Un long échange sur facebook, à propos du précedent post. Je m'en étais pris au slogan du Parti socialiste en 1981, "changer la vie", en m'étonnant du nombre de nos concitoyens qui croyaient encore (ou voulaient croire, car il y a des convictions chancelantes) que telle pouvait être la mission de la politique. Un de mes correspondants avait une lecture plus modérée que la mienne du slogan, et le rattachait au projet d'améliorer la vie des gens. Un autre pensait que le véritable objet était de changer non pas la vie mais l'homme. Tandis qu'une correspondante penchait plutôt pour "changer la société", une autre disait qu'au fond, le problème était que la politique n'améliorait les choses qu'à la marge en se bornant à gérer, et que cela était difficile à vendre à l'opinion. Et puis, était posée la question de ce rythme démocratique qui alterne espérances et désenchantements.
Qu'un échange comme celui-là ait lieu sur le statut même du politique, en gros sur sa marge de manœuvre, révèle peut-être, à notre petit niveau, et dans sa richesse même, une des racines de la morosité française. Je pense que nous avons, dans ce pays, beaucoup réfléchi sur le fascisme, sur le nazisme et sur leur nocivité, ce qui est une chose excellente dans la mesure où cela aboutit à un "plafonnement" obligé du racisme, et à des réactions assez saines quand tel ou tel groupe se trouve stigmatisé - quand bien même racisme et antisémitisme sont toujours aptes à trouver de nouveaux visages.
Inversement, je pense que nous n'avons pas mené une réflexion de même ampleur sur le bilan du communisme. Bien sûr, elle a existé, sous la forme très intellectualisée du Passé d'une illusion de François Furet (sous-titré Essai sur l'idée communiste au XXe siècle et paru en 1995), dans le débat très vif autour du Livre noir du communisme. Elle a surtout touché, à mon sens, la génération qui avait un temps communié à l'idée révolutionnaire quand celle-ci avait encore une once d'effectivité historique, et qui faute d'une URSS encore vendable, s'était prise de passion pour la Chine, l'Albanie, le Cambodge, le Vietnam, ou, en version plus soft, la Yougoslavie. Mais tout cela a vite semblé appartenir au passé : la France n'a jamais connu de pouvoir communiste, si des communistes ont parfois participé au gouvernement, elle a regardé à la télévision la chute du mur de Berlin, et n'a jamais eu, à la différence des Etats-Unis, le sentiment d'avoir gagné la guerre froide.
Bref, faute de se sentir concernée directement, la France n'a pas vu se développer une réflexion que pourtant l'expérience communiste aurait dû favoriser : une réflexion sur les limites (pour ne pas dire plus) du volontarisme politique. Sur ce que cela coûte de ne pas laisser respirer la société civile. Sur la somme de violence qu'il faut entasser quand on entreprend de transformer de fond en comble le mode de fonctionnement d'une société. Sur l'incapacité d'un développement planifié de l'économie à l'heure des sociétés de l'information. Sur les dangers de l'enchantement politique. Sur la manière dont la concentration du pouvoir et la myopie idéologique permettent de vider de leur contenu des idéaux démocratiques dont on conserve l'enveloppe. Il est tout de même extraordinaire que le bilan d'une aventure qui a coûté la vie à plusieurs dizaines de millions de personnes (Chine incluse) soit d'amères complaintes sur les illusions perdues et les bonnes intentions qui auraient été mal mises en œuvre.
La confusion entre la sensibilité démocratique et le pouvoir transformateur de l'Etat était aussi en France ancrée plus profondément que cela. Alors même que sous la coupe d'Alain Madelin, le libéralisme, à droite, prenait la forme d'un marxisme retourné et caricatural, la marginalisation des libéraux (même sociaux) par les gaullistes , l'étouffement de la "deuxième gauche" plus sociétale qu'étatiste dans les années 1970 et 1980 n'ont pas fait beaucoup de ronds dans l'eau. Je pense aussi que paradoxalement, l'effondrement du marxisme, dans ce contexte, a réenchanté une partie de la gauche : plus besoin d'analyser la société, de regarder l'évolution des classes sociales, de scruter le capitalisme ou au moins de faire semblant : les bonnes intentions et le refus du monde tel qu'il est suffisent.
C'est que pour beaucoup, la politique habite un "autre monde", qu'elle est quelque chose qui doit venir d'ailleurs et nous soulever. Je sais bien que la lucidité politique est parfois amère, qu'elle nous expose souvent à dire des choses désagréables à entendre, mais je me demande ce que nous avons fait de l'héritage des lumières : "Ose te servir de ton entendement", dit Kant en 1784 quand il répond à la question "Qu'est-ce que les Lumières?". Non pas : "fais-toi enchanter".
Personnellement, j'avoue ne pas souhaiter que la politique "change ma vie" ni ne "change l'homme" en moi, et je ne lui fais pas confiance pour cela. J'ai parfois l'impression qu'en ce moment, sur tout l'échiquier politique, la peur est tellement dominante que les rêves de s'abandonner aux promesses des uns et des autres semblent un alcool désirable. Ne devrions-nous pas par dessus-tout désirer la lucidité, la responsabilité, et la souplesse pour pouvoir agir ? Cela ne peut-il se décliner en mesures concrètes ?
Peut-on faire semblant de croire à l'enchantement politique quand on sait que ce n'est qu'un enchantement ? Et quel est l'intérêt ? Voulons-nous de cette enfance perpétuelle ?
Au final : est-ce que la politique n'est pas avant tout là, au lieu de réorganiser les choses plus mal qu'elles ne le sont déjà, pour proposer des réponses ciblées (et concurrentes dans un cadre pluraliste) à des défis qui existent, dont les sociétés ont elles-mêmes, largement, conscience ?
Qu'un échange comme celui-là ait lieu sur le statut même du politique, en gros sur sa marge de manœuvre, révèle peut-être, à notre petit niveau, et dans sa richesse même, une des racines de la morosité française. Je pense que nous avons, dans ce pays, beaucoup réfléchi sur le fascisme, sur le nazisme et sur leur nocivité, ce qui est une chose excellente dans la mesure où cela aboutit à un "plafonnement" obligé du racisme, et à des réactions assez saines quand tel ou tel groupe se trouve stigmatisé - quand bien même racisme et antisémitisme sont toujours aptes à trouver de nouveaux visages.
Inversement, je pense que nous n'avons pas mené une réflexion de même ampleur sur le bilan du communisme. Bien sûr, elle a existé, sous la forme très intellectualisée du Passé d'une illusion de François Furet (sous-titré Essai sur l'idée communiste au XXe siècle et paru en 1995), dans le débat très vif autour du Livre noir du communisme. Elle a surtout touché, à mon sens, la génération qui avait un temps communié à l'idée révolutionnaire quand celle-ci avait encore une once d'effectivité historique, et qui faute d'une URSS encore vendable, s'était prise de passion pour la Chine, l'Albanie, le Cambodge, le Vietnam, ou, en version plus soft, la Yougoslavie. Mais tout cela a vite semblé appartenir au passé : la France n'a jamais connu de pouvoir communiste, si des communistes ont parfois participé au gouvernement, elle a regardé à la télévision la chute du mur de Berlin, et n'a jamais eu, à la différence des Etats-Unis, le sentiment d'avoir gagné la guerre froide.
Bref, faute de se sentir concernée directement, la France n'a pas vu se développer une réflexion que pourtant l'expérience communiste aurait dû favoriser : une réflexion sur les limites (pour ne pas dire plus) du volontarisme politique. Sur ce que cela coûte de ne pas laisser respirer la société civile. Sur la somme de violence qu'il faut entasser quand on entreprend de transformer de fond en comble le mode de fonctionnement d'une société. Sur l'incapacité d'un développement planifié de l'économie à l'heure des sociétés de l'information. Sur les dangers de l'enchantement politique. Sur la manière dont la concentration du pouvoir et la myopie idéologique permettent de vider de leur contenu des idéaux démocratiques dont on conserve l'enveloppe. Il est tout de même extraordinaire que le bilan d'une aventure qui a coûté la vie à plusieurs dizaines de millions de personnes (Chine incluse) soit d'amères complaintes sur les illusions perdues et les bonnes intentions qui auraient été mal mises en œuvre.
La confusion entre la sensibilité démocratique et le pouvoir transformateur de l'Etat était aussi en France ancrée plus profondément que cela. Alors même que sous la coupe d'Alain Madelin, le libéralisme, à droite, prenait la forme d'un marxisme retourné et caricatural, la marginalisation des libéraux (même sociaux) par les gaullistes , l'étouffement de la "deuxième gauche" plus sociétale qu'étatiste dans les années 1970 et 1980 n'ont pas fait beaucoup de ronds dans l'eau. Je pense aussi que paradoxalement, l'effondrement du marxisme, dans ce contexte, a réenchanté une partie de la gauche : plus besoin d'analyser la société, de regarder l'évolution des classes sociales, de scruter le capitalisme ou au moins de faire semblant : les bonnes intentions et le refus du monde tel qu'il est suffisent.
C'est que pour beaucoup, la politique habite un "autre monde", qu'elle est quelque chose qui doit venir d'ailleurs et nous soulever. Je sais bien que la lucidité politique est parfois amère, qu'elle nous expose souvent à dire des choses désagréables à entendre, mais je me demande ce que nous avons fait de l'héritage des lumières : "Ose te servir de ton entendement", dit Kant en 1784 quand il répond à la question "Qu'est-ce que les Lumières?". Non pas : "fais-toi enchanter".
Personnellement, j'avoue ne pas souhaiter que la politique "change ma vie" ni ne "change l'homme" en moi, et je ne lui fais pas confiance pour cela. J'ai parfois l'impression qu'en ce moment, sur tout l'échiquier politique, la peur est tellement dominante que les rêves de s'abandonner aux promesses des uns et des autres semblent un alcool désirable. Ne devrions-nous pas par dessus-tout désirer la lucidité, la responsabilité, et la souplesse pour pouvoir agir ? Cela ne peut-il se décliner en mesures concrètes ?
Peut-on faire semblant de croire à l'enchantement politique quand on sait que ce n'est qu'un enchantement ? Et quel est l'intérêt ? Voulons-nous de cette enfance perpétuelle ?
Au final : est-ce que la politique n'est pas avant tout là, au lieu de réorganiser les choses plus mal qu'elles ne le sont déjà, pour proposer des réponses ciblées (et concurrentes dans un cadre pluraliste) à des défis qui existent, dont les sociétés ont elles-mêmes, largement, conscience ?
6 commentaires:
Beaucoup de choses dans ce post, c'est bien stimulant ! Ce que ça m’évoque, en vrac (et en deux fois):
Il me semble que le politique _ que ce soit dans son sens d'administration de la cité ou dans celui de la pratique du pouvoir dans cette même cité _ a comme première fonction de pérenniser la cité et de garantir le plus possible sa stabilité. Un peu contradictoire avec le changement. Pour Thucydide et ses contemporains, la pire catastrophe qui puisse arriver à la cité est la guerre civile, en fait "stasis" qui évoque la déchirure, la rupture. Pourtant, il me semble également que le fait démocratique est porteur d’une véritable ambivalence, puisqu’il organise tant bien que mal les conflits et luttes de pouvoir entre les hommes et les partis, prenant justement le risque quasi en permanence de la « stasis » .
Quand tous peuvent prétendre au pouvoir du simple fait qu’ils sont citoyens, quand aucune élection divine, aucun triomphe militaire, aucun lignage ne peut officiellement remplacer le choix des citoyens, qu’est-ce qui peut bien légitimer un candidat par rapport un autre ? Qu’est-ce qui fait qu’on élit un candidat plutôt qu’on ne le tire au sort ? Un candidat, pour se distinguer de son adversaire, a forcément quelque chose de différent à proposer : un changement par rapport à la personne/au parti au pouvoir… et un changement en mieux, toujours. Mais il me semble paradoxalement qu’une fois le changement acquis, pour ceux qui ont en charge l’administration de la cité et se sont emparé du pouvoir, la grande affaire est la conservation de ce pouvoir, l’installation dans la durée, et surtout continuer de garantir la stabilité de la cité : au plus, réformer mais surtout pas révolutionner. En bref, le « changement » ne peut avoir lieu qu’à la marge, ou sur une longue durée, ce qui doit lui permettre de se faire en douceur, sans prendre le risque de la « stasis ».
suite :
En France nous héritons d’une autre tradition séculaire, le pouvoir monarchique héréditaire, dont le discours principal n’est justement pas de se distinguer des prédécesseurs par le changement, mais au contraire la continuation de leur œuvre _ quand bien même il y aurait changement dans les faits. Le roi n’a pas besoin, en théorie, de démontrer qu’il est plus légitime qu’un autre, puisqu’il tire sa légitimité de son lignage par sa naissance, et de dieu par le sacre. Il n’est pas question de « changer la vie » des sujets, le but ultime est la sauvegarde du royaume et si possible son extension et/ou son enrichissement. Le véritable changement est réservé à l’avènement de la Cité de dieu, à la « fin des temps », changement définitif qui promet une béatitude éternelle à tous ceux qui seront dignes d‘en faire partie. Ceux qui prétendent hâter la fin des temps et l’avènement sur terre de la Cité céleste ne sont rien moins que de dangereux séditieux pour le pouvoir en place, mais à mon sens, ils revendiquent eux aussi une légitimité divine puisque fidèles aux dessins de dieu. Le paradis est porteur de puissantes promesses d’une vie meilleure, et le siècle des lumières nous a appris que le bonheur terrestre était possible, désirable… et rationnel. Qu’en outre, le souverain avait pour mission d’assurer le bonheur de ses sujets, que la sauvegarde du royaume passait par là, pas seulement par les guerres et les conquêtes finalement ruineuses.
Les hommes de la Révolution française héritent de fait du régime monarchique tout en allant puiser leur inspiration politique dans la cité antique (grecque et romaine), telle qu’ils la conçoivent et la connaissent : mélange détonnant mais aussi passionnant, où la démocratie se retrouve porteuse d’espérances millénaristes, favorise l’incessante recherche de l’homme providentiel (pas encore de la femme, mais je crois que Ségolène Royal en 2007 a travaillé son image dans un sens très « marial » pour lui donner une dimension sacrée. Bizarrement, si Ségolène Royal jouait à la super maman, je n’ai pas eu l’impression que Nicolas Sarkozy jouait au super papa, et c’est d’ailleurs un rôle qu’il peine à endosser) tout en rendant caduque sa figure, pousse les politiques à prôner le changement _ de préférence radical _ sans briser la « cité ». Pourquoi autant de changements de régimes en France, en deux siècles ?
C’est marrant, « l’enchantement » me fait toujours penser à Peter Pan, l’enfant qui ne grandit pas et qui devient capitaine Crochet.
J’arrête la logorrhée, je me saoule toute seule, et en plus il est tard !
Que de choses dans ce commentaire ! Merci Fabienne !
C'est excellent de repartir de Thucydide, qui est aussi le maître des historiens. En fait, la stabilité, le maintien de l'ordre, c'est un peu comme tu le montres bien le non-dit de la politique démocratique où, à cause de la nécessité de faire campagne, on valorise le nouveau, le changement, la proposition inédite. Mais ce non-dit n'empêche pas que la requête fondamentale soit toujours là. J'ai l'impression qu'aujourd'hui elle est pas mal assumée par le droit, les institutions, la garantie de leur libre jeu.
Je pense que souvent nous ne voyons pas à quel point les institutions sont un formidable contrepoids à la violence potentielle de tous les conflits.
Comme le plus souvent, l'ordre, nous l'avons, celui-ci n'est valorisé qu'épisodiquement ; il faut une situation extra-légale (blocage de fac, émeutes dans les banlieues, montée de la délinquance devenue parfois norme dans certains endroits) pour que cet impératif se montre à nouveau.
Sur les élections de 2007 : le rôle endossé (plus ou moins consciemment) par Ségolène Royal, c'était du prophétisme à la Jeanne d'Arc. Je suis d'accord sur le fait que Sarkozy n'a pas endossé le rôle du père (et cela explique certaines de ses difficultés avec l'opinion). Le problème c'est que le père, on ne l'aime qu'après l'avoir tué (de Gaulle, Chirac dans une certaine mesure).
Je crois que dans les pays latins, ce rapport difficile et infantile au pouvoir vu sous une figure "paternelle-contestée" est le principal obstacle au projet républicain (la loi pour l'ordre + les dirigeants pour l'action). Le côté "viril et culotté", un peu macho-ado, de Nicolas Sarkozy a pu, en campagne, représenter un point d'équilibre, et devient plus compliqué une fois le pouvoir conquis !
Est-ce vraiment une caractéristique des "pays latins" ? Là-dessus, je suis incapable de me prononcer.
Autour de la monarchie, s'est développée tout un discours du roi comme "père de ses sujets" qui lui doivent respect et obéissance, etc... mais c'est une idée reprise du discours républicain latin, où les sénateurs oligarques sont les "patres conscripti". Or, le problème de ce discours, c'est qu'il maintient effectivement les "sujets" ou le "peuple" dans un état d'enfance perpétuelle, puisque contrairement à la nature, il n'est pas envisagé de passage du sujet ou du peuple à l'âge adulte, c'est-à-dire à un état où il peut se passer de l'autorité paternelle. D'où la nécessité de "tuer le père" pour s'émanciper, et l'institutionalisation (il existe, ce mot ?)de la violence comme forme d'expression politique.
Ca me fait penser au mythe de Chronos, qui mange ses enfants (là où son père les étouffait) et est renversé à son tour par son fils Zeus. C'est à mon sens la version brute de décoffrage d'Oedipe (mais on est chez les dieux, eux ne s'embarrassent pas d'un discours justificatif qui habille leurs actes). Il y a une peinture assez terrifiante de Goya _ directement sur les murs de sa maison _ qui représente Cronos dévorant un de ses enfants; pour moi, elle représente parfaitement toute la violence dont est porteur un pouvoir abusif à figure paternelle.
A propos d'image, je trouve celle de l'article particulièrement bien choisie et suggestive : Lénine a davantage l'air d'un spectre prêt à se réveiller à tout instant et on a envie de demander de laisser les morts là où ils sont ! Ce n'est pas du tout rationnel, comme argument, cela. Mais j'ajoute que je partage l'analyse sur le communisme qui n'est pas un modèle d'épouvante autant que le nazisme. Mais je ne crois pas que ce soit particulier à la France (je prendrai simplement comme exemple un jeu video international, "Civilizations", dans lequel on peut jouer avec des dirigeants connus de l'Egypte ancienne jusqu'à nos jours, et parmi ces dirigeants figurent Staline et Mao, mais pas Hitler). L'URSS s'est retrouvée dans le camp des vainqueurs en 1945, ça compte sûrement pour beaucoup.
Au reste, les militants d'extrême gauche restent relativement honnêtes dans le discours : il ne s'agit pas pour eux d'améliorer le fonctionnement de la démocratie, mais de la renverser et de prendre le pouvoir (en tout cas, ce sont exactement les propos d'étudiants très policés à l'université de Toulouse 2 lors d'AG en 2009 et 2007, qu'on peut voir facilement sur dailymotion). C'est à peine maquillé par un vague discours humaniste : on est bien dans une optique de "tuer le père", mais uniquement pour prendre sa place et instaurer sa propre violence à son profit, pas pour émanciper les autres.
Est-ce vraiment une caractéristique des "pays latins" ? Autour de la monarchie, s'est développée tout un discours du roi comme "père de ses sujets" qui lui doivent respect et obéissance, etc... mais c'est une idée reprise du discours républicain latin, où les sénateurs oligarques sont les "patres conscripti". Or, le problème de ce discours, c'est qu'il maintient effectivement les "sujets" ou le "peuple" dans un état d'enfance perpétuelle, puisque contrairement à la nature, il n'est pas envisagé de passage du sujet ou du peuple à l'âge adulte, c'est-à-dire à un état où il peut se passer de l'autorité paternelle. D'où la nécessité de "tuer le père" pour s'émanciper, et l'institutionalisation (il existe, ce mot ?)de la violence comme forme d'expression politique.
Ca me fait penser au mythe de Chronos, qui mange ses enfants (là où son père les étouffait) et est renversé à son tour par son fils Zeus. C'est à mon sens la version brute de décoffrage d'Oedipe (mais on est chez les dieux, eux ne s'embarrassent pas d'un discours justificatif qui habille leurs actes). Il y a une peinture assez terrifiante de Goya _ directement sur les murs de sa maison _ qui représente Cronos dévorant un de ses enfants; pour moi, elle représente parfaitement toute la violence dont est porteur un pouvoir abusif à figure paternelle.
A propos d'image, je trouve celle de l'article particulièrement bien choisie et suggestive : Lénine a davantage l'air d'un spectre prêt à se réveiller à tout instant et on a envie de demander de laisser les morts là où ils sont ! Ce n'est pas du tout rationnel, comme argument, cela. Mais j'ajoute que je partage l'analyse sur le communisme qui n'est pas un modèle d'épouvante autant que le nazisme. Mais je ne crois pas que ce soit particulier à la France (je prendrai simplement comme exemple un jeu video international, "Civilizations", dans lequel on peut jouer avec des dirigeants connus de l'Egypte ancienne jusqu'à nos jours, et parmi ces dirigeants figurent Staline et Mao, mais pas Hitler). L'URSS s'est retrouvée dans le camp des vainqueurs en 1945, ça compte sûrement pour beaucoup.
Au reste, les militants d'extrême gauche restent relativement honnêtes dans le discours : il ne s'agit pas pour eux d'améliorer le fonctionnement de la démocratie, mais de la renverser et de prendre le pouvoir (en tout cas, ce sont exactement les propos d'étudiants très policés à l'université de Toulouse 2 lors d'AG en 2009 et 2007, qu'on peut voir facilement sur dailymotion). C'est à peine maquillé par un vague discours humaniste : on est bien dans une optique de "tuer le père", mais uniquement pour prendre sa place et instaurer sa propre violence à son profit, pas pour émanciper les autres.
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