mardi 14 février 2012

Droite année zéro ?

Nul ne peut prédire avec certitude le résultat de la prochaine consultation, mais il est certain que la défaite de Nicolas Sarkozy laisserait la droite républicaine française dans un état idéologique d’une déliquescence absolue.

Je ne suis pas convaincu par ceux qui prédisent l’éclatement de l’UMP en ce cas. L’échec du Nouveau Centre, et l’échec précédent de la conclusion d’un vrai parti politique autour de François Bayrou renvoient sans doute aux calendes grecques une recomposition de la droite classique sur le modèle du binôme RPR-UDF des années 1970, 1980 et 1990. Et quand un parti rassemble un potentiel de 20 à 30% d’électeurs, qu’il est en outre assuré d’avance, en cas de victoire de la gauche aux échéances nationales de cette année, d’un bon score aux prochaines élections locales ( toujours difficiles pour le pouvoir en place), nul, parmi les élus, n’a vraiment intérêt à son éclatement. Les élus restent, et c’est ce qui fait le cœur de nos partis diaphanes. Combien de fois a-t-on, dans le passé, prédit l’éclatement du PS ?

Sur le plan du leadership, l’explication serait rude entre François Fillon et Jean-François Copé, avec Xavier Bertrand en troisième homme. Mais après tout, une querelle de leadership, c’est aussi l’occasion de faire le point sur de grandes orientations.

Marine Le Pen rêve bien sûr de construire un grand parti populiste, passant la barre symbolique des 20%, absorbant la mouvance souverainiste, et dont la puissance contraindrait la droite classique à une alliance indispensable. Je pense que cette stratégie est intelligente, mais que son succès est très aléatoire. L’alliance avec l’extrême droite a coûté cher à tous ceux qui l’ont pratiquée dans le passé. Un bon ancien ministre de la défense, Charles Million, auquel paraissait promis l’héritage lyonnais de Raymond Barre, a ainsi disparu. Et l’abandon du centre au Parti socialiste est sans doute peu tentant pour la droite républicaine.

L’UMP peut survivre à la défaite et à un affrontement pour le leadership. Je ne la crois pas menacée d’éclatement par l’enracinement du Front national. La crise idéologique est beaucoup plus préoccupante.

Il y a, comme on sait, trois familles parmi les républicains de droite et du centre : les démocrates-chrétiens, les libéraux et les gaullistes. Leur seul dénominateur commun, ou plus exactement l’axe qui leur permet de travailler ensemble, ce que Georges Pompidou avait admirablement saisi en son temps, c’est le libéralisme d’Etat, ce libéralisme républicain français qui se modèle par un Etat orienteur, quand il le peut – et le peut-il encore ?-, soucieux de la cohésion nationale, et garant de la solidarité sociale. Avec un discours à la fois d’adaptation à la nouvelle donne mondiale et de prise en compte de la spécificité française, et un souci de la grandeur du pays.

C’est ici que le gaullisme synthétique convergeait avec l’héritage des républicains à la Gambetta et à la Ferry. C’était le point de soudure de cette tradition et de l’héritage républicain, qui pouvait servir de souche à un pragmatisme résolu, qui savait se démarquer de la tournure très idéologique que prenait souvent la gauche française.

L’opportunisme chiraquien et le souci de la communication de Nicolas Sarkozy, qui les ont conduit à radicaliser successivement plusieurs messages différents, ont fait voler en éclat cette sensibilité, qu’il aurait fallu approfondir au moment où le Parti socialiste s’orientait franchement vers la modération. C’est dommage, car l’optique libéralo-républicaine (ou républicano-libérale, pour ne pas choquer les âmes sensibles), offrait une perspective de maîtrise de la modernisation française. Dorénavant, la modernisation est présentée soit comme un impératif absolu, tellement absolu qu’on ne peut même en concevoir plusieurs versions, soit comme la lointaine et souffreteuse perspective d’une France vieillissante qu’il faut avant tout ménager.

Idéologique sur les questions de sécurité et d’immigration, livrée à un empirisme brouillon où surnagent quelques exigences sur les questions financières et économiques, sur la défensive sur les questions sociales, la droite républicaine, pour l’instant, n’a pour elle que d’avoir osé amorcer des réformes trop longtemps retardées. C’est un sens de la durée française, de la temporalité française, qu’il lui faudra retrouver.

5 commentaires:

GillesF a dit…

j'ai l'impression que cet article vaut pour chaque présidentielle à droite ? si les personnalités diffèrent, les confrontations se ressemblent, et témoignent moins d'un duel d'égos que de sensibilités... et dans un parti (l'UMP) qui refuse justement le concept d'identités et de sensibilités (de courants en somme), chaque élection revient à une refondation sur fond de guerre intestine...

Jérôme Grondeux a dit…

Oui, c'est tout le problème de l'UMP et du refus de 2002 d'en faire un parti à tendances. L'encodage gaulliste a ici prédominé. C'est une très belle formule, "chaque élection revient à une refondation". Cela atteint le rapport à la durée, et cela est dommage car c'est la défense inlassable d'idées et de constats clairs qui contribue à rendre les réformes lisibles et praticables.

Alexandre a dit…

L'éclatement de l'UMP en cas de défaite aux présidentielles n'est pas obligatoire bien sur, mais il est fortement probable. Car l'UMP n'est pas un parti, c'est un super-parti constitué par la fusion de plusieurs partis ou mouvances de la droite républicaine, son nom lui même indique d'ailleurs cette caractéristique, le U signifiant "Union".
De plus, l'UMP a été créé dans un seul but, faire gagner un homme à l'élection présidentielle. Ca a fonctionné avec Chirac en 2002, avec Sarkozy en 2007, le jour où cette série s'arrêtera (peut être dans 2 mois) la raison d'exister principale de l'UMP ne sera plus.
C'est d'ailleurs pour cela selon moi que l'UMP ne représente aucune idéologie, aucune doctrine politique précise. La politique de l'UMP est celle de celui qui en prend le contrôle et qui met ce formidable appareil au service de son destin personnel. Copé ne fait que reproduire ce schéma en préparant 2017 de cette manière.
Donc en cas de défaite en Mai 2012 l'éclatement de l'UMP est plus que probable, surtout au vu de la volonté d'indépendance explicite de plusieurs des composantes de cette union qui ne s'y reconnaissent plus, mais qui y restent pour maintenir une majorité présidenteille qui n'existera peut être plus après Mai.

Alexandre a dit…

L'éclatement de l'UMP en cas de défaite aux présidentielles n'est pas obligatoire bien sur, mais il est fortement probable. Car l'UMP n'est pas un parti, c'est un super-parti constitué par la fusion de plusieurs partis ou mouvances de la droite républicaine, son nom lui même indique d'ailleurs cette caractéristique, le U signifiant "Union".
De plus, l'UMP a été créé dans un seul but, faire gagner un homme à l'élection présidentielle. Ca a fonctionné avec Chirac en 2002, avec Sarkozy en 2007, le jour où cette série s'arrêtera (peut être dans 2 mois) la raison d'exister principale de l'UMP ne sera plus.
C'est d'ailleurs pour cela selon moi que l'UMP ne représente aucune idéologie, aucune doctrine politique précise. La politique de l'UMP est celle de celui qui en prend le contrôle et qui met ce formidable appareil au service de son destin personnel. Copé ne fait que reproduire ce schéma en préparant 2017 de cette manière.
Donc en cas de défaite en Mai 2012 l'éclatement de l'UMP est plus que probable, surtout au vu de la volonté d'indépendance explicite de plusieurs des composantes de cette union qui ne s'y reconnaissent plus, mais qui y restent pour maintenir une majorité présidenteille qui n'existera peut être plus après Mai.

Jérôme Grondeux a dit…

Ce qui fait l'éclatement d'un parti ce n'est ni les militants ni l'idéologie. C'est le départ des élus. Les élus ne partent que s'ils peuvent trouver une majorité de rechange pour se faire élire, et une investiture de rechange crédible. Les partis français sont des partis d'élus, bien sûr ils servent aussi d'écurie présidentielle mais la présidentielle est loin d'être la seule élection !