lundi 28 mars 2011

Finir les miettes...


Une lectrice commente mon post d'il y a quelques semaines sur "l'horizon 2012 en miettes". Les idées qu'elle avance, les questions qu'elle pose appellent une mise au point, d'autant plus urgente après les élections cantonales.
Elle relève tout d'abord le transfert d'électeurs de l'UMP vers le FN, électeurs qui "préfèrent l'original à la copie". Moi aussi je suis convaincu depuis le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy que l'effet "vase communiquant" fonctionne en sens inverse par rapport à la campagne de 2007. J'avoue que l'acharnement du président de la République, d'une partie des élus UMP, et de l'inénarrable Claude Guéant dans cette stratégie me fait parfois douter. Est-ce qu'au fond, il pourrait s'agir d'une stratégie extraordinairement cynique, très osée et au final électoralement très payante ? Auraient-ils senti des choses qui nous échappent ? Quand on voit des gens vendre leur âme de manière aussi voyante, on a de la peine à concevoir que ce soit pour rien. Cherchant un calcul particulièrement tordu pour 2012, je n'ai trouvé que celui-là : miser à la fois sur un FN fort et sur une effondrement du candidat de gauche, pour refaire 2002 malgré l'impopularité actuelle de Nicolas Sarkozy. Mais tout cela reste spéculatif...

Ma lectrice est sceptique sur le relèvement du PS, et sur Dominique Strauss-Kahn. Je crois ne l'avoir jamais dit sur ce blog, parce que j'ai peur de me tromper, mais je le suis aussi. Pour l'instant, DSK est populaire à gauche parce que la gauche pense qu'il va gagner. Cela est extraordinairement fragile. Je n'ai pas été convaincu (peut-être suis-je trop sévère) par ses prestations lors des trois débats des primaires de 2007. Et je ne suis pas sûr que le charisme et la chaleur soient au rendez-vous. Quant au programme... La même angoisse que face à la stratégie UMP me saisit : je vois tant de personnes fines et bien informées qui croient en DSK au parti socialiste ! Mais quand j'entends Pierre Moscovici expliquer à la télévision, pour parer les attaques prévisibles du Front de gauche et de la gauche du PS, qu'il faut distinguer entre le FMI et son directeur, j'espère fortement pour lui et ses amis qu'ils ont des arguments d'un autre calibre pour défendre leur champion.

La commentatrice s'interroge sur le PS qui ne se serait pas vraiment remis de 2002. Là, je suis plus catégorique. L'entrave, ce n'est pas l'existence de tendances (elle ne le pense pas non plus), mais la disjonction entre l'élaboration du programme, le choix du candidat et la compétition pour le leadership du parti. Le PS reste un parti solide parce qu'il est bien implanté localement, malheureusement, il est tellement mal organisé au niveau national qu'on a l'impression que les meilleurs choisissent les communes, les départements et les régions (et on les comprend un peu). L'effort pour mettre au point une nouvelle déclaration de principes, en 2008, a été noyé dans ce maelstrom.

Elle se demande aussi pourquoi le centre n'en profite pas. Ici, c'est plus simple : pas de leader, pas de doctrine, pas de discours. Les perspectives, on les voit, mais elles restent plutôt des défis à relever : trouver ce qui est mort et ce qui est vivant dans le modèle républicain, repenser la modernisation de l'État autrement que comme son effacement, remettre au premier plan l'Etat de droit, les libertés individuelles, la délibération et les contrepouvoirs, trouver un discours national prenant en compte la dimension européenne (et réciproquement). Et surtout valoriser le travail collectif, parce que les réformes qui nous attendent sont trop compliquées pour être élaborées à quatre sur un coin de table.

Une grand inconnue cependant est devant nous : la campagne électorale. Elle bougera les lignes, les cotes des uns et des autres vont grimper ou s'effondrer. Pour la dimension programmatique, j'ai peur de devoir, pour une fois, être pessimiste : c'est déjà perdu. Au mieux, il sortira de tout cela quelqu'un qui ne confonde pas trop réforme et bousculade, ou qui cesse de le faire. Mais on restera dans l'agenda français depuis la fin des années 1980 : mêler de nécessaires réformes d'adaptation et des mesures gadget plus ou moins coûteuses, avancer à coup de travail à moitié fait, prolonger de quelques années l'attente du jour où les partis de gouvernement pourront redevenir lisibles autrement qu'en termes de stratégie électorale.

3 commentaires:

delicourt mallory a dit…

cela ressemble a notre conversation de mardi dernier ^^

Ju a dit…

Je n'ai pas l'esprit assez machiavélique pour avoir imaginé qu'il s'agisse d'une stratégie.
En effet un FN fort peut être un atout pour l'UMP afin d'éviter d'avoir à affronter le PS au second tour. Mais si c'est le calcule qui est fait il est à la fois immoral et fort risqué. Risqué pour deux raisons
1° il y a de forte chance que ce FN fort bénéficie non à l'UMP mais au PS, pour ce fameux "17 avril à l'envers".
2° et même si un duel Sarkozy/Le Pen avait lieux RIEN n'indique que cela bénéficierait à Sarkozy. Après l'attitude scandaleuse de l'UMP qui a refusé d'appeler à voter PS dans les duels PS/FN, les électeurs de gauche qui avaient voté Chirac par "sursaut républicain" ne s'y laisseront probablement plus prendre.

Jérôme Grondeux a dit…

Je suis d'accord sur votre vision de ce possible calcul comme immoral et risqué. Je crois aussi que l'UMP n'a pas pris la mesure de ce qu'a représenté le vote de 2002 pour l'électorat de gauche. Par contre, je crois que dans le cas de ce second tour Sarkozy/Le Pen, les socialistes appelleraient quand même à faire barrage parce que toute montée du FN suscite le renouveau d'un "antifascisme" un peu artificiel mais très ancré.
Tout a fait d'accord avec les raisons 1.