mercredi 6 août 2014

L'opinion et les réseaux sociaux : passion et raison

Les événements tragiques de la Bande de Gaza n’ont pas seulement eu de répercussions dans les rues de nos villes. Ils sont également enflammé les réseaux sociaux. Tous ceux dont le siège était fait d’avance ont d’abord donné le ton : ceux-là estiment que l’événement confirme leur analyse. Ils sont les premiers à rejoindre ceux qui expriment avant tout leur émotion ou leur indignation. Le discours de ceux qui avaient des analyses plus fines, intégrant les calculs stratégiques du Hamas et du gouvernement israélien, connectant cette énième phase du conflit israélo-palestinien à la déstabilisation globale du Moyen-Orient, était présent et parfois relayé, mais comme noyé dans le flot des imprécations ou des réactions passionnelles, allant de l’indignation sincère (et respectable) au relais d’images et de slogans de pure propagande, de part et d’autre.
Puis l’excès a amené une réaction, et les messages de ceux qui, quelles que soient leurs sympathies, refusaient de partir d’une grille manichéenne pour aborder les événements, se sont multipliés. Et en se promenant sur Twitter ou Facebook, et au hasard des liens, on pouvait glaner bien des informations utiles sur les enjeux du conflit et les camps en présence. Les trois rôles politiques des réseaux sociaux (exutoire-pugilat symbolique, lieu de mobilisation, espace de débat raisonné et d’échange d’informations) paraissaient plus équilibrés.
Suivant tout cela, je me disais que chacun d’entre nous peut désormais observer l’opinion, regarder comment elle fonctionne, quels sont ses rythmes. Je ne suis pas sûr qu’internet change la politique, du moins pas dans le sens qu’espéraient les milieux alternatifs des années 1970 qui y voyaient la source possible de l’introuvable démocratie directe, mais, outre que la « toile » (expression déjà bien vieillie) est un merveilleux outil d’information et de sociabilité pour ceux qui veulent l’utiliser dans ce sens, elle nous offre un point de vue unique, d’une ampleur inédite, sur le pouvoir spirituel multiforme qui, depuis le XVIIIe siècle, a progressivement surclassé tous les autres.
Le spectacle est troublant pour des intellectuels et plus encore pour des éducateurs, qui rêvent volontiers (et c’est tout à leur honneur) d’une démocratie rationnelle et respectueuse des convictions des uns ou des autres. Il est déstabilisant pour tous ceux qui tiennent à la grande ambition des Lumières. Mais je ne crois pas que ce spectacle soit celui d’une décadence : l’opinion a toujours été ainsi, la raison s’y est toujours heurtée aux passions et aux intérêts, et ses succès ont toujours été partiels et tardifs, de la cité athénienne à la Cinquième république. Les décideurs politiques, humains et donc exposés à l’erreur plus ou moins désintéressée, surfent sur une mer déchaînée.
La modernité, ou « l’hyper-modernité », comme on voudra, n’est pas un dérèglement général du monde : c’est un dévoilement, une mise à nu, comme Marx au passage et Weber plus profondément l’avaient compris. L’Histoire reste plus que jamais à comprendre, au long cours comme au présent, mais nous ne pouvons plus nous raconter d’histoires.

1 commentaire:

call center île Maurice a dit…

Aujourd'hui, les réseaux sociaux ne sont plus seulement que des plateformes de publications de photos de vacances, et des autres évènements de la vie personnelle, même le plan politique a fait son insertion. Aujourd'hui, ils sont devenus de véritables plateformes pouvant créer le débat autour d'une opinion et fait international.