime bien ne votera jamais pour lui. Mais le gouvernement n'est pas encombré d'un surplus de ministres populaires. Dans l'affaire Leonarda, il ne semble pas que ce soutien lui fasse défaut. Populaire, il est homme à abattre et pour la gauche morale, et pour ses rivaux socialistes. On le voit, François Hollande doit résoudre une équation difficile. Homme de synthèse, tout le monde le pousse à clarifier sa ligne politique, là comme ailleurs - mais de cette éventuelle clarification, personne ne l'aidera à payer le prix.. </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-91371841619803823342013-10-03T01:43:00.001-07:002013-10-03T01:47:27.343-07:00Le progrès, encore et toujours...<div style="text-align: justify;">
Quelques semaines d'été où je me replonge avec délices dans l'histoire générale pour les besoins d'un manuel scolaire. Je ne connais pas de meilleure manière de se retremper dans sa vocation d'historien. À trop se spécialiser, on oublie vite la première fascination, celle qui ne devrait jamais cesser de nous guider : celle de l'aventure humaine dans sa globalité.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Quand, en outre, on se passionne pour la politique et que l'on a la chance de vivre en démocratie, l'exercice qui nous emmène visiter l'Antiquité, le Moyen Âge, les Temps Modernes, et qui nous interroge sur la manière de présenter tout cela à la jeunesse de ce pays, est encore plus salutaire.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Henri-Irénée Marrou, historien frotté de philosophie, aimait à rappeler que l'histoire était le dialogue du Même et de l'Autre. Il en faisait ainsi une des manières que nous avons d'être en relation avec ceux que nous appelons d'ailleurs selon nos humeurs "nos semblables" ou "les autres". Quand on se penche sur nos ancêtres plus ou moins lointain, mesurer ce qui nous sépare d'eux et en quoi nous vivons tous la même Histoire pose une question redoutable, celle du progrès. Existe-t-il ? Pourquoi tant de gens aujourd'hui ont-ils le dandysme de ne plus "y croire" alors même qu'ils ne cessent de parler de "régression" dès qu'une mesure ou un état de fait leur déplaisent ? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La question des critères est fondamentale. Sur quelle
échelle un « mieux » peut-il<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>être perceptible ? Osons quelques lapalissades pour nous éviter
bien des sophismes. On peut considérer que la misère, la maladie, la violence, l'ignorance
sont tout ce que l’humanité cherche depuis longtemps à limiter. Sur le plan
moral, on peut considérer aussi que le respect d’autrui est une donnée
fondamentale – c’est ce qui fonde l’attachement vrai à la liberté. Tout cela
n’est pas arithmétique, mais est globalement mesurable, constatable. Bien sûr,
il reste la question du bonheur et sa redoutable subjectivité. On peut vivre
dans un monde moins pauvre et plus apaisé et ne pas être heureux. Cette simple
considération est d’ailleurs un antidote assez efficace contre le
« racisme historique », complexe de supériorité par rapport à nos
devanciers. Je crois que nous tenons là la frontière entre le progressisme
naïf, celui qui nous promet le paradis sur terre, et un sentiment relatif,
raisonnable du progrès.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce socle de bon gros bon sens explique, à mon sens qu’alors
que nombre de nos contemporains proclament ne plus « croire » au
progrès, ils raisonnent en fait comme s’ils y croyaient. Les philosophes des
Lumières écossaises, au XVIIIe siècle, le savaient déjà : le sens commun
est seul capable de contrebalancer le penchant moderne au relativisme intégral.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le progrès auquel nous ne croyons plus, c'est le progrès enchanté qui ferait du monde un monde parfait et des hommes et des femmes des êtres à la fois épanouis et altruiste. Cette théorie du progrès n'est pas vraiment celle du siècle des Lumières, elle est née au XIXe siècle, du croisement des Lumières avec le messianisme judéo-chrétien, dans le bouillonnement de la sécularisation où nombre de concepts religieux colonisaient l'art et la politique. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le progrès auquel nous pouvons encore croire suppose un conscience de la finitude humaine, du mal qu'il y a dans l'homme, des limites toujours présentes de ce que nous sommes. Nous n'allons pas, dans l'Histoire, vers le Royaume, et s'il vient, il viendra d'ailleurs. Le progrès auquel nous pouvons encore croire, c'est l'accroissement de ce que nous pouvons faire pour les hommes <i>tels qu'ils sont</i> vivent mieux. De ce point de vue, on pourrait séculariser la maxime évangélique et affirmer que le Royaume est <i>au milieu</i> de nous, dans les relations que nous nouons et les services que nous pouvons nous rendre.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il y a des progrès dans la lutte contre nos ennemis éternels. Il n'y a pas de victoire finale. Nombre de nos ancêtres se sont battus en tâtonnant, ont accumulé nombre de ressources pour nous permettre de moins tâtonner, mais si nous tâtonnons moins, nous tâtonnons encore. Si l'idée de progrès est en crise, c'est que le progrès ne se comprend pas dans un regard enchanté vers l'avant, mais dans un regard global, unissant passé, présent et futur espéré, de la marche de l'humanité.</div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-40116079680123550062013-08-29T23:28:00.000-07:002013-08-29T23:28:31.493-07:00Considérations à chaud sur le vote britannique<br />
Le vote du Parlement britannique sonne le glas des projets syriens de David Cameron.<br />
<br />
Il nous rappelle d'abord ce qu'est un vrai régime parlementaire, où la politique étrangère elle-même est l'objet de véritables débats. Nous nous rapprochons, en France, progressivement de ce modèle. La réforme constitutionnelle de 2008 prévoit que le gouvernement, quand il engage une intervention militaire, doit en informer le Parlement dans les trois jours. Un premier débat peut être organisé, mais il ne donne pas lieu à un vote. Ce vote est par contre obligatoire au bout de 4 mois d'intervention.<br />
<br />
Cependant, le contraste demeure fort entre le consensus hâtivement construit en France et la rapide implication du Parlement britannique.<br />
<br />
Ensuite, il est clair que malgré son soutien traditionnel à la politique extérieure américaine, la classe politique britannique, y compris chez les conservateurs, a été échaudée par l'affaire irakienne de 2003. Il est vrai que quand on entendait hier le gouvernement américain expliquer qu'il fournirait les preuves de l'utilisation d'armes chimiques, cela rappelait de sinistres souvenirs.<br />
<br />
Historiquement, d'ailleurs, la situation est inédite : la France se retrouve plus proche des positions américaines que le Royaume-Uni.<br />
<br />
Enfin, on note le retour de l'unilatéralisme américain : Barak Obama était prêt à se passer de l'ONU, et il est prêt à se passer de l'allié britannique, dont l'appui avait pourtant était très recherché en 2003. Cela rend rétrospectivement surréaliste, pour ne pas dire ridicule, l'octroi du Prix Nobel de la paix au président américain au lendemain de sa première élection.<br />
<br />
Il faut rappeler que, contrairement à ce qu'on croit souvent, l'unilatéralisme américain n'et pas une invention des Républicains ni de George W. Bush : il est issu du tournant de 1994. <br />
<br />
L'intervention onusienne en Somalie avait alors mal tourné, le spectacle de cadavres de soldats américains traînés par des émeutiers devant les caméras avait traumatisé l'opinion. L'administration Clinton avait alors décidé que les USA devaient retrouver une autonomie vis-à-vis de l'ONU, pour s'abstenir ou pour intervenir sur des théâtres d'opération extérieurs.<br />
<br />
Il est donc logique que la rupture avec l'unilatéralisme soit moins complète qu'espéré. <br />
<br />
L'histoire de ces vingt dernières années pèse lourd dans cette affaire. La Syrie n'est pas le Mali, et on attend de Laurent Fabius, homme d'expérience, une clarification de la position française.<br />
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-76896246962169132492013-08-14T06:43:00.001-07:002013-08-14T06:50:14.153-07:00Méditation bretonne sur les fractures françaises<div style="text-align: justify;">
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
J'aime bien tout ce
qui affleure de notre histoire nationale, de ses tensions internes
qui trouvent aujourd'hui leur prolongement. Ce qui se révèle au fil
de la moindre promenade, pour peu que l'on prenne le temps
d'observer.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Ce matin, mon fils
m'a réveillé tôt, et c'est derrière une poussette que je marche
vers le centre historique de Vannes. Nous passons devant la prison,
dont deux grands corps de bâtiments sont aujourd'hui abandonnés.
L'effet est sinistre, jour jeté sur les à-côtés de la grande
histoire, sur toutes ces histoires particulières qui s'échouent,
sur cet envers de tous les ordres sociaux. Les Lumières et l'époque
romantique se sont passionnées pour le problème des prisons, et,
depuis la vague de contestation globale de l'univers carcéral de la
fin des années 1960 et des années 1970, il s'en faut de beaucoup
pour que ces problèmes très concrets et très inconfortables
passionnent autant le milieu intellectuel contemporain (dont je ne
m'excepte pas).</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Peu de temps après,
nous passons, mon fils endormi et moi, devant le collège Jules
Simon. La devise inscrite au fronton de ce collège public attire
l'oeil : « Dieu, patrie, liberté ».
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Grand personnage
des débuts de la Troisième République, républicain spiritualiste,
disciple en philosophie de Victor Cousin, Jules Simon avait obtenu
l'inscription des « devoirs envers Dieu » dans les
programmes scolaires de l'instruction morale et civique.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Il s'agissait du
Dieu des philosophes, celui présent dans la première édition du
<i>Tour de France par deux enfants</i>, d'un Dieu qui pouvait être celui de
Voltaire, de Rousseau, de Kant, l'Être Suprême de Robespierre,
mais qui pouvait aussi rassurer les catholiques s'ils n'y regardaient
pas de trop près.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Cette devise, c'est
le reste d'une tentative, celle d'une laïcité spiritualiste qui
rêvait de conciliation.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Depuis l'échec de cette tentative,
la laïcité reste en tension entre conciliation et affrontement. Que
penserait Jules Simon d'un projet autoritaire d'interdiction du
foulard islamique à l'Université ? Il y verrait sans doute la
conséquence logique de son échec, mais peut-être aurait-il la
finesse de ne pas mettre dans le même sac ses anciens adversaires
républicains, et suivrait-il avec intérêt l'actuel débat sur
cette question, qui oppose les tenants de la ligne Combes et ceux de
la ligne Ferry, les autoritaires et les libéraux.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Devant le collège,
sur la grille, une plaque d'hommage à Jules Simon posé par
l'association bretonne-angevine. Le terme m'intrigue – j'apprendrai
plus tard qu'il s'agit d'une association républicaine et
libre-penseuse, qui se réclame de l'héritage de la fédération
bretonne-angevine de 1790. Le grand mouvement qui a culminé au 14
juillet 1790 dans la Fête de la Fédération, sur le Champ-de-Mars,
est en effet parti des provinces. C'est au républicain Jules Simon qu'on rend
ici hommage.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Vannes, ville bleue
en pays blanc, comme tant d'autres dans l'Ouest. S'y juxtaposent
références républicaines et héritage de la chouannerie. Les deux
France s'entremêlent ici. Face au rempart, dans un parc au centre
duquel se trouve le monument aux morts de 1914-1918, et où les combattants des guerres et expéditions françaises sont honorés, sur un vieux
mur, une plaque : ici ont été fusillés les prisonniers de
l'infortuné débarquement de Quiberon, sorte de baroud d'honneur de
l'émigration. On voit encore, dans la vieille ville, la maison où
fut arrêté le prêtre réfractaire Pierre-René Rogue, jugé et
exécuté en 1796.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Il est tôt encore,
les touristes sont rares dans les quartiers anciens comme autour des
remparts. Les camionnettes qui ravitaillent les boutiques se vident,
les employés s'acheminent vers leurs bureaux, les petits cafés se
prennent en terrasse. Qui parmi ces gens est croyant, qui ne l'est
pas ? Qui vote à droite, à gauche, au centre ? Cela ne se
voit guère aujourd'hui ; nos désaccords peuvent être
spectaculaires, ils ne sont plus des déchirements, et la « majorité
silencieuse » est finalement peu touchée par leurs prolongements
dans les France militantes. Mon petit bonhomme qui s'accorde un
supplément de sommeil, que verras-tu sortir de cette France apaisée
et peut-être un peu ensommeillée elle-même ?</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
Il reste pourtant
bien des fractures à réparer. Près des remparts, une plaque
rappelle que c'est à Vannes que fut scellée l'union de la Bretagne
et de la France. Elle est bilingue, en breton et en français.
J'entends déjà mes amis souverainistes... À Rennes, en 1932, un
groupe autonomiste pulvérisa le monument qui rappelait l'événement
et représentait Anne de Bretagne à genoux devant François Ier. Je
m'arrête devant cette plaque bilingue. Elle est peut-être une
solution. Depuis trente ans (eh oui) que je m'intéresse à la
politique, après quelques années d'initiation radicale et
d'incursion dans les constellations révolutionnaire et
conservatrice, je n'ai rien trouvé de mieux que la perspective
d'associer la nation, l'Europe et la région. C'est autour de cela
que nous tournons, même si c'est souvent de manière peu claire.</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
La lumière
réchauffe Vannes, le silence des morts se fait moins présent dans
la ville qui s'anime. Nous rentrons.</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-25604622851594600672013-07-29T00:31:00.002-07:002013-07-29T00:32:14.750-07:00L'UMP entre deux lignes<div style="text-align: justify;">
L'UMP aurait déjà récolté les deux tiers de la somme lui permettant de faire face à ses frais de campagne après la décision du conseil constitutionnel. Les circonstances lui ont donné une cause mobilisatrice, qui signale que nombre de personnes restent attachées à son existence. Mais tous ses problèmes sont loin d'être réglés.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Le mouvement n'a toujours pas de ligne politique, et de ce point de vue ne s'est pas remis de l'ère Sarkozy. Fondé en 2002, il ambitionnait d'être une synthèse de la droite républicaine et du centre, quand bien même on savait dès le départ que les hommes de l'ancien RPR y occupaient une place prépondérante.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Dès le départ, l'UMP a dû faire face à deux handicaps : le refus de François Bayrou et d'une partie de l'UDF de la rejoindre, et le refus de Jacques Chirac et d'Alain Juppé (son premier dirigeant) de constituer des tendances pourtant prévues par les statuts.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Certes, François Bayrou à échoué dans l'édification d'un centre indépendant. Mais au final, nombre des élus qui l'ont d'abord suivi se retrouvent aujourd'hui dans l'UDI de Jean-Louis Borloo, du fait de la constitution, en 2007, du Nouveau Centre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
D'autre part, le refus de la constitution de tendances rendait difficile non seulement l'intégration du centre, mais le maintien des souverainistes dans l'UMP. Si l'existence de Debout La République ne constitue pas encore une concurrence politique sérieuse pour l'UMP sur le plan électoral, le souverainisme a une influence non-négligeable sur l'opinion. Il installe une partie des républicains de droite dans une défiance systématique vis-à-vis de l'UMP, et a développé des arguments qui, repris par le Front National, permettent à ce dernier d'élargir son influence, et de toucher des milieux qui jusque là lui étaient fermés.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Nicolas Sarkozy était sceptique en 2002 quant au projet chiraquien de rassembler le centre et la droite. Il a cependant su conquérir la machine, indispensable à l'accomplissement de ses ambitions présidentielles, et développer pendant la campagne de 2007 un discours à la fois clivant sur le plan droite/gauche et fédérateur pour les différentes familles politiques présentes à l'UMP.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les choses ont été différentes à partir de 2010 et du discours de Grenoble. La stratégie de Nicolas Sarkozy était toujours de creuser le clivage droite/gauche, mais cette fois en jouant une partie de l'UMP contre l'autre, et en laissant de côté les centristes.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'UMP est donc depuis 2010 partagée en deux sensibilités, qui s'expriment à la fois idéologiquement et stratégiquement.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'une est de type populiste : anti-establishment, hostile aux corps intermédiaires, critique vis-à-vis des institutions, prenant à partie à tout propos un "politiquement correct" supposé omniprésent, estimant que la reconquête de l'électorat parti vers le FN passe par un discours musclé. On reste dans la ligne du discours de Grenoble.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'autre insiste sur l'aspect "républicain" de la droite républicaine. Elle cherche à donner une image de sérieux, de crédibilité, estime que c'est sur le terrain des propositions concrètes que l'UMP peut se démarquer à la fois des socialistes et du FN.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Les deux sensibilités, comme Laurent de Boissieu l'avait fort bien montré (je renvoie à son blog www.ipolitique.fr) ne recoupent pas exactement les camps Copé/Fillon. La seconde ne s'est d'ailleurs pas clairement exprimée dans les débats internes des derniers mois. C'est qu'elle se sait minoritaire chez les militants.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
L'existence de l'UDI est finalement pour elle un handicap : la sensibilité populiste a pour elle de clairement identifier l'UMP face à l'UDI.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
Pas de leader, pas de ligne, pas de projet. Tout cela pourrait conduire à l'éclatement du mouvement. Je n'y crois pas, et ce pour deux raisons.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La première, c'est que ce sont les élus qui font un parti. Or, ceux-ci veulent une investiture, pas de rivaux autres que ceux que, parfois, ils rencontreront avec les candidats UDI, et ils attendent le succès dans les élections locales que l'on pressent difficile pour l'actuelle majorité.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
La seconde, c'est que l'incapacité à élaborer un projet crédible n'est pas, ces dernières décennies, un obstacle pour retrouver le pouvoir.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
1) Depuis 1986, et sauf le tour de passe-passe réalisé par Nicolas Sarkozy en 2007, aucune majorité sortant n'a été reconduite aux élections législatives . Le rejet des sortants est la motivation déterminante de l'électorat.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div style="text-align: justify;">
2) Les élections législatives ont disparu en même temps que la probabilité de cohabitation avec la réforme du quinquennat adoptée en 2000. Le choix déterminant se fait aux élections présidentielles ; hors, les primaires conduisent chaque candidat à bricoler un programme dans l'urgence, sans que le programme du parti ait alors une importance réelle.</div>
<div style="text-align: justify;">
Il n'en reste pas moins que l'état de l'UMP, comme celui du PS d'ailleurs, est préoccupant...</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-23361730741592983152013-06-15T01:40:00.001-07:002013-06-15T01:49:55.936-07:00En quête d'une espérance raisonnable<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Nous nous heurtons toujours aux limites de l’action personnelle.
Les intellectuels, d’une certaine manière, essaient d’être des militants de la
raison critique, c’est-à-dire de proposer des analyses dont ils espèrent
toujours qu’elles seront diffusées et qu’elles peuvent être, au moins partiellement, valables.
Croire qu’elles seront reprises telles quelles est utopique ; mais il est
permis d’espérer qu’elles vont en rencontrer d’autres, les renforcer, et qu’elles
peuvent contribuer à nourrir, à leur toute petit échelle, la vie nationale. Il
faut donc souvent se résigner à creuser son petit tunnel, en joignant à la
satisfaction d’exprimer un point de vue argumenté l’espérance que dans l’esprit
de certains lecteurs, certaines des idées avancées, se combinant avec d’autres
dont l’auteur ignore tout, peuvent servir à un travail utile. C’est une des raisons
pour lesquelles il me semble qu’en « sciences humaines » au moins, la
recherche ne me semble pas dissociable de l’enseignement.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les petits articles que je publie dans <i>La Croix</i> sont ainsi comme des lettres dont je ne sais pas à qui je
les envoie, dans l’espoir d’une réponse diffuse, aléatoire et surprenante. Mais
aussi l’occasion de poursuivre une sorte de méditation personnelle sur la
politique française. Comme je l’avais fait il y a quelques mois, je voudrais
faire ici le point sur le chemin parcouru.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le 7 mars 2013, est paru un article intitulé : « Et
s’il n’y avait plus d’idéologies ? ». L’idée avancée est que l’explosion
de l’information rend impossible l’édification d’une théorie globale prétendant
donner la clef de l’action politique. Ainsi, s’il y a encore des idéologies au
sens faible (ensemble d’idées autour desquelles se produit la mobilisation
politique), il ne peut plus y avoir de grandes idéologies comme celles qui se
sont exprimées dans le phénomène totalitaire. Nous savons trop de choses, dans
trop de domaines, et la connaissance est trop éclatée désormais pour qu’une
synthèse sur le modèle du marxisme puisse paraître crédible. L’économie
politique elle-même ne fournit plus de modèle global.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je m’en prenais à l’idée selon laquelle une « idéologie
libérale », voire « ultralibérale » règnerait aujourd’hui, et
essayais de montrer les limites de ceux qui voient la réalité politique
actuelle comme la lutte entre « le modèle républicain » ou « le
socialisme » contre « l’idéologie libérale » :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Comme toute doctrine, comme toute religion, le
libéralisme peut bien sûr se dégrader en idéologie. De ce point de vue, «
l’ultralibéralisme » n’est pas un fantasme. Quand on lit <i>Capitalisme et liberté</i>
de Milton Friedman, ou l’œuvre fascinante de Hayek, c’est bien une théorie
globalisante qui nous est proposée. Mais Friedman ou Hayek ont peu de
défenseurs en France, et ce n’est pas eux que visent ceux qui voient partout
des « ultralibéraux ». <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
" Ce qui est rejeté, c’est justement le point le plus fort de
la tradition libérale : la mise en avant des limites de ce que l’État peut
imposer à une société, le respect de l’autonomie de la société civile. La
limitation obligée du choix des possibles en politique. La nécessaire prise en
compte des contraintes économiques, de ce domaine où, comme disait Charles
Péguy, « il n’y a pas de miracles ».
L’idée que le progrès est issu autant de la société que des grands
projets politiques, et que, finalement, une politique ne marche que si elle
correspond aux attentes et aux initiatives d’une partie significative du pays.
En cela, un certain libéralisme est la démocratie de la « majorité silencieuse
». »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le 2 mai 2013, je revenais à la politique concrète en m’interrogeant
sur les chances de l’UDI (« L’UDI peut-elle changer la donne ? ») ;
je me suis demandé si le nouveau parti centriste pouvait répondre à la crise
des idées modérées qui sévit depuis trente ans et qui me préoccupe, parce que j’y
vois une des sources de notre incapacité à mener des réformes profondes et pas
trop déséquilibrantes. Après une description de cette crise, je mettais en
avant trois conditions au renouvellement de la culture politique française par
une contribution de l’UDI.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La première était la production d’un véritable discours sur
l’Europe, capable non pas de se cantonner à l’incantation fédéraliste parfois
aussi « hors sol » que le souverainisme, mais d’articuler les
dimensions nationales et européennes : Qu’est-ce que la France peut
attendre de l’Europe ? Qu’est-ce qu’elle peut lui apporter ? Des
réponses à ces questions existent, il faut les rassembler et les présenter
clairement.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La seconde était l’élaboration d’un véritable discours
économique. C’est le lien avec l’article précédent. Il n’y a plus de modèle
global immédiatement opérant en économie politique, mais un ensemble de
constats partiels assez bien étayés : c’est donc au politique qu’il
appartient de présenter un diagnostic, de montrer ce qui est possible et ne l’est
pas, et de définir une action cohérente. En particulier, de cesser d’isoler des
variables, comme celle du chômage, pour inscrire la lutte pour l’emploi dans le
long terme et dans une politique économique globale.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La troisième est la sortie de la rhétorique de la guerre
civile, inaudible et sans crédibilité quand elle oppose des partis de
gouvernement. Alors que l’UMP s’y enlise d’autant plus qu’elle ne parvient pas
à définir une ligne politique, faute d’avoir réglé son problème de leadership.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’histoire était plus présente dans l’article du 6 mai 2013,
intitulé : « Les années 1930, vraiment ? ». J’y mettais en
avant l’aspect artificiel du rapprochement fait entre notre époque et
celle-ci. Après avoir noté quelques
similitudes, comme la crise économique et la dégradation du climat public, je
montrais tout ce que ce rapprochement avait de forcé. Voici la fin de l’article :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Où est aujourd’hui la menace extérieure ? Où est la
perspective de la guerre qui fut dans les années 1930 si mal préparée
stratégiquement, déclarée à contretemps et menée en dépit du bon sens ? Où est
l’équivalent de l’épouvantable tenaille géostratégique dont les deux pinces
étaient l’URSS de Staline et l’Allemagne de Hitler ?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
" Certains esprits de 2013 annoncent l’apocalypse pour ne pas
affronter le problème d’un déclin. Ce dernier est pourtant relatif et
réversible. Alors qu’il fallut l’horreur d’une guerre pour que la France,
blessée par le désastre de 1940 dont elle ne s’est qu’à moitié remise, sorte de
la « décadence » vivement sentie par Raymond Aron pour connaître un
spectaculaire relèvement.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
" Mais revenons dix ans en arrière : en 2003, Nicolas Baverez
publiait un ouvrage dans lequel il tentait d’inventorier le décrochage français
. Son diagnostic pouvait être discuté et nuancé, les propositions de réforme
qu’il formula débattues : on préféra largement alors stigmatiser le «
déclinisme ». Son livre vaut pourtant d’être relu aujourd’hui.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
" Aujourd’hui comme dans les années 1930, on préfère
l’outrance oratoire à la défense de solutions concrètes et courageuses. Mais
comme le débat politique est moins violent ! La dérision et l’irrespect,
l’indignation aveugle ont beau être corrosifs,
l’insulte est rare, et quand elle surgit elle est très majoritairement
stigmatisée. La crise est préoccupante,
mais les systèmes de solidarité sociale et internationale sont tout autres
qu’avant 1940. Les hommes politiques des années 1930 avançaient dans le
brouillard, alors que la connaissance des réalités économiques, si elle ne
dicte pas une seule politique, permet d’élaborer des orientations stratégiques.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’apocalypse de 1940 ne nous guette pas. Nous n’aurons pas à
tout reconstruire à neuf, mais nous ne serons pas dispensés de l’inventaire des
forces et des faiblesses actuelles du pays. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Enfin, le 5 juin 2013, je tentais de répondre à la question
suivante : « Le mur de Berlin est-il tombé en France ? » :
j’y défendais l’idée selon laquelle nous n’avions pas totalement tiré la leçon
de l’échec du communisme soviétique. Ce dernier aurait dû, selon moi, conduit à
s’interroger sur les limites du volontarisme politique, et conduire à redéfinir
ce qui est possible ou pas en termes d’amélioration de la société. Et donc
infuser une solide dose de pragmatisme dans la culture politique française.
Tout au contraire, le discours politique a eu tendance à rester
ultra-volontariste, et à faire le grand écart avec les pratiques
gouvernementales.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Deux causes selon moi expliquent ce phénomène : le
maintien d’une tradition républicaine « rouge » visant à construire
une société égalitaire et fraternelle (le pire et le meilleur de l’idée
républicaine, sa ressource mystique et la source possible d’un déchaînement de
violence), et d’autre part la faiblesse numérique du nombre des militants de
tous les partis, peuvent d’autant plus vivre dans l’enchantement que leurs
organisations sont peu ancrées dans la société. Finalement, c’est peut-être
maintenant, sous la pression de la dure nécessité, que la culture politique
française est en train de muter.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ces articles sont une goutte d’eau dans un océan ; ils
espèrent participer à un courant d’idées, ou au moins à une tendance qui tente
de concilier lucidité et refus de la dépression collective où nombre d’entre
nous sont tombés, et de faire qu’une politique désenchantée ne soit pas une
politique sans valeurs, sans conviction et résignée d’avance à l’impuissance.
Qui veut tout pouvoir, au fond, ne peut rien.<o:p></o:p></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-34652750944157673512013-05-31T03:34:00.001-07:002013-05-31T16:32:15.999-07:00Sur Georges Pompidou<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p> <i>Je place pour une fois sur ce blog un texte académique, prononcé au colloque sur les élections de 1969. C'est que la figure de Georges Pompidou continue à me fasciner, ce "gaulliste non-gaulliste", ce libéral sensible au rôle de l'Etat, ce personnage cultivé sensible à la solitude du pouvoir.</i></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p><br /></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p><br /></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<o:p><br /></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: center;">
<b>Pompidolisme et gaullisme<o:p></o:p></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pompidolisme et gaullisme… Les noms en « isme »
sont le pain quotidien de l’historien des idées et posent toujours le même
problème : s’agit-il de systèmes cohérents ou d’un corpus de principes pas
forcément organisés ni fixe qui guideraient l’action politique ? Quand ils
sont forgés à partir d’un nom propre, le problème est encore plus fort, et
quand ce nom propre est celui d’un leader politique, la difficulté
augmente : confrontés à l’action et à ses contraintes, les politiques
doivent faire preuve de pragmatisme, contourner, négocier. Dans <i>Le fil de l’épée</i>, publié en 1932,
Charles Gaulle lui-même écrit que le politique « gagne le but par les
couverts<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour résoudre ce problème, on peut se placer pour commencer
dans la logique d’une « épistémologie politique » individuelle. Une
expression bien compliquée pour expliquer qu’il faut partir de la manière dont
Charles de Gaulle et Georges Pompidou voient l’action politique, et la société
sur laquelle elle s’exerce. Nous laisserons donc de côté ici l’étude des
soutiens et des mouvements, qui serait pourtant décisive, pour nous concentrer
sur cet enjeu initial. Notre pari est qu’il demeure éclairant, quand bien même
il n’épuise pas, et de loin, la question.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Charles de Gaulle a beaucoup plus écrit que Georges Pompidou.
Pourtant, les textes de ce dernier sont d’une densité remarquable, et nous
fournissent une matière suffisante. Le corpus pompidolien a été renforcé par la
publication récente des <i>Lettres, notes et
portraits</i> qui permettent d’éclairer beaucoup de point délicats<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Mais, outre ses mémoires esquissés parus en 1982, on disposait déjà avec
l’ouvrage, lui aussi inachevé, paru en 1974, <i>Le nœud gordien<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><b><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></b></span><!--[endif]--></span></a></i>,
d’un exposé plus systématique des conceptions pompidoliennes. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Bref, nous aborderons
la pensée pompidolienne en la comparant avec la pensée gaullienne, pour nourrir
à nouveau le débat sur pompidolisme et gaullisme. Il y a à cette restriction
une autre justification : le néologisme de pompidolisme, qui surgit alors
que Georges Pompidou est candidat à la magistrature suprême, n’a pas été
durable, et la question de savoir si Georges Pompidou enterre ou sauve le
gaullisme comme courant politique tourne beaucoup autour de la question de la
fidélité ou pas de l’ancien premier ministre aux grandes intuitions du Général.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Nous mènerons cette démarche autour de la question du
pouvoir et de celle de la société, avant de conclure sur la question clef du
destin national.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Les deux hommes ont beaucoup réfléchi à ce qu’était le
pouvoir, l’un avant de l’exercer (c’est l’objet, en partie, du <i>Fil de l’épée</i>), l’autre en observant
d’abord Charles de Gaulle comme conseiller et spectateur privilégié, puis en
l’exerçant, en particulier à partir de la seconde moitié de 1958, quand il joue
son premier grand rôle, celui de directeur de cabinet du Général à Matignon.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Une différence
marquée entre les deux hommes est que cette réflexion a pris d’abord chez
Charles de Gaulle un tour personnel. Lors d’une entrevue avec André Malraux et
Georges Pompidou qui viennent de lire, avant publication, le premier volume de
ses mémoires, le second exprime le regret que le Général soit resté muet sur
les origines de sa vocation. Quand a-t-il commencé à penser qu’il devait
assumer le destin national ? « Depuis toujours ». Telle est le
cœur de la réponse du grand homme. Cela a tant marqué Georges Pompidou que ce
propos gaullien est cité dans les deux portraits qu’il consacre à de Gaulle,
celui de 1958 et celui de 1973, qui figurent dans les <i>Lettres, notes et portraits</i>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cette « foi » (le mot est employé par Georges
Pompidou) de de Gaulle dans sa vocation, dans l’idée qu’il est appelé à jouer
un grand rôle est sans doute la différence majeure entre les deux hommes.
Attestée par bien d’autres sources, comme les <i>Lettres notes et carnets</i>, elle est au cœur de l’entreprise du <i>Fil de l’épée. </i>Quand de Gaulle
inventorie les sources du prestige dont le chef ne peut se passer, surtout dans
la société moderne, c’est à lui et à son destin qu’il pense. Cela donne tout le
sens à la formule suivante : « on ne fait rien de grand sans de
grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ces sources sont au nombre de trois : « réserve,
caractère, grandeur<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».
Le mystère doit entourer le chef, celui-ci doit être apte à prendre tous les
risques de la décision, et il doit fixer à ceux qu’il veut entraîner des buts
élevés. Il y a donc un personnage à
construire pour être à la hauteur d’un grand destin. Cette construction du
personnage est centrale chez de Gaulle, elle explique la solitude qu’il
revendique<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Georges Pompidou, et c’est pour cela qu’il a pu être l’homme
de la transition, s’est mis à l’école de Charles de Gaulle pour les deuxièmes
et troisièmes sources, et a laissé de côté la première. Non pas qu’il n’ait pas
su garder ses distances ; ce qu’il n’a pas repris à son compte, c’est
l’aura de mystère, la construction d’un personnage solitaire et inaccessible
dans laquelle de Gaulle s’est très vite engagé. Sans la condamner tout d’abord
chez le général. Il en est bien plutôt, jusqu’à la prise de distance de la fin
des années 1960, le spectateur fasciné.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dans le portrait de 1958, Georges Pompidou met en avant deux
caractéristiques essentielles du Général : la « foi en sa
mission » d’une part, le « réalisme et la profondeur de son
génie » d’autre part, et s’émerveille que ces deux traits s’harmonisent et
ne se contrarient pas. Il s’étonne de la première caractéristique, et admire
profondément la seconde, en invoquant le « génie propre (de Charles de
Gaulle), qui lui donne sur les événements une vue plus profonde, plus synthétique,
plus lointaine qu'à aucun des hommes qu’il m’a été donné d’approcher<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».
<i>In fine</i>, il note aussi
l’insensibilité aux motifs bas, mesquins ou médiocres.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est l’intelligence, l’élévation de Charles de Gaulle et sa
capacité de décision qui ont conquis Georges Pompidou. Les deux hommes
partagent un remarquable esprit de synthèse – l’esprit de synthèse est sans
doute la ressource principale du caméléon intellectuel qu’est Georges Pompidou,
et qui fit vite de lui une indispensable compétence. Ils savent voir large et
haut à partir d’un problème précis. Dans le portrait de 1973, Pompidou,
président de la République, précise les choses, et ici l’amertume n’a aucune
part :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Intellectuellement, il m’a révélé à moi-même. (…) Il
m’a donné ce que je n’avais pas, le goût de l’action, il m’a révélé à moi-même
mes propres possibilités, il m’a appris à élever systématiquement le débat, et,
surtout, à ne pas céder à la facilité<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On est là au cœur de la continuité entre les deux hommes,
comme héritage reçu et mis en pratique. Deux hommes aptes à dégager les enjeux
et à trancher, et habités par l’idée de la grandeur, pour reprendre le terme
par lequel Maurice Vaïsse a choisi de désigner la politique extérieure
gaullienne. La discontinuité se situe dans la conception du dirigeant – je le
redis, elle n’est pas d’abord conflictuelle, mais elle ne peut que le devenir
au fur et à mesure que Georges Pompidou s’affirme, dans le schéma classique des
relations entre un responsable et son héritier présomptif.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Blessé par les circonstances de sa démission en 1968 (ce
qu’il n’avoue pas) et par le défaut de soutien du Général au moment de la
pénible affaire Markovic, le Georges Pompidou de 1973 revient sur le mépris
(plus affecté que réel, précise-t-il) où le général de Gaulle tenait ses
contemporains. Explicitement, il lie ceci à l’attitude du président envers sa
femme au moment de l’affaire.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Soyez dur, Pompidou », me disait-il… La solitude
et la relative inhumanité liée à la construction volontaire d’une personnalité
de leader, de Gaulle l’avait très tôt assumée. Citons encore une fois <i>Le fil de l’épée</i> : « L’homme
d’action ne se conçoit guère sans une forte dose d’égoïsme, d’orgueil, de
dureté, de ruse<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».
C’est tout cela qui fit douter de la foi chrétienne de Charles de Gaulle – et Pompidou
se pose d’ailleurs aussi la question, tout en y donnant au final une réponse
plutôt affirmative.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Rien n’est plus différent de l’optique de Charles de Gaulle
que la manière dont Georges Pompidou dans <i>Le
nœud gordien </i>profile les dirigeants dont le pays aura besoin. Il ne voue
pas un culte aux technocrates, mais il ne se replie pas sur la figure
gaullienne du chef :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Je soutiendrais volontiers qu’exiger des dirigeants
du pays qu’ils sortent de l’E.N.A. ou de Polytechnique est une attitude
réactionnaire qui correspond exactement à l’attitude du pouvoir royal à la fin
de l’Ancien Régime exigeant des officiers un certain nombre de quartiers de
noblesse. La République doit être celle des « politiques » au sens
vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les
autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact
avec les hommes, non d’une analyse abstraite ou pseudo-scientifique de l’homme<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Charles de Gaulle a toujours voulu s’inscrire dans l’Histoire.
Pas Georges Pompidou. Ses lettres de jeunesse montrent un formidable désir de
vivre, dans lequel la politique est au même rang que l’amour, la littérature ou
la réussite matérielle. Converti à l’action publique, devenu président, il
écrit dans ses mémoires inachevés qu’il ne souhaite pas que les manuels
d’histoire parlent de lui, parce que quand on ne parle pas des dirigeants,
c’est que les peuples sont heureux.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La grandeur nationale est couplée pour lui avec le bonheur
des citoyens. Elle n’est plus, à la fin de sa vie, le ressort qui, comme dans
les<i> Mémoires de guerre</i> du général,
permettrait aux Français de surmonter leurs divisions chroniques. Comme il
l’écrit dans une lettre à Philippe de Saint Robert, le 9 mars 1973, « le
rêve est l’apanage des dirigeants<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a> »,
et la grandeur nationale ne rassemble plus à elle seule.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dans <i>Le nœud gordien</i>,
le dirigeant doit être proche des besoins des citoyens : « C’est en
fréquentant les hommes, en mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs
désirs et leurs besoins immédiats, tels qu’ils les ressentent ou tels parfois
qu’il faut leur apprendre à les discerner, qu’on se rend capable de gouverner,
c’est-à-dire, effectivement, d’assurer à un peuple le maximum de bonheur
compatible avec les possibilités nationales et la conjoncture extérieure<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le rapport même à la solitude du pouvoir est donc
profondément différent chez les deux hommes. On le saisit en maints endroits,
en particulier dans cette lettre à François Mauriac du 12 janvier 1970 :
« J’ai heureusement le don de l’obstination, mais je supporte mal la
solitude qui s’empare d’un seul coup des chefs d’État <a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></a>».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et pourtant, comme on l’a dit et répété, Georges Pompidou
est l’homme qui a garanti la continuité du régime, qui a sauvé l’essentiel de
l’héritage du général de Gaulle, prévoyant et assumant la présidentialisation,
et donnant à la Cinquième République une possibilité de durée qui n’apparaît
comme évidente que rétrospectivement.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est qu’en ce qui concerne le rapport de l’État et de la
société, les deux hommes convergent en venant de générations et de milieux
idéologiques très différents. La conscience de cette différence s’exprime
clairement dans une lettre à François Mauriac, écrite à l’occasion du 80<sup>ème</sup>
anniversaire de l’écrivain : « Ce n’est pas le hasard qui vous a
conduit du côté du général de Gaulle. Tous deux issus d’une bourgeoisie
traditionnelle, pétris de votre passé, vous avez compris et parfois devancé le
monde actuel. Vous êtes les véritables novateurs, les véritables jeunes et non
pas tous ces bons esprits à peine adultes et qui sont déjà d’incurables
conservateurs<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On sait que Charles de Gaulle, dès la Seconde guerre
mondiale, a développé une vision de la société moderne qui doit beaucoup à la
fois au catholicisme social et à la réflexion catholiques non conformiste des
années 1930, selon laquelle la tendance à l’organisation qui caractérise l’ère
des masses et la mécanisation peuvent broyer l’individu dans une société
déshumanisée. Georges Pompidou, quant à lui, khâgneux et normalien, fils de
socialiste, d’abord séduit par le pacifisme, commence alors qu’il se
désenchante à trouver des fondamentaux politiques. Le samedi 21 mars 1931, il écrit à son ami
Robert Pujol : « Dans l’ensemble, nous sommes à la fin d’un monde
tandis que je crois bien qu’il se prépare une nouvelle société, étatisée,
mécanisée, américaine en un mot<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[15]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La conviction selon laquelle la modernisation économique
risque d’aboutir à un pouvoir d’Etat fort et autoritaire, selon laquelle elle
disqualifie le parlementarisme classique, qui est tout à fait dans le climat
intellectuel des années 1930, est très explicite à partir des commencements de
son engagement public. Il couple comme Charles de Gaulle l’inquiétude quant aux
conséquences politiques de la modernisation ; rappelons que récemment,
dans un livre de souvenirs et de réflexion, Robert Poujade a défini le projet
gaulliste comme une volonté d’encadrer la modernisation. Avec une différence
notoire : Charles de Gaulle croit davantage à la possiblité d’organiser la
société que Georges Pompidou, qui ne semble pas avoir été touché par le projet
de s’appuyer sur les « forces vives » de la nation. Il est tout à
fait pertinent, me semble-t-il, d’inscrire Georges Pompidou dans la lignée si
française du « libéralisme d’État ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il faut un État fort et un pouvoir fort ; ce pouvoir
devra cependant rester respectueux des libertés démocratiques. D’où
l’inquiétude de Georges Pompidou en 1947, et son scepticisme face à l’aventure
du RPF. Dans une lettre à René Bouillet, l’ancien condisciple qui l’a introduit
au cabinet de Charles de Gaulle à la Libération, et dont il sait la fibre
démocrate-chrétienne, il dit à la fois sa conviction que le système peut
s’effondrer, que le Général peut revenir au pouvoir, et son inquiétude quant à
la suite : « Arrivera-t-il à garder ses distances entre le
gouvernement sans autorité et le gouvernement de dictature personnelle.
Arrivera-t-il à éliminer la camarilla ou, tout au moins, à la tenir à sa
place ? (…) Je crois nécessaire, affirme Georges Pompidou, de tenir ma
place dans le système pour faire entendre la voix du bon sens, du sérieux et de
l’esprit démocratique<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[16]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La convergence entre les deux hommes se joue dans l’idée que
la modernisation est fatale (et qu’il faut s’y engager résolument pour
maintenir le rang de la France et la prospérité du pays), mais qu’elle
s’accompagne d’une crise de civilisation. Le célèbre discours du 14 mai 1968 à
l’Assemblée nationale, dont les analyses sont reprises dans <i>Le nœud gordien</i>, fait écho à sa manière
aux analyses du <i>Fil de l’épée</i> et au
discours de l’Albert Hall du 15 novembre 1941.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La société moderne se trouve pour Georges Pompidou
travaillée par deux tendances : la diffusion de « l’anarchie dans les
mœurs » et « l’accroissement illimité du pouvoir étatique ».
Cette vision de l’anarchie, Georges Pompidou y est d’autant plus sensible qu’il
l’a constaté dans son milieu d’origine, le milieu universitaire (au sens large)
auquel il reste pourtant fort attaché.
Un texte de 1959 des <i>Lettres, notes et
témoignages</i> consacré à l’Université croque au passage le monde de ceux qui
« confondent le liberté et l’anarchie », et « hommes probes et
austères », « se complaisent dans une sorte de dévergondage mental
qu’ils prennent pour la liberté de l’esprit<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[17]</span></span><!--[endif]--></span></a> ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On comprend mieux le scepticisme de Georges Pompidou tant
vis-à-vis des idées des gaullistes de gauche que de l’expression de
« nouvelle société ». La formule par laquelle il définit l’art de
gouverner place face à face l’État et une société éclatée : « Gouverner,
c’est faire prévaloir sans cesse l’intérêt général contre les intérêts
particuliers, alors que l’intérêt général est toujours difficile à définir et
prête à discussion, tandis que l’intérêt particulier est ressenti comme une
évidence et s’impose à chacun sans qu’il y ait place pour le doute<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[18]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est tout le sens de l’interrogation finale du <i>Nœud gordien</i> : il faut donc
parvenir à « recréer un ordre social », mais « la question est
de savoir si ce sera en imposant une discipline démocratique garante des
libertés ou si quelque homme fort et casqué tirera l’épée comme Alexandre<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[19]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »
D’où une interrogation sur les modalités et l’assouplissement éventuel de
l’action de l’État, qui me paraît avoir été peu poursuivie après lui.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’héritage pompidolien est celui d’un homme qui a observé de
Gaulle, qui est, comme il le rappelle dans le second portrait, celui de 1973,
un des hommes qui connaît le mieux le Général. Qui est admiratif de Charles de
Gaulle, mais qui est très soucieux de son indépendance d’esprit, et sans doute
estimé précisément pour cela, autant que par sa compétence, par le Général. Un
gaulliste exempt du culte du chef, si on ose. Non trempé non plus dans les
grands mythes originels, comme celui qui transporte la France à Londres le 18
juin 1940. Si la Seconde guerre mondiale reste pour lui, comme on lui a
reproché de l’avoir dit, « le temps où les Français ne s’aimaient
pas », c’est que cet homme qui n’a pas résisté sait bien que la réalité
est plus complexe.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Et comment ne le saurait-il pas quand il peut saisir à quel
point de Gaulle lui-même n’est pas dupe de son personnage ni des grandes
simplifications qu’il peut juger nécessaire. En témoigne cette note du 28 mars
1951 :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« J’annonce, assez maladroitement, la mort du maréchal
Pétain en disant « Pétain est mort ». « Oui, le Maréchal est
mort », me répond-il. (…) J’ajoute : « En tout cas, c’est une
affaire liquidée. – Non, c’est un grand drame historique, et un drame
historique n’est jamais terminé<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[20]</span></span><!--[endif]--></span></a>. » »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pompidou est proche du général quand celui-ci relativise
même l’épopée de la France Libre. Nous sommes en 1952 : « Le 15 mai
me parle de l’Afrique du Nord et assez bien, me fait son topos sur la rapidité
de la décadence. « Commencée depuis le milieu du XVIIIe siècle :
depuis il n’y a eu que des sursauts. Le dernier a été la guerre de 14. La
dernière fois j’ai bluffé et en bluffant j’ai pu écrire les dernières pages de
l’histoire de France<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[21]</span></span><!--[endif]--></span></a>. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dans la lettre à Philippe de Saint Robert déjà citée, Georges
Pompidou considère que le pays ne s’est jamais vraiment remis de l’effondrement
de 1940. Il a cependant tenté de concilier le maintien d’une politique de
grandeur et l’accompagnement d’un inévitable désenchantement du gaullisme, à
vrai dire commencé dès l’orée des années 1960. Il ne pouvait ainsi fonder un « pompidolisme »,
mais il a fait sans doute une œuvre plus durable, en faisant passer la Ve
République d’un régime d’exception, lié à une personnalité exceptionnelle, à un
régime installé, susceptible de connaître l’alternance.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<!--[if !supportFootnotes]-->
<br />
<hr size="1" style="text-align: left;" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Charles
de Gaulle, <i>Le fil de l’épée</i>, Paris,
Flammarion, 1932, p. 148.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Georges
Pompidou, <i>Lettres, notes et portraits.
1928-1974. Témoignage d’Alain Pompidou. Préface d’Éric Roussel</i>, Paris,
Robert Laffont, 2012.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> Georges
Pompidou, <i>Le nœud gordien</i>, Paris,
Plon, 1974 ; rééd. Flammarion, 1984.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le fil de l’épée</i>, p. 183.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le fil de l’épée</i>, p. 83.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> Cf.
entre autres articles du même dictionnaire tournant autour de cette question le
remarquable article « Moi » de Corinne Maier dans Claire Andrieu,
Philippe Braud et Guillaume Piketty, <i>Dictionnaire
de Gaulle</i>, Paris, Laffont, 2006.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn7">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 283.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn8">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et témoignages</i>, p. 479.<i><o:p></o:p></i></div>
</div>
<div id="ftn9">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le fil de l’épée</i>, p. 81.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn10">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le nœud gordien, </i>p. 202.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn11">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 491.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn12">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le nœud gordien</i>, p. 203.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn13">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 439.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn14">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></a> Lettre
du 7 octobre 1965, <i>Lettres, notes et
portraits</i>, p. 381.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn15">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[15]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 141.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn16">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[16]</span></span><!--[endif]--></span></a> Lettre
du 7 juin 1947, <i>Lettres, notes et
portraits</i>, p. 196.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn17">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[17]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 292.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn18">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[18]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le nœud gordien</i>, p. 57.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn19">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[19]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le nœud gordien</i>, p. 205.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn20">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[20]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Lettres, notes et portraits</i>, p. 221-222.<o:p></o:p></div>
</div>
<div id="ftn21">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/J%C3%A9r%C3%B4me%20Grondeux/Documents/Pompidolisme%20et%20gaullisme.docx#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[21]</span></span><!--[endif]--></span></a> Note du
18 mai 1952, <i>Lettres, notes et portraits</i>,
p. 234.<o:p></o:p></div>
</div>
</div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-4247880095716636861.post-79096663358884383162013-05-13T09:23:00.000-07:002013-05-13T09:30:20.354-07:00Du négatif en politique.<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Depuis
qu’il y a une opinion politique – et cela fait bien longtemps – la tentation
est grande de souffler sur les braises, d’attiser les mécontentements, de
surfer dessus pour parvenir au pouvoir. Mobiliser contre, la chose est
relativement aisée. On agrège ainsi tous les sujets de mécontentements. Je me
souviens d’une discussion au café, en 2005, avec un ami universitaire, en plein
cœur de la campagne sur le traité constitutionnel. Cet homme de droite, à égale
distance du libéralisme et du conservatisme, illustration de ce catholicisme traditionnel qui a survécu
aux assauts de « l’év-angélisme » politique des années 1970 et
1980, militait pour le « non » et me disait à peu près ceci :<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« Nous allons poser les
bases d’un rassemblement politique du camp du « non ». Il nous faut
plus de libéralisme à l’intérieur et plus de protectionnisme à l’extérieur, et
remettre en chantier un nouvel ordre monétaire mondial. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mis en regard de la composition
du camp du « non », ces espérances me semblaient irréalistes. Qu’y
trouvions-nous alors ? Les troupes de la CGT, le parti communiste, la
gauche sincère ou stratégico-stratégique du parti socialiste, qui affichaient
une hostilité au libéralisme ; des tenants d’une laïcité de combat et des
catholiques bouillants, qui ne se retrouvaient que dans l’hostilité à
l’Islam ; des souverainistes qui se réclamaient de l’héritage gaulliste,
des membres de l’extrême droite hostiles à toutes les formes de mondialisation ;
quelques libéraux anti-keynésiens et quelques orphelins du « libéralisme
d’État » à la française (dont mon interlocuteur) ; des démocrates
sincères hostiles au côté technocratique de la construction européenne. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Parmi les électeurs, des citoyennes
et des citoyens troublés par la complexité du traité, inquiets de son
éventuelle irréversibilité, déçus par
les partis de gouvernement dont les dirigeants prônaient le « oui »,
gênés de ne pas avoir le choix entre deux projets (ce qui aurait été diplomatiquement
impossible). Pas mal de dynamisme et de créativité (je me souviens du clip où
l’on voyait une jeune mariée coiffée d’un bonnet phrygien, demandant pourquoi
on lui demandait de dire « oui » alors qu’elle n’avait pas le droit
de dire « non »).<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Face à cela, un camp du
« oui » se contentant de marteler que le « non » serait une
catastrophe, sans mesurer le besoin de se désennuyer, de se changer les idées,
de se défouler qui peut tarauder des électeurs et qu’ils attisaient
involontairement. Un camp du « oui » (et j’en sais quelque chose,
j’en étais) qui à force de se présenter comme celui de la responsabilité et de
l’intelligence sans faire campagne sur le fond des choses se mettait bien des
gens à dos. Un camp appuyé sur un secrétaire général du PS (François Hollande)
ouvertement désavoué par une partie de ses troupes « nonistes »
(Jean-Luc Mélenchon, Laurent Fabius), sur un président de la République arrivé
à l’âge où l’on sait trop de choses pour avoir l’influx nécessaire à la lutte
et un premier ministre carbonisé.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Un camp qui en outre devait
accomplir la tâche la plus difficile : défendre ce qui existe, avec son
lot d’imperfections, face à ceux qui pouvaint se dispenser de toute perspective
réaliste et vendre des « plans B ».<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
J’interrogeai mon
interlocuteur : au-delà de la victoire « noniste » qui était
déjà largement prévisible, comment pouvait-on rassembler un camp sans leader,
sans organisation stable, sans projet défini ? Au-delà du
« formidable moment de démocratie » que l’on nous sert pour qualifier
les moments où tout le monde se hurle à la face
et où les énormités volent bas, il était peu probable qu’on ait jamais
l’occasion de célébrer rétrospectivement 2005 comme l’an I d’une nouvelle ère de la politique nationale. Mais mon collègue m’avait redit son
optimisme. Il sentait bien qu’il allait gagner la première manche.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je repense souvent à cette
conversation pourtant peu mémorable, parce qu’elle illustre l’éternelle
tentation de la politique du pire. Attiser les mécontentements, s’en faire le
porte-parole, cela n’est pas simple, mais c’est faisable. Accroître les
divisions de la nation, faire monter l’exaspération plus ou moins désintéressée
des électeurs, cela peut être utile pour faire échouer un projet ou chuter un
gouvernement. Auguste Comte le savait déjà : il faut moins d’énergie pour
désorganiser que pour organiser. Si la politique du pire donne bien souvent le
pire des résultats, c’est qu’au moment de profiter du désordre ainsi attisé,
les Machiavels d’estrade mesurent leur solitude et la difficulté de faire
adhérer à un projet précis la foule des mécontents. Tout le monde n’est pas le
général de Gaulle après la crise du 13 mai 1958.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On les retrouve alors guettant
des catastrophes, de grandes crises qui les dispenseraient d’avoir à s’immerger
dans le négatif, des situations cataclysmiques qui valideraient d’un coup
toutes les critiques qu’ils ont émises, et feraient d’eux des recours. Il est
facile de leur jeter la pierre. Peut-être ont-ils raison de se confier ainsi à
la fortune, qui sait ? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais dans le cours de la
politique « normale », face à des problèmes qui sont souvent très
prosaïques, face aux soins continuels que requièrent la sauvegarde d’une
communauté nationale toujours au bord de l’éparpillement et glissant sur la
pente douce d’un déclin relatif, l’énergie qu’ils mettent à souffler sur les
braises me semble bien perdue pour le pays.<o:p></o:p></div>
Jérôme Grondeuxhttp://www.blogger.com/profile/11452429744639984848noreply@blogger.com2