mardi 13 septembre 2011

La Grèce, l'Europe et les Etats

La question de la Grèce vient au bout de plusieurs coups de semonce. On l’a d’abord analysée à partir de grandes oppositions toutes faites : solidarité européenne contre égoïsmes nationaux, pression des capitaux contre volontarisme politique, population contre gouvernants. Tant que l’on en restait là, chacun voyait son point de vue confirmé part la crise, que tout le monde clamait avoir prévu. C’est une règle du débat politique : la réalité ne s’y fait jour et ne s’y impose que très progressivement.

Comme toute crise, celle-ci est le révélateur d’une autre, ou plus exactement de deux autres. Une crise de l’endettement des États et une crise de la gouvernance européenne.

Je ne reviendrai pas longtemps sur la question de la dette ; au moins cette crise a-t-elle le bon effet d’imposer cette question et d’obliger les uns et les autres à prendre en compte ce problème.

S’agissant de la gouvernance européenne, tous les partisans de l’Europe s’accordent sur le diagnostic d’un déficit de décision. Il est d’ailleurs ancien : quand on y réfléchit bien, il est hallucinant de penser que la Grèce a été intégrée à la zone euro alors que seuls 15% des impôts rentraient effectivement, et qu’il n’y avait pas de cadastre. Le trucage de ses comptes publics est avéré, mails le problème est aussi qu’il n’ait pas été détecté.

Je crois que l’on ne gagne rien à ce propos à s’en tenir à une critique de la technocratie européenne et à pleurer sur l’éloignement de l’Europe et des citoyens.

L’Europe proche des citoyens ? Au risque de décevoir, elle ne l’a jamais été. La construction européenne a avant tout été un rêve de dirigeants et d’éducateurs, de politiques, de fonctionnaires, de professeurs aussi lassés de voir l’Europe s’entredéchirer périodiquement. Il a fallu du courage pour la mettre sur les rails, et même pour la réconciliation franco-allemande. Quand Adenauer et de Gaulle vont ensemble à la cathédrale de Reims, la foule est peu nombreuse et l’enthousiasme mince.

A partir des années 1970, on a voulu démocratiser cette construction européenne, et c’est cette démocratisation qui a mal fonctionné. En 1972, le référendum français à propos de l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union européenne bat des records d’abstention ; en 1992, le traité de Maastricht n’est adopté que d’extrême justesse ; et on se souvient de la claque de 2005.

Cela veut dire que si nous avons besoin d’un gouvernement économique européen, ce sont avant tout aux États de se mettre à la tâche, à moins de s’en remettre à une technocratie européenne qui aura bien du mal à imposer quoi que ce soit sans graves secousses. La légitimité démocratique est encore très largement concentrée dans les États nations, qui demeurent un maillon indispensable pour renforcer l’Europe, dans cette construction issue d’un mélange inextricable, et peut-être sage au fond, de logique fédérale et de logique confédérale.

C’est donc dans le combat politique à l’intérieur de chaque État que l’Europe doit redevenir une priorité, et singulièrement chez nous, malgré le traumatisme de 2005. Il faudra procéder dans la campagne présidentielle à une évaluation serrée des bilans et des projets européens.

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