vendredi 17 décembre 2010

Pourquoi j'aime la politique


Pourquoi ne pas prendre la politique comme elle est ?

Le XXème siècle a vu au total l'enterrement des grands mythes. Le communisme a emporté dans sa tombe le rêve d'une réorganisation totale globale et le fascisme a emporté dans la sienne celui d'une communauté nationale fusionnelle. Ils n'ont emporté avec eux ni l'idée de justice sociale ni la prise en compte de la dimension nationale.

Le libéralisme s'en est mieux sorti, parce qu'il ambitionnait de partir de la société telle qu'elle était, et qu'il a su prendre en compte l'émergence de l'individu moderne. Mais il a très tôt perdu sa pureté, son rêve d'une sorte d'autorégulation de la société civile face à un État purement arbitral : cependant, laisser respirer la société, garantir le pluralisme, sanctuariser dans une large mesure les libertés individuelles, ces objectifs ont-ils perdu de leur pertinence ?

La démocratie peine toujours à faire coexister l'affirmation de l'individu et la dimension sociale : devons-nous pour cela renoncer à la quête de l'équilibre ? En France, la République a incarné cette tentative, et nous n'en finissons pas de redéfinir son "modèle".

Bien sûr, les solutions "clefs en main" avaient leurs avantages : l'adversaire était vite identifié, les remèdes vites proclamés, on se donnait bonne conscience à bon compte. Les discussions passionnées des années 1970 nous défoulaient aisément, et le lyrisme était vite accessible. Nos égos s'y mettaient en scène avec aisance, le réaliste de droite et l'idéaliste de gauche, posture contre posture, se mettaient en avant avec bonheur.

Tout cela ne peut plus nous être offert qu'au moyen d'une solide dose d'ignorance.

On peut avoir la nostalgie de lignes claires : mais il faut savoir qu'elles n'ont jamais existé que dans le discours. La pensée désenchante, c'est vrai, quand elle est vraie pensée en s'ouvrant au réel, à toute l'ambiguïté, toute la complexité de l'humain. Elle confronte impitoyablement les illusions à la réalité, elle passe au crible nos idées, elle nous renvoie toujours à notre finitude.

Le mouvant, le risque et l'incertain, la nécessité de toujours revenir sur soi pour savoir si l'on n'est pas en train, dans tel ou tel engagement, de perdre ce que l'on a de plus cher, ce n'est pas seulement la condition moderne, c'est peut-être, simplement, dévoilée, notre condition politique depuis des siècles.

De même, les requêtes fondamentales de la politique démocratique demeurent : nous cherchons encore un équilibre toujours à refaire entre la représentation de la nation (ou de toute autre communauté), la profondeur et la qualité de la délibération, l'efficacité de la décision. Chaque situation, chaque nouveau jeu de contrainte nous remettent à l'ouvrage.

Au fond, si le sens de l'existence humaine n'est à chercher que dans un double rapport, rapport aux autres et rapport au monde, quelles que soient les options philosophiques ou religieuses qui nous servent de point de départ, qui niera que la politique réclame toute notre attention ?

Quand on étudie l'histoire des idées politiques, c'est en permanence que nous observons le heurt des projets, des espérances, avec la réalité. Et la réalité n'a pas toujours tort, dans la mesure où, en politique, la réalité est humaine. Le réel, bien souvent, c'est tout simplement les autres. Leurs propres besoins, leurs propres visions des choses. Je crois qu'il est difficile de célébrer le pluralisme et, en même temps, de se plaindre de l'écart entre la réalité politique et ce que nous, personnellement, en attendons.

mardi 7 décembre 2010

Confusion...


Que de tiraillements ces derniers temps ! Tout d'abord un premier "psychodrame" autour des primaires socialistes. J'avoue avoir été impressionné en entendant Martine Aubry faire état d'un accord entre Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et elle-même. Je n'ai pas d'abord pensé qu'il s'agissait d'un déni de démocratie, que l'on restreignait le choix des militants et des sympathisants. Tout en me doutant que François Hollande ne devait pas apprécier l'information, je me suis dit que le parti socialiste enrayait la machine à perdre ; et ce d'autant plus qu'il n'y a pas d'abîme idéologique entre ces trois candidats à la candidature. Puis est venue la réaction de Ségolène Royal...

Tout cela est finalement plutôt bien accueilli dans les médias : il y a un psychodrame, des rivalités, du spectacle. Les médias aiment les primaires socialistes qui créent de l'événement tout fait et spectaculaire, cela est normal. Je demeure perplexe devant des candidats dévoilant leur argumentaire de campagne à l'avance alors que l'autre camp attend tranquillement, tout en ayant sur la tête une épée de Damoclès : le programme de leur parti, avec lequel ils devront ajuster le leur. Laurent Fabius avait en 2007 cru contourner l'obstacle en se présentant comme l'homme qui appliquerait "purement et simplement" ce programme, mais la manoeuvre, qui transformait le candidat en simple porte-parole d'un programme attrape-tout, était peu crédible.

Et puis voici que la fusion entre Europe Ecologie et les Verts paraît battre de l'aile, avec la démission de Jean-Paul Besset, qui représentait, finalement, Europe Ecologie dans la nouvelle organisation. Je ne suis pas sûr que dans ces conditions, Europe Ecologie va continuer d'attirer les centristes et la gauche modérée déçue par le PS. Finalement, comme François Bayrou, les écologistes modérés buttent sur un problème d'organisation.

Rien ne rend en ce moment le paysage politique français plus organisé. Dans un système où l'attention est polarisée sur la campagne présidentielle, et où la construction d'une candidature crédible prend finalement beaucoup de temps, ce système de plus en plus présidentialisé (et pas seulement du fait de Nicolas Sarkozy : la réforme du quinquennat en 2000 allait dans ce sens) nécessite que les forces politiques soient par avance au clair avec leur attitude face à cette élection
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En clair : le leader du mouvement ou du parti "y va", ou il négocie par avance le fait de ne pas "y aller" et de soutenir un autre candidat, en terme de sièges et d'éventuelle participation gouvernementale. Il n'y a que cela qui permettra que dans chaque parti émergent une majorité, qui met en oeuvre sa politique moyennant quelques concessions, et une minorité qui attend l'échec de la majorité pour devenir elle-même majoritaire.

L'UMP n'a pas ces problèmes, direz-vous. Il lui manque cependant le reste : des tendances clairement identifiées, porteuses des différentes sensibilités du centre et de la droite, qui permettent d'ouvrir l'arc électoral et d'inventorier, par une majorité et une minorité, différents possibles stratégiques. Il lui sera possible de rassembler un tiers du corps électoral. Mais que faire ensuite ?

Le paradoxe, pour le PS, sera qu'il devra chercher à s'appuyer sur des forces qui sont encore moins organisées que lui, alors même qu'aucun leader fédérateur n'émerge. Dominique Strauss-Kahn a un bon bilan au FMI, certes, mais ce bilan même peut être (et sera s'il se lance dans l'aventure) utilisé contre lui. Et quelle part au juste de son prestige actuel est dû à son silence forcé ?

L'éclatement du paysage politique français correspond donc bien à une non-prise en compte, dans l'organisation même de la plupart des forces politiques, de la contrainte institutionnelle. Nous allons, me semble-t-il, vers des mois très spectaculaires et assez peu féconds sur le plan de la réflexion. Politiquement, il va y a voir du spectacle, et une part de chacun d'entre nous s'en réjouit. Sur le fond, on a tout de même l'impression que lorsque l'on n'assume pas une contrainte institutionnelle, une confusion stérile s'empare de la vie politique. Si l'élection présidentielle n'organise pas, elle crétinise.