lundi 6 février 2012

Un discours sur la France ?


Aujourd'hui, je ne voudrais pas partir de la campagne telle qu'elle devrait être. Mais la saisir telle qu'elle est, parce qu'elle indique les spécificités du moment.

Les deux principaux candidats, tout d'abord, restent les principaux candidats. Rien n'indique un décrochage dans les intentions de vote du premier tout ni de François Hollande, ni de Nicolas Sarkozy. Le fait est notable : on pourrait attendre, dans une crise comme celle que nous vivons, et devant la modestie programmatique des deux leaders, une montée des votes contestataires. Ceux-ci, pour l'instant, restent stables (dans le cas de Marine Le Pen, avec une légère baisse tout de même) voire faibles (Melenchon à 8%, on pouvait attendre plus au vu de la surface médiatique du personnage).

Faut-il placer François Bayrou dans les votes contestataires ? Au vu de son discours, qui depuis longtemps s'est éloigné des fondamentaux du centre, oui. Mais on ne peut nier que, tout comme il avait en 2007 capitalisé le vote des socialistes qui ne se reconnaissaient pas dans la candidature de Ségolène Royal, il bénéficie aujourd'hui des intentions de vote d'électeurs de droite modérée qui ne se reconnaissent pas dans ce que représente Nicolas Sarkozy.

Les "petits candidats" restent quant à eux de très petits candidats. Manifestement, ils ne sont pas pris au sérieux.

Si cela se confirmait, cela indiquerait une résignation, et à mes yeux une certaine maturité, de l'électorat français. L'idée qu'il n'y a pas de solution miracle face à la crise, celle que de toute manière, il faudra faire des efforts pour régler la crise de la dette, sont très répandues ; il suffit de discuter ici ou là, dans les cafés, dans les transports en commun, d'avoir l'oreille qui traîne partout où les gens échangent pour le sentir.

Il faut aussi reconnaître le mérite des deux principaux candidats : François Hollande a choisi un axe de campagne qui est le moins démagogique possible. Il sait que les Français sont prêts à accepter beaucoup de choses, dès l'instant qu'on ne leur demande pas de les approuver. Il a géré au mieux son handicap majeur, lié à l'organisation tardive des primaires et à la nécessité d'élaborer son propre programme, trouvé son ton dans cette campagne et montré qu'il était prêt, sur le plan personnel.

Nicolas Sarkozy, quant à lui, a refusé de laisser filer les finances pour faire campagne. Il ne peut plus le faire, dira-t-on - je répondrai que cela n'a pas gêné ses prédécesseurs. Il tente de répondre aux propositions de François Hollande en lui coupant l'herbe sous le pied, ou en se démarquant (comme dans l'affaire de la TVA sociale). Du coup, un certain débat existe.

On est bien loin de 2002, où les deux favoris, Lionel Jospin et Jacques Chirac, étaient en service minimum, et où toute l'attention du public était tournée, pour tromper sa faim, vers les petits candidats. Les deux hommes mènent une campagne très personnelle, et sur des enjeux précis.

François Hollande est bien sûr aidé. Le peu d'ampleur de son programme, l'absence de perspective d'ensemble apparaît peu, face au champ de ruines idéologique qu'est devenu l'UMP. Quand un parti de gouvernement en est réduit soit à reprendre des propositions de son adversaire en les modifiant un peu, soit à envoyer des signaux d'une lourdeur accablante en direction d'électeurs du Front national qui ont déjà une candidate de bon niveau, quand il semble écartelé entre le centre gauche et l'extrême droite, comment pourrait-il esquisser des perspectives d'ensemble ?

Aussi le débat tourne-t-il autour d'un catalogue de mesures. On y est un peu habitué depuis les 110 propositions de 1981. Tout en sachant que les plus douloureuses ne seront pas soumises aux électeurs, et seront élaborées pour l'essentiel après les élections.

Une chose en tout cas est certaine : si elle est battue, la droite républicaine devra se reconstruire après 2012. Au pouvoir depuis dix ans, elle ne paraît plus avoir grand chose à vendre.

Une autre chose apparaît, au vu de la relative proximité des programmes de François Hollande et de Nicolas Sarkozy : une situation où la contrainte apparaît clairement à la majorité des Français devrait mener à la constitution d'un gouvernement d'union nationale, au moins pour quelques années. Mais nos institutions rendent cela impossible. François Bayrou avait proposé cela à Jacques Chirac en 2002, et à ce moment-là, c'était possible, à cause de cet étrange second tour qui ouvrait une faille dans la bipolarisation obligée. Rien n'indique, pour l'instant, que l'on aille vers ce type de scénario.

Le futur gouvernement aura un mandat explicite, appliquer les mesures proposées aux Français, et un mandat implicite : prendre toutes les mesures que la situation exige. Pour trouver une légitimité durable, il devra se montrer apte à faire ce que François Hollande avait esquissé dans son discours du Bourget : élaborer un vrai discours sur la France. Sur la France dans la mondialisation, sur la France en Europe. Sur ses atouts et ses faiblesses. Quand les Français s'interrogent, c'est sur leur pays qu'ils s'interrogent.

2 commentaires:

Mallory a dit…

Peut-on alors espérer une élection relativement détachée du vote " à la tête du client" très en vogue en 2007

Jérôme Grondeux a dit…

Je ne crois pas que l'on puisse éviter l'aspect psychologique/personnel dans ce type d'élection. En 2007 beaucoup de thèmes avaient été débattus, et le discours sur la France très fort. Ce qui est vraiment nouveau aujourd'hui, c'est plutôt l'impossibilité de faire des promesses crédibles et immédiatement attractives.