dimanche 9 octobre 2011

Un succès démocratique et ses limites

La démocratie se nourrit de la participation citoyenne et des débats d’opinion. De ce point de vue, la mobilisation de l’électorat de gauche autour des primaires socialistes est encourageante. Mais s’en tenir à cet aspect des choses, c’est n’avoir de la démocratie qu’une vision enchantée, c’est-à-dire postuler que de la mobilisation des citoyens, de la montée du débat et de la volonté d’engagement, les solutions aux problèmes de l’heure vont surgir miraculeusement.

Cette vision est celle de ceux que l’on appelle les « indignés » : d’une démocratie « réelle », donnant aux citoyens le maximum de pouvoir et d’initiative, surgiront des solutions à la crise économique et financière que nous traversons. Le « peuple », dès lors qu’il pourra s’exprimer pleinement, saura résoudre les questions qui nous hantent… ce que croyaient les démocrates enthousiastes des années 1840.

Il me semble que le vécu des démocraties européennes qui ont, pour les plus anciennes, commencé de s’installer au dix-neuvième siècle, suggère une autre vision. Les démocraties apparaissent bien davantage comme les régimes où les initiatives des gouvernants se heurtent au maximum de résistance possible de la part de la population. Grèves, manifestations, alternances politiques, pétitions sont autant d’indication d’une force de résistance de la société civile face à ceux qui la gouvernent, volonté de résistance qui parfois permet d’améliorer ou de rendre praticables les réformes nécessaires.

Quand on demandait à Georges Clemenceau ce qu’était pour lui la démocratie, il disait que c’était le régime où les « initiatives d’en haut » étaient comme « filtrées » par l’opinion pour se convertir en « directives » acceptables par la majorité. Cette vision nous incite à ne pas nous borner à la demande politique, mais à nous tourner aussi vers l’offre politique.

Pour qu’une démocratie fonctionne, pour que le régime politique démocratique parvienne à répondre aux difficultés de l’heure, il faut que l’opinion, qui s’exprime par de multiples canaux, puisse prendre appui, pour les faire prévaloir, pour les infléchir, pour les enrichir ou pour les contester, sur des directives claires.

C’est précisément ce qui manque dans les débuts de la campagne présidentielle de 2012. Les offres politiques claires se trouvent pour l’instant chez ceux qui n’ont soit aucune chance d’être élus, soit aucune chance de devenir candidats : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, et, parmi les « candidats à la candidature » socialistes, Arnaud Montebourg et Manuel Valls.

On excusera le rapprochement qui peut sembler étrange. Mais nul ne sait ce que sera le programme de Nicolas Sarkozy, tandis que les deux principaux prétendants socialistes se sont réfugiés, pour l’essentiel, dans des vues synthétiques, vagues et peu novatrices. Le retrait de Jean-Louis Borloo découle aussi de l’absence d’une perspective claire – et Dominique de Villepin comme François Bayrou en restent à des considérations d’une extrême généralité.

Si la démocratie se nourrit de l’investissement des citoyens, elle ne peut se passer d’un discours politique structuré et clair, et qui ne s’en tienne pas à un simple diagnostic, de la part de ceux qui prétendent à la diriger. Rien n’indique, pour l’instant, que 2012 permettra d’avancer vers des objectifs clairs et cohérents.

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