Jean-Luc Mélenchon monte vraiment dans les sondages, maintenant ; Nicolas Sarkozy continue son rattrapage. Je ne crois pas que l’épouvantable affaire de Toulouse change la donne en profondeur, mais elle risque d’accentuer des tendances déjà perceptibles.
Nicolas Sarkozy confirme sa posture présidentielle, tous l’ont dit. François Hollande reste dans la prudence et dans la dignité – mais sa position de favori est un peu périlleuse : s’il descend dans l’arène, il perd son côté fédérateur, s’il n’y descend pas, ses adversaires peuvent affirmer (ce qui est sans doute faux) qu’il se voit déjà élu.
François Bayrou reste sur une posture limite : critique du discours ambiant, il a paru lier l’horreur de Toulouse et la stratégie de campagne clivante de Nicolas Sarkozy, ce qui a paru indigne. Marine Le Pen peut utiliser l’affaire de manière « soft », en restant sur ses axes de campagne. Aucun des deux ne me paraît (je me trompe peut-être) en mesure de retirer un bénéfice substantiel.
Jean-Luc Mélenchon n’a pas de raison de modifier ses propres axes de campagne : des faiseurs d’amalgame peu scrupuleux pourraient attaquer ses positions sur l’immigration. Mais les sarkozystes n’ont pas intérêt à le faire, puisque sa montée peut gêner François Hollande. [modification de dernière minute : le directeur de campagne de Marine Le Pen vient de le faire sur Europe, le matin du 23 mars à 7h45, alors que Mohamed Merah est né en France.]
Le président sortant poursuit une stratégie activiste, qui à mes yeux (mais est-ce le cas pour son électorat potentiel ?) met en relief un des défauts structurels de son quinquennat : annoncer des mesures générales à propos d’un cas particulier, préférer les décisions spectaculaires au souci du bon fonctionnement de ce qui existe – et qui souvent suffirait.
J’ai bien du mal à prévoir ce qui nous attend dans les prochaines semaines ; cette incertitude même a pris la forme d’une image :
Nous sommes sur un terrain plat. François Hollande a beaucoup d’avance, mais il trottine paisiblement, parce qu’il veut conserver des forces pour après la ligne d’arrivée. Garder, en fait, des marges de manœuvre pour la tâche difficile qui l’attend. Il continue la course de fond qu’il mène depuis de longs mois. La ligne d’arrivée est en vue, mais il reste plusieurs centaines de mètres à parcourir.
Il risque pourtant d’être pris dans une sorte d’étau. Deux forces convergentes cherchent à lui couper la route, l’une partie de sa gauche, l’autre de sa droite. Jean-Luc Mélenchon pourrait finir par saisir le bas de sa veste, et le ralentir. Nicolas Sarkozy lui passer devant in extremis.
Il faudrait, comme dans un problème de mathématique, tenir compte des angles, des vitesses. Il faudrait même, comme dans un problème de physique sadique, tenir compte des accidents du terrain, qui n’est peut-être pas si plat qu’il n’y paraît.
L’avance est peut-être suffisante…