dimanche 10 juillet 2011

Quand le centre est à droite


François Bayrou n'a pas réussi à s'imposer, mais il a réussi à acclimater une idée en apparence juste, au fond fausse : le centre serait un espace politique indépendant de la droite et de la gauche.

Fausse car jamais les centristes en France, ni au XIXe ni au XXe siècle, n'ont existé autrement que divisés entre centre droit et centre gauche. Sous la monarchie de Juillet comme sous la IVe République, il n'en a jamais été autrement. Dans certaines circonstances, centre gauche et droit ont pu s'entendre, c'est tout

Le centristes sont les membres des ailes de la droite et de la gauche qui sont attachées au libéralisme politique, ou des hommes attachés au libéralisme politique qui choisissent, selon les moments, de se situer à droite ou à gauche. Ils aiment les institutions, le compromis, cherchent l'équilibre et se veulent pragmatiques.

Ils ne peuvent jamais devenir pleinement indépendants : ils ont pour cela trop peu de convictions tranchées et "sloganisables". Ils ne peuvent le tenter qu'en abandonnant le discours centriste, à l'image de François Bayrou en 2007, tapant à tour de bras sur la droite et la gauche et dénonçant le système, ou bien encore en se présentant comme le "parti des gens raisonnables", ce qui est peu attractif et, au fond, d'une arrogance extrême.

Un des principaux reproches que l'on fait à Jean-Louis Borloo aujourd'hui est qu'il serait un candidat de droite camouflé. Bref, d'être un candidat de centre droit.

Il ne saurait en être autrement, et ce pour une simple raison : il n'y a pas en France de place pour le centre gauche. Des personnalités politiques comme François Hollande, Emmanuel Valls, ou, en son temps, Dominique Strauss-Kahn, incarnent déjà cet esprit. Les "radicaux de gauche" sont de longtemps condamnés à une existence groupusculaire.

Un homme ou une femme de centre gauche, aujourd'hui, rejoint logiquement l'aile modérée du PS, et n'a pas besoin d'une autre structure. Il n'y a eu à cela qu'une exception : Europe Ecologie a pu représenter un centre gauche écologique et européen ; la fusion avec les Verts, malgré ses limites, a suffi pour neutraliser cette possibilité.

L'unité des centres ne pourrait finalement se faire que sur le plan électoral, dans un contexte très particulier, poussant le centre gauche à voter pour le centre droit, ou le contraire. Il faudrait une absence d'offre électorale d'un des deux côtés. Pour le reste, il faut se rendre à l'évidence : le centre, en France, avec toutes ses limites, c'est le centre droit.









4 commentaires:

Mallory a dit…

En fin de compte, la difficulté d'analyser le centre tient au fait qu'il n'existe qu'idéologiquement sans réelle structure sur laquelle se reposer obligeant à rejoindre un parti hôte.N'y aurait il pas une forme d'entrisme camouflé de la part des centriste ? Il me semble que la difficulté d'avoir un vrai centre uni de nos jours est que le centre va en sens inverse de la logique institutionnelle depuis 1962 à savoir une très forte bipolarisation ce qui oriente systématiquement les centristes vers la droite ou la gauche qui trouvent parfois des points communs au centre. finalement, le centre ne ferait il pas office de Marche au sens militaire du terme servant de transition et permettant d'avoir quelques électrons libre pour la droite et la gauche ?

Vivian a dit…

J'ai peut-être mal compris mais pourquoi si "Un homme ou une femme de centre gauche, aujourd'hui, rejoint logiquement l'aile modérée du PS", un homme ou une femme de centre-droit ne devrait pas forcément rejoindre l'aile modérée de l'UMP ? Est-ce parce qu'il y a une plus grande incompatibilité entre les bornes de la droite qu'entre celles de la gauche aujourd'hui ?

Jérôme Grondeux a dit…

Pour Mallory
C'est vrai que le système est plus bipolarisé depuis 1962 et ça rend les choses difficiles pour les centristes mais même avant, il y avait un centre droit et un centre gauche : tout dépend ce qu'on privilégie dans la quête d'équilibre et où on met l'accent.
Une réserve d'électrons libres pour la droite et la gauche : l'idée est bonne.
Pour Vivian
Au départ, en 2002, l'UMP devait intégrer les centristes. Mais on a organisé le parti sur le mode gaulliste, sans tendance, et je crois que le raidissement de la majorité depuis le discours de Grenoble, et le collage absolu à l'action gouvernementale rend l'UMP infréquentable (au sens propre) pour les centristes. Ils recherchent maintenant une forme de partenariat un peu plus distanciée.
De plus, c'est vrai que la droite n'a pas comme la gauche quelques grands thèmes fédérateurs (quelques mythes si l'on veut).
Discussion très vaste, à poursuivre !

Quentin a dit…

Monsieur Grondeux, je vous parlais récemment dans un commentaire -il y a quelques mois- d'un rassemblement centriste présidentiel autour de Bayrou (je ne m'en cacherai pas, je suis du Modem) du centre gauche au centre droit de DSK à Villepin). Il semblerait que cela commence à faire son chemin avec cet article dont je recommande la lecture.
http://www.lepoint.fr/politique/election-presidentielle-2012/bayrou-villepin-le-rapprochement-qui-arrange-l-elysee-05-09-2011-1370150_324.php
Avec cet article on voit un rapprochement entre Villepin et Bayrou. Est-ce crédible, souhaitable ? DSK, hors-jeu actuellement, peut peut-il apporter un rôle de conseil ?

Un de vos anciens étudiants, dans le cours : politique et société en France pendant l'entre-deux guerre.