mardi 20 novembre 2012

Le malheur des uns...


L’UMP paie par la crise qu’elle vient de traverser (et qui n’est pas terminée) ses faiblesses originelles. Créée en 2002 pour rassembler la droite et le centre, elle n’y a pas réussi, du fait de la résistance de François Bayrou pour une part, mais aussi parce qu’on n’y a pas organisé les tendances initialement prévues. Alain Juppé apparaît aujourd’hui comme un pacificateur, mais, premier dirigeant du nouveau parti, il porte, ainsi que Jacques Chirac, une lourde responsabilité. 

On a ironisé sur les propos du président de la fameuse COCOE, selon lequel les statuts de l’UMP n’étaient pas prévus pour qu’il y ait plusieurs candidats : c’est parfaitement exact. Le système des parrainages, très lourd, a empêché qu’une compétition ouverte fasse ressortir les enjeux idéologiques et stratégiques qui seuls auraient pu donner à la compétition pour la présidence du parti un intérêt réel. La réduction à deux candidats a fonctionné comme un étouffoir du débat : qui ne sait que la campagne du second tour des élections présidentielles, par exemple, est généralement beaucoup moins intéressante, par son contenu, que la campagne du premier tour ? Deux tours auraient bien évidemment mieux convenu.

Il ne faut cependant pas mésestimer la performance de Jean-François Copé, souvent donné battu avant l’élection, quand bien même sa victoire est plus que courte, et peut-être même contestable. Elle est le fruit d’une mobilisation importante (on parle de 170 000 votants, ce qui est considérable). Cette victoire du partisan d’une « droite décomplexée » confirme une tendance lourde de la vie politique : les militants sont généralement plus radicaux que les sympathisants, plus consommateurs de slogans, plus friands de la désignation d’adversaires caricaturés (la « gauche bien-pensante » dont on nous rebat les oreilles). 


La confusion des enjeux (prendre simplement la direction du parti ou se placer pour la présidentielle de 2017 alors que des primaires seront organisées) brouille la portée du résultat. Il n’est pas sûr que François Fillon soit vraiment marginalisé, peut-être même est-il préservé pour la future compétition, avec cependant une difficulté pour lui : comment maintenir une présence médiatique d’ici là ? On ne peut pas dire, cependant, que son discours ait été limpide durant cette campagne, et que des perspectives claires pour la droite française aient été tracées. Ce travail, pour lui et son équipe, reste à faire.

Je ne crois toujours pas à l’éclatement de l’UMP, que le Front national appelle fort logiquement de ses vœux. Un parti tient, surtout en France, par ses élus. Ceux-ci attendent de bons résultats aux futures élections locales, en faisant fonds sur l’impopularité actuelle du président de la République et du premier ministre. Il n’est donc pas évident que le Front national tire bénéfice de la victoire de Jean-François Copé.

L’UDI de Jean-Louis Borloo est potentiellement la grande bénéficiaire du triste spectacle donné ces derniers jours. Aucun des deux candidats n’a clairement critiqué, pour des raisons que nous avons dites plus tôt sur ce blog, la droitisation de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, et celle-ci semble en quelque sorte validée par le résultat des courses. La moitié de la base militante la soutient clairement, et il n’est pas sûr que l’autre la rejette clairement. Il est difficile pour un centriste de se reconnaître dans les horizons de la « droite décomplexée ».

En effet, les centristes, quand bien même ils se situent au centre droit (mais où exister ailleurs ? Il faudra bien tirer les leçons de l’expérience Bayrou) ne se reconnaissent pas dans les discours de guerre civile, et surtout pas dans l’invocation d’un « peuple de droite » alors même que les socialistes ne brandissent plus l’étendard du « peuple de gauche ». Le ressort de la peur n’est pas celui qu’ils affectionnent en politique, leur rêve est, jusqu’à la naïveté parfois, l’édification d’une politique rationnelle et raisonnable. Leur souci actuel est sans doute bien davantage de combattre la montée, perceptible partout actuellement, non seulement dans le monde politique, mais aussi dans la presse et jusqu’à l’Université, des discours réactionnaires et sloganiques de gauche et de droite, qui mènent d’autant plus sûrement à l’impuissance qu’ils sont globalisateurs et défoulants.

Aussi l’UDI devra-t-elle veiller, pour grandir et rallier une part de la droite républicaine sans perdre la possibilité de s’adresser à une fraction de la gauche modérée, à avoir un discours mesuré, y compris sur l’action de l’actuel gouvernement. À clairement dire ce qu’elle refuse et ce qu’elle accepte : la place d’une opposition responsable me paraît encore à prendre.

2 commentaires:

fachosphère a dit…

Je plains les électeurs qui se sont faits avoir par Copé. Il a un seul objectif : être candidat à la présidentielle. Son discours soit-disant populiste est purement opportuniste. Il est capable de raconter n'importe quoi, de défendre une cause et son contraire, dans le but d'engranger des voix.

Jérôme Grondeux a dit…

Je vous renvoie à ce propos à mon article paru dans La Croix le 30 novembre sur la typologie de René Rémond. Mais JFC est-il plus opportuniste que les autres ? C'est une stratégie, voilà tout. Tous les leaders politiques en ont une.