mercredi 8 septembre 2010

Paysage de rentrée


Le paysage politique de cette rentrée est en apparence assez décourageant ; ni le débat sur la politique sécuritaire, ni celui sur la réforme des retraites n'atteignent des sommets conceptuels. Sur ces points, j'ai été frappé par décalage du parti socialiste: alors que le discours de Grenoble, et, plus encore, les déclarations de Brice Hortefeux supposant un lien mécanique entre immigration et délinquance pourraient susciter une mise au point républicaine assez ferme, et que l'on attendrait même ici (pour une fois), la gauche « morale » et son rappel aux principes, les socialistes paraissent surtout soucieux, comme s'il s'agissait de corriger les erreurs de 2002, de montrer leur crédibilité en matière de sécurité, ce qui les condamne à des contorsions peu lisibles, sur le thème « nous sommes crédibles car nous aurons bientôt un programme crédible ».

De la difficulté pour une opposition de découpler le discours réactif, critiquant le gouvernement quand il prête le flan, et le travail d'élaboration d'un programme...


Sur la question des retraites, nous continuons d'errer dans le royaume du non-dit. Que veut dire « sauver le régime par répartition » quand en 2025 il y aura un retraité pour un actif ? La capitalisation ou le recours à l'impôt ne sont pas des solutions miracles, mais pouvons-nous les écarter ? L'horizon logique paraît bien être celui d'un système financé à la fois par les cotisations, la capitalisation et l'impôt, avec retard de l'âge du départ à la retraite. Sans compter la dernière solution, celle à laquelle on viendra peut-être à force de vouloir « sauver » un système qui ne peut l'être : une baisse des pensions quand on ne pourra plus faire autrement. Mais le flou prudent des tenants d'une « autre réforme » ne donne nulle prise au débat.


Pourtant, le paysage politique français est mouvant. Un espace est libre, et beaucoup voudraient s'y engouffrer.


François Bayrou affirmait l'autre jour à la télévision « représenter » ceux qui ne se retrouvent pas dans la politique de Nicolas Sarkozy et ne veulent pas d'un retour au pouvoir des socialistes. Voeu pieux. La construction politique du Modem est un échec avéré; tout au plus ce mouvement aura-t-il servi à faire entrer en politique une nouvelle génération.


Dominique de Villepin a des aspirations similaires ; sa réinscription à l'UMP le place dans une position de « droite alternative ». Pour reprendre le commentaire de Vivian au précédent post, il est certain qu'il ambitionne de reprendre à son compte le projet de fédérer la droite et le centre. Mais avec quelle crédibilité ? A la tête d'un parti qui n'est pas un parti, encarté dans un parti gouvernemental monolithique soutenant une politique qu'il dit désapprouver ? Les centristes ne sont pas des aventuriers, le suivront-ils ? Et quand ? Qui croit encore que Nicolas Sarkozy ne sera pas réinvesti par l'UMP en 2012 ? Il faudra bien jeter le masque... difficile finalement de bouleverser la donne hors de circonstances exceptionnelles.


Une autre concurrence, de plus de poids, émerge avec Europe Ecologie. L'introuvable centre gauche est peut-être bien en voie d'apparition. Cela n'est encore qu'une virtualité, mais sérieuse.


Les atouts : le couplage d'un discours environnemental avec l'acceptation de l'économie de marché, d'un libéralisme régulé, la perspective donc d'une écologie à forte crédibilité politique, dans la lignée des tentatives initiales de Brice Lalonde et de Corinne Lepage, mais avec une base militante plus large. La perspective d'offrir au parti socialiste une alliance de rechange, à la fois mordant sur le centre et incarnant une forme d'idéalisme.


Les handicaps : les rapports avec les Verts, la perspective d'une union qui enliserait le mouvement de Daniel Cohn-Bendit dans la mouvance écolo-protestataire et ferait fuir centristes et modérés de gauche; le fait qu'Eva Joly se lance beaucoup trop tôt dans une aventure présidentielle pour laquelle il faut bien plus qu'une respectabilité, alors même que Daniel Cohn-Bendit voulait négocier des sièges de députés avec le PS plutôt que d'avoir un candidat écologiste en 2012; le risque aussi de voir fuir les électeurs vers des modérés du PS, comme un Hollande ou, bien sûr, un Strauss-Kahn.


Bref, la course au centre continue; le Nouveau Centre n'y participe qu'imparfaitement, faute d'un véritable leader. Mais cette course n'existe que parce que l'UMP est un no man's land idéologique et le parti socialiste le royaume de la langue de bois à force de ne pas vouloir organiser la concurrence non seulement des personnes, mais des programmes. Rien ne dit que cet espace soit idéologiquement structuré, dans la mesure où les valeurs modérées (pluralisme, respect des institutions, débat courtois, valorisation de l'indépendance individuelle et de l'initiative) ne sont que tangentées par tous ceux qui aspirent à l'occuper.

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