mardi 25 août 2009

PS : le retour des primaires...


Ceux qui ne croient pas à l’existence des cultures politiques, au sens non pas seulement d’une série de références unifiantes, mais d’un ensemble d’idées et de réflexes, d’une limitation de la marge de manœuvre des individus, feront bien de se pencher sur le cas actuel du parti socialiste, victime prolongée de son refus de principe du leadership et de son obsession de la synthèse.
Un article du Monde nous informe, en pensant peut-être rassurer ceux qui s’intéressent à l’avenir de ce parti (et quel observateur de la politique française pourrait s’en désintéresser ?), que « l’idée de primaires gagne du terrain » au PS. Implicitement, il semble que beaucoup considèrent que l’accord sur l’organisation de primaires serait un événement positif du point de vue du principal parti de la gauche française. Certainement, à très court terme, cela permettrait de construire une unité de façade… mais plusieurs objections viennent tout de suite à l’esprit.
La première est que le système a déjà été rodé et qu’il n’a pas permis de souder le parti derrière la candidate. Il est certain que celle-ci y a mis du sien, mais on peut penser que de toute manière, les arrière-pensées des uns et des autres auraient empêché tout engagement massif tant que la victoire ne paraissait pas certaine. Le tandem candidat / parti n’aurait pas résisté aux inévitables fluctuations sondagières qui sont le lot des campagnes.
La seconde est que l’on traite du choix du candidat sans traiter de celui du programme. Hors c’est la séparation des deux qui est mortelle. Le programme de synthèse est forcément une collection des a-priori des militants ; aucun parti n’en sort indemne. De plus, il évite tous les choix et pour satisfaire tout le monde juxtapose les points de vue les plus contradictoires. Un programme à la fois plan-plan et peu crédible, c’est un lourd handicap pour n’importe quel candidat.
La troisième objection se nourrit de la profonde incompréhension du jeu politique dont témoigne le parti socialiste en cette affaire : en particulier de l’imbrication des problèmes de programme et des problèmes de personnes. Qu’on le veuille ou non, un parti politique est à la fois un lieu où s’élaborent des programmes de gouvernement et un lieu où prend place la compétition politique. Les idées et les ambitions s’y entrechoquent et en fait elles ont profondément besoin les unes des autres. Les idées doivent être portées par des ambitions et les ambitions être le vecteur de projets crédibles. Un candidat simple porteur d’un projet qu’il n’a pas élaboré est dénué de la puissance d’incarnation que réclame le leadership. Se présente-t-il comme simple représentant de son parti ? On lui objecte tout de suite le poste qu’il vise et la dimension nationale qui lui manque. Commence-t-il à mettre en avant ses propres idées, à se donner une dimension supra-partisane (figure obligée de l’entre-deux-tours) ? On lui remet sous le nez le programme de synthèse représentant la culture politique d’une seule part de la nation.
Seule l’âpreté des ambitions permet de faire les choix douloureux. Rien d’autre ne peut motiver des hommes et des femmes politiques à prendre le risque d’un choix clair. Ce n’est que quand les leaders s’affrontent, aidés de leurs équipes et munis de leur programme, pour le contrôle du parti, que des orientations lisibles peuvent se dessiner. Les vaincus forment une opposition clairement identifiable, qui prépare la relève au premier échec sérieux de l’équipe gagnante. Celui qui domine son parti acquiert par là même une stature nationale ; il prend l’habitude d’animer un travail collectif.
On m’objectera les primaires américaines : mais dans ces primaires, ce sont des candidats avec leur équipe et leurs programmes qui s’affrontent. Le système politique américain, avec l’articulation des Ét ats fédérés et de l’État fédéral, est assez vaste pour permettre la constitution de plusieurs écuries complètes au sein de la même famille politique. Qui croira cela de nos partis français ? Les primaires au sein du parti socialiste ne seraient crédibles que si le parti n’élaborait pas lui-même un programme pour les présidentielles, et là encore, l’élection est tellement décisive que l’équipe gagnante, qui élaborerait, ce programme prendrait de facto la direction du parti.
Le parti reste donc dans le découplage tragique des idées et des hommes, qui bloque tout à la fois son fonctionnement et sa rénovation idéologique.

2 commentaires:

POC a dit…

Comment ? Les primaires ne seraient pas l'alpha et l'omega du renouveau du Parti socialiste et de la gauche en général ???

J'en profite pour faire un peu de pub pour un copain :
http://laurentbouvet.wordpress.com/2009/06/16/le-ps-a-letat-primaires/

Robin Langlois a dit…

Analyse fine, bien qu'un temps soit peu déprimante, de ce triste parti...
Finalement, on en revient au débat de la poule et des œufs : qui "engendre" l'autre ? Le candidat éclos du programme ou le programme est pondu par le candidat ?