Les enchantements sont plus forts à distance. Nous avons tous vu, en 2008, des amis devenir fous d'enthousiasme à propos de Barack Obama. Il y avait certes de quoi se passionner : les origines du candidat, la perspective d'une rupture avec la politique de George W. Bush dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne soulevait pas l'enthousiasme en France, et puis ce que j'avais qualifié dans ce blog de "lyrisme démocratique", une capacité d'orateur et de communiquant, de la part du candidat Obama, à trouver les formules aptes à parler au coeur de l'électorat, et à donner chair à cette grande abstraction qu'est le peuple démocratique.
Une autre chose m'avait frappé alors : le contraste frappant entre l'enthousiasme de la gauche française et le contenu au fond très modéré du discours de Barack Obama. On ne pouvait reprocher au candidat de promettre l'impossible, et il était remarquable de voir qu'il allait chercher l'électorat sans trop se lier les mains par avance. Il semblait davantage porteuse d'une dynamique à la Kennedy que d'un bouleversement total.
On pouvait d'avance voir les limites que son action pouvait avoir : deux guerres à mener, en Irak et en Afghanistan, un Proche-Orient où la paix manque d'avocats sur place, tant le conflit israelo-palestinien est sérieux et enraciné, la crise financière à surmonter - et le "surmontage" à financer ensuite. La difficulté de faire passer des réformes de santé (même avec une majorité démocrate au Congrès) : Kennedy s'y était cassé les dents pour Medicare et Medicaid, et c'est son successeur Johnson qui avait réussi le tour de force parlementaire.
Quelques observateurs en France ont aussi critiqué l'indifférence de la nouvelle administration pour la question des droits de l'homme en matière diplomatique, et y ont vu une manière excessive de prendre le contrepied du côté "croisade pour la démocratie" de la politique Bush.
Cependant, il est curieux de voir des analystes se présenter en déçus d'un candidat qui n'avait pas promis la lune, malgré son "Yes we can".
Peut-être au fond l'enthousiasme des Français pour Obama venait-il d'un besoin d'aimer l'Amérique, de l'impression de retrouver une Amérique plus ouverte, moins arrogante. D'un besoin de rêve aussi, d'une projection sur les Etats-Unis de l'attente de l'homme providentiel. Du symbole, sans doute. Le curieux a été de les voir s'imaginer que tout cela allait suspendre les contraintes qui pèsent sur les politiques extérieure et intérieure américaines.
Péguy disait que la démagogie reposait toujours sur l'exploitation de l'idée de miracle. Je ne crois pas qu'Obama ait mis en oeuvre cette exploitation. Par contre, je crois qu'au fond beaucoup de nos contemporains, singulièrement parmi les intellectuels, n'acceptent pas le désenchantement de la politique, et voient des miracles là où on ne cherche pas à leur en montrer. Le lyrisme démocratique d'Obama était simplement une manière à la fois intelligente et dynamisante de chercher l'adhésion populaire. Laissons-le affronter les difficultés du pouvoir, et les renversements d'opinion : la retombée dans la réalité et ses problèmes était inévitable.
Le mystère n'est pas là. Il est dans la réponse à cette question : comment se fait-il que tant de nos concitoyens croient encore que la politique peut, pour reprendre une vieille formule, "changer la vie" ?
Une autre chose m'avait frappé alors : le contraste frappant entre l'enthousiasme de la gauche française et le contenu au fond très modéré du discours de Barack Obama. On ne pouvait reprocher au candidat de promettre l'impossible, et il était remarquable de voir qu'il allait chercher l'électorat sans trop se lier les mains par avance. Il semblait davantage porteuse d'une dynamique à la Kennedy que d'un bouleversement total.
On pouvait d'avance voir les limites que son action pouvait avoir : deux guerres à mener, en Irak et en Afghanistan, un Proche-Orient où la paix manque d'avocats sur place, tant le conflit israelo-palestinien est sérieux et enraciné, la crise financière à surmonter - et le "surmontage" à financer ensuite. La difficulté de faire passer des réformes de santé (même avec une majorité démocrate au Congrès) : Kennedy s'y était cassé les dents pour Medicare et Medicaid, et c'est son successeur Johnson qui avait réussi le tour de force parlementaire.
Quelques observateurs en France ont aussi critiqué l'indifférence de la nouvelle administration pour la question des droits de l'homme en matière diplomatique, et y ont vu une manière excessive de prendre le contrepied du côté "croisade pour la démocratie" de la politique Bush.
Cependant, il est curieux de voir des analystes se présenter en déçus d'un candidat qui n'avait pas promis la lune, malgré son "Yes we can".
Peut-être au fond l'enthousiasme des Français pour Obama venait-il d'un besoin d'aimer l'Amérique, de l'impression de retrouver une Amérique plus ouverte, moins arrogante. D'un besoin de rêve aussi, d'une projection sur les Etats-Unis de l'attente de l'homme providentiel. Du symbole, sans doute. Le curieux a été de les voir s'imaginer que tout cela allait suspendre les contraintes qui pèsent sur les politiques extérieure et intérieure américaines.
Péguy disait que la démagogie reposait toujours sur l'exploitation de l'idée de miracle. Je ne crois pas qu'Obama ait mis en oeuvre cette exploitation. Par contre, je crois qu'au fond beaucoup de nos contemporains, singulièrement parmi les intellectuels, n'acceptent pas le désenchantement de la politique, et voient des miracles là où on ne cherche pas à leur en montrer. Le lyrisme démocratique d'Obama était simplement une manière à la fois intelligente et dynamisante de chercher l'adhésion populaire. Laissons-le affronter les difficultés du pouvoir, et les renversements d'opinion : la retombée dans la réalité et ses problèmes était inévitable.
Le mystère n'est pas là. Il est dans la réponse à cette question : comment se fait-il que tant de nos concitoyens croient encore que la politique peut, pour reprendre une vieille formule, "changer la vie" ?
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