mercredi 22 septembre 2010

Du leadership au parti socialiste


J'étais sévère la fois dernière pour François Hollande. La déception a de ces entraînements... Mais il est vrai que quand on cherche à commenter la politique du point de vue des "hommes de bonne volonté", c'est-à-dire en supposant dans un premier temps que toutes les familles politiques rassemblent des femmes et des hommes qui veulent sincèrement le bien commun, et qu'avant de formuler des jugements, on s'attelle à rendre compte des projets, on enrage parfois devant les bâtons que certains partis mettent dans leurs propres roues, et de voir les plus lucides de leurs dirigeants en ajouter d'autres.

Le parti socialiste actuellement étouffe de ne pas organiser franchement à la fois la concurrence des hommes et des programmes. La mystique du parti-Eglise, forme anticipée de la communion à venir de l'Humanité a conduit le PS à refuser jusqu'aux conditions d'un véritable leadership.

Personne actuellement ne vient au PS pour soutenir Dominique Strauss-Kahn, pourtant populaire, ni François Hollande, ni Benoît Hamon, ni Arnaud Montebourg, parce que tous sont conduits à un moment donné à dire la même chose, dès lors qu'ils veulent l'onction du parti. Ils tentent tous, à un moment ou à un autre (celui de "DSK" n'est pas encore venu) d'assumer une sorte de "ministère d'unité du parti", et se retrouvent dans la position du Pontife romain qui suscite force réactions dès qu'il sort d'une phraséologie vague et rassurante. Le PS pense, avec les primaires, avoir organisé la compétition des hommes. Il oublie que celle-ci est sinistre dès lors qu'elle ne correspond pas à une bataille d'idées.

Un grand parti devrait voir s'affronter des leaders, entourés de leurs équipes, défendant leurs programmes et leurs propositions. Le vainqueur, moyennant quelles concessions, constitue une majorité et fixe la ligne directrice du parti. La minorité, pendant ce temps, attend son heure et les échecs de la majorité pour en prendre le contrôle.

François Mitterrand avait constitué en 1971, au Congrès d'Epinay, une majorité sur une ligne simple : l'union de la gauche. Il a pu le faire en grande partie parce qu'il venait de l'extérieur du nouveau parti socialiste fondé en 1969, et avait capitalisé en 1965 une crédibilité en tant que candidat de la gauche unie, plaçant Charles de Gaulle en ballotage. Cette personnalité extérieure, aujourd'hui, n'existe pas. C'est du PS que doit sortir la majorité, et elle ne sortira que si des projets de programmes s'affrontent.

Or, nous marchons vers l'élaboration d'un programme attrape-tout (comment faire autrement quand le parti l'élabore en recherchant l'accord le plus large possible) et une compétition tardive (malgré les recommandations de François Hollande) donnant très peu de temps au candidat pour livrer et faire valider son interprétation du programme du PS, comme pour constituer ses équipes. La question même des alliances est retardée.

Les socialistes peuvent tout de même être portés au pouvoir par le rejet de la majorité présidentielle. Il est vrai que de ce côté-ci, on peut se préoccuper de la déliquescence de l'UMP, qui n'est vraiment une surprise que par son ampleur. En 2002, alors qu'il s'agissait de rassembler "la droite et le centre", on avait vu Alain Juppé refuser la constitution de tendances, ce qui laissait mal augurer de la suite.

Mais une chose pour le PS est d'être porté au pouvoir (ce qui est loin d'être fait), une autre d'avoir profité d'une longue cure d'opposition pour se refaire une santé idéologique. Je me demande d'autre part si un autre mal insidieux n'affaiblit pas le principal parti d'opposition. Il pourrait bien être victime de la décentralisation qu'il a initié en 1982 : entre être président de région, président de Conseil général, maire d'une grande ville et ministre sous la Vème République, le choix est vite fait pour beaucoup. Au lieu de permettre la constitution d'un réservoir de talents, la décentralisation jointe au cumul des mandats permettent à nombre d'élus d'avoir une stature nationale, voire internationale, sans participer vraiment à la guerre des longs couteaux qu'est toujours plus ou moins la politique nationale.

La crise des forces gouvernementales n'est donc pas terminée, comme on le croyait un peu naïvement en 2007. Elle ne pourra se poursuivre indéfiniment, mais comme on aurait envie de transférer de droite à gauche le goût des discussions internes et de droite à gauche la culture du leadership...

3 commentaires:

Théo a dit…

Commentaire avisé comme d'habitude.

Vous n'expliquez cependant pas la raison pour laquelle le PS ne suit pas la voie que vous tracez, à savoir l'affrontement pré-électoral entre les hommes et les programmes.

Les socialistes sentent bien que Sarkozy est en position de faiblesse et ils ne veulent surtout pas renouveler l'expérience de 2007, alors que Martine Aubry vient à peine de sortir le parti de sa déliquescence.
Le parti se renforce mais reste faible. Par conséquent ils redoutent plus que tout l'affrontement des égos et des programmes.
D'où le programme fourre-tout et l'idée de l'union avant tout. Il suffit alors de surfer sur la vague d'antisarkozysme et de se laisser porter. On verra plus tard pour le programme.

Toutefois je pense que le Parti Socialiste ne peut que pâtir de cette situation.
Hamon s'affiche avec Besancenot et Mélenchon et préconise à l'instar de Mitterrand (mais après la chute du Mur de Berlin) l'Union de la gauche.
DSK et Moscovici louchent clairement sur le centre.


Et de fait c'est bien là le problème.
A ce jour on peut penser que jamais le réservoir de voix au centre n'a été aussi large.
Sarkozy se droitise en flirtant avec les thèses du Front National et le Parti Socialiste préfère Mélenchon à Bayrou.
2012 se jouera au centre. Certains l'ont déjà compris, d'autres ont plus de mal.

Théo a dit…

Cela pose aussi une autre question, celle des partis de rassemblement.
Vous avez parfaitement raison quand vous dites : "comme on aurait envie de transférer de gauche à droite le goût des discussions internes et de droite à gauche la culture du leadership..."


L'UMP est en train d'imploser sous le leadership intransigeant et autiste de Nicolas Sarkozy.

Le PS discute sans jamais trouver un leader incontesté pour le mener au pouvoir.

N'y a-t-il pas là une crise plus profonde des partis politiques ? En rejetant par réaction l'instabilité que créait la proportionnelle sous la IVème, n'obtient-t-on pas une République d'électeurs frustrés de ne pas se sentir représentés ?

Bref, on a pas encore trouvé l'équilibre !

Guit'z a dit…

" L'UMP est en train d'imploser sous le leadership intransigeant et autiste de Nicolas Sarkozy. "

Mouais... C'est plutôt la théâtralisation rituelle de la "vie politique", qui ne fait plus recette sous l'empire du veau d'or et des banques en train de ratiboiser les Peuples... Droite/gauche est une alternative obsolète dans le maelström du mondialisme, et les sociétés s'en aperçoivent à mesure que rien ne change et que leur qualité de vie se dégrade (immigration devenue incontrôlable et de plus en plus hostile, concurrence insoutenable des pays émergents, autisme des élites pancapitalistes hermétiques au protectionnisme européen, déni de réalité de gauche, le tout malaxé par une TV ludique et une presse optimiste...).

M'est avis qu'on n'a pas fini de se marrer - et, pour les prolos comme pour les bureaucrates de mon acabit, de morfler méchamment.