mardi 27 septembre 2011

Utopie éducative

Je n’ai pas beaucoup parlé d’éducation jusque-là. Il y a pourtant plus de vingt ans que j’enseigne. J’avoue que cette pratique m’a plutôt radicalisé dans la critique de notre système français, à différence de bien d’autres domaines, et ce malgré la qualité de nombre d’enseignants. Dans l’enseignement supérieur (pourtant en évolution lente depuis quelques années) comme dans l’enseignement secondaire – je laisse de côté le primaire que je connais très mal.

J’ai été frappé ces derniers temps par le débat avorté sur les horaires d’enseignement des professeurs du secondaire qui ne travailleraient « que » 18 heures. Que les critiques préparent 18 heures du cours, nous verrons ensuite. Mais j’ai été tout aussi atterré par la proposition de François Hollande de recréer purement et simplement plusieurs dizaines de milliers de postes d’enseignants, alors qu’il semblait jusque-là, avec Manuel Valls, le plus lucide des candidats de gauche quant à la contrainte budgétaire, dont nous savons qu’elle va encore s’appesantir dans les années qui viennent.

Réduire la question de notre système scolaire à des économies au détriment de la qualité (les deux heures d’enseignement supplémentaire évoquées) ou au simple effet bénéfique supposé de la dépense publique (plus d’enseignants et tout ira mieux) me semble réducteur, pour ne pas dire plus.

Je crois qu’il faut laisser les enseignants tranquilles avec leur quota d’heures. Je ne crois pas qu’un gouvernement sérieux pourra créer beaucoup de postes. Je pense par contre qu’il faudrait s’attaquer à d’autres problèmes.

Nous finançons difficilement et parfois mal un système où les matières enseignées sont de plus en plus nombreuses, avec un enseignement de lycée aux filières lourdes et inutiles (c’est à seize ans qu’il faut savoir si on est « scientifique » ou « littéraire », par exemple, comme si le développement intellectuel s’arrêtait là), et où la part du travail à la maison n’a cessé d’augmenter.

Les programmes d’histoire, pour ne parler que d’eux, demeurent d’une ambition folle, d’une étendue démesurée et d’une visée conceptuelle incroyable. Ils tentent en outre, par le biais d’une méthodologie extraordinaire (qui a jamais écrit quelque chose d’intelligent en se servant de la méthode du « paragraphe argumenté » ?) de donner un « esprit critique » qui ne vient qu’en s’exprimant librement et en confrontant des informations différentes.

L’ambition des programmes, qui ne prend pas en compte l’allongement moyen de la durée des études, et le travail à la maison corollaire ont un effet : accroître la ségrégation sociale. L’explosion des cours et assistances à domicile accentue l’écart entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas faire aider leurs enfants à assimiler les leçons et faire leurs devoirs.

Pour une fois, j’ai envie de proposer quelque chose : réduction des programmes, maintien des enseignants à 18 heures par semaine, suppression du travail à domicile. Des cours le matin. Le travail « à la maison » n’en serait plus : il serait donné à faire l’après-midi, où les élèves travailleraient en groupe, ce qui permettrait aux plus dégourdis dans telle ou telle matière d’aider les autres. Une partie seulement du service des professeurs servirait à faire des cours. Le reste serait d’être, de manière plus souple, en mesure d’aider les élèves, l’après-midi, dans leur travail personnel. Et de nouer ainsi, de manière très simple, un contact personnel avec ceux qui en ont le plus besoin.

Je pense également qu’un professeur qui n’a pas à tenter de faire cours entre 17 et 18 heures à une classe peu (ou encore moins que d’habitude) désireuse de l’entendre serait moins stressé, et vivrait une journée plus humaine.

Le soir, les enfants redeviendraient des enfants, et les jeunes des jeunes, hors du cadre scolaire. Je repense souvent à cette idée. Il m’arrive, moi aussi de caresser des utopies.

3 commentaires:

Raveline a dit…

Sage et raisonnable idée, assez proche, dans l'esprit, des pratiques universitaires anglo-saxonnes. Bien d'accord sur le caractère délirant des programmes d'histoire (mais c'est un domaine où l'empoignade au parlement ne s'arrêtera jamais).

Jérôme Grondeux a dit…

Je suis d'accord avec vous sur le problème de l'empoignade au parlement. Mais il faudrait partir de l'intérêt des élèves... qui en l'occurrence me parait très compatible avec celui des professeurs. Et le rêve : unir la rigueur des plans latins, et la souplesse anglo-saxonne...

Felipe a dit…

C'est nécessaire d'investir dans l'éducation pour se dévélopper? Je vient du Brésil et chez moi, malheuresement, elle n'a jamais été nécessaire aux yeux du gouvernement. Lula a mis le Brésil sur la scène internationale mais l'éducation est encore un question grave. Chez nous, les problémes concernent plutôt le salaire des enseignant que les heures de travaux; plutôt l'analphabétisme de ces qui sort l'école que leur esprit critique. L'utopie est ainsi toujours présent, tant pour les pays que révê d'être un enseignement comme lesquels d'Europe, comme pour ceux qui sont déjà admiré d'ailleurs.