Rappelons d'abord les atouts, qui ne sont pas négligeables.
Nicolas Sarkozy a profité de la crise européenne ; sa réactivité, son énergie peuvent se donner carrière dans un contexte où il faut décider vite, trouver un accord avec l'Allemagne, et montrer que les gouvernants ne se laissent pas balloter sans réagir par les flots de marchés. Il campe ainsi sur des positions qui parlent à l'électorat de la droite républicaine : le pragmatisme et le souci de réalisme.
François Hollande a montré qu'il n'était pas prisonnier de ses alliances, en se montrant ferme dans les négociations avec les écologistes, et quand bien même Nicolas Sarkozy remonte dans les sondages, il reste largement en tête des intentions de vote au second.
Les faiblesses tiennent à la difficulté pour les deux candidats de se dégager de leurs errements traditionnels.
À droite, la réaction au meurtre horrible du Chambon-sur-Lignon est caricaturale. Alors que la question posée est bien celle des responsabilités personnelles des uns et des autres, et en particulier du chef d'établissement qui, semble-t-il, n'a pas voulu recevoir des informations capitales pour la décision d'admettre ou pas dans son établissement l'élève incriminé, on réagit en bricolant une loi à la va-vite, comme si la loi était magiquement le remède aux défaillances des individus. Ce n'est ni sérieux, ni, à mon sens, estimable. Les faits divers épouvantables ne sont pas des occasions politiques ; les lois, si on veut qu'elles soient équilibrées et applicables, ne s'improvisent pas sur un coin de table.
À gauche, le positionnement de campagne de François Hollande reste hasardeux. L'organigramme de son équipe de campagne est surréaliste ; on trouve une usine à gaz là où on pouvait attendre une équipe resserrée, avec des champs clairement définis pour chacun, et qui pourrait laisser présager ce que serait un futur gouvernement. Et le candidat ne parvient pas à s'empêcher de jouer les mouches du coche en commentant à chaud les négociations européennes, sans être encore porteur d'une alternative crédible.
Quant au centre, depuis le retrait en rase campagne de Jean-Louis Borloo, aucune candidature alternative ne décolle - et cet espace reste, finalement, libre pour François Bayrou.
Tenace, courageux, celui-ci s'est isolé et n'a pas réussi à construire un véritable rassemblement politique ; mais les Français le connaissent, et sa critique globale du système politique, quand bien même elle l'a éloigné de la tradition centriste, moins portée ordinairement aux jugements tranchés, peut trouver un écho en cette période de crise. Surtout, il pourrait reconquérir un électorat de centre droit qui peinera à voter pour Nicolas Sarkozy au premier tour, et peut-être aussi des électeurs écologistes modérés ne se retrouvant pas dans le radicalisme verbal d'Eva Joly.
Le terrain est cependant loin d'être dégagé pour lui. Il ne peut plus compter sur un engouement de la jeunesse comme en 2007, parce que l'effet de nouveauté ne jouera plus en sa faveur. Il lui faudra aussi pondérer son discours renvoyant systématiquement dos à dos la gauche et la droite, et passer d'une condamnation globale à une évaluation critique du bilan de Nicolas Sarkozy. La réforme constitutionnelle de 2008, par exemple, ne peut laisser les centristes indifférents.
Surtout, il lui faudrait, peut-être en s'appuyant sur des hommes comme Jean Arthuis, renouer des liens avec les autres centristes et avec des figures de la droite modérée. Après l'hyper-présidence, nombre d'électeurs attendent une équipe et un chef d'équipe. François Hollande tardant à s'engager dans la voie de la constitution d'une équipe crédible, il y a là, incontestablement, "un coup à jouer". Mais il faut pour cela sortir de l'isolement.