mardi 4 janvier 2011

L'ère primaire


L'algarade entre Manuel Valls et Benoît Hamon sur les 35 heures ne fait que mettre en évidence le piège dans lequel s'est enfermé le Parti socialiste, piège depuis longtemps signalé dans ce blog.

Le système des primaires socialistes est trop tardif, c'est un fait. L'accélération du calendrier est rendue impossible par la situation de Dominique Strauss-Kahn, et il est peu probable que le déroulement des opérations soit modifié. Mais ce n'est pas là son principal défaut. Après tout, si chacun pouvait bâtir un programme cohérent, l'investiture par le parti ne serait plus qu'une étape dans un processus plus long, qui permet de se faire connaître par l'opinion.

Mais l'élaboration collective d'un programme du parti sans savoir quelle tendance l'a emporté pour la désignation est surréaliste. Elle bride le débat d'idées entre les candidats aux primaires. Si on veut absolument que les adhérents et les sympathisants choisissent, si on renonce à la logique qui veut que le leader du parti soit le candidat à la présidentielle, il faut au moins leur donner à choisir entre des lignes bien identifiées et peut-être même des équipes en voie de constitution.

Ici, les procès en orthodoxie auront pour effet de générer chez tous les candidats un discours moyen, alors que la politique est faite d'arbitrages, de choix, souvent risqués, parfois douloureux, toujours nécessaires. Ainsi, la primaire est réduite à un conflit d'égos, et ce que l'on voulait éviter, la guerre des chefs, se trouve absolument favorisé.

Chaque famille politique a ses forces et ses faiblesses. Comme Alain Bergounioux et Gérard Grunberg l'ont dit depuis longtemps, la fragilité propre du socialisme français réside dans son rapport au pouvoir. On en veut et on n'en veut pas ; l'ambition est toujours mauvaise. Le rapport fascination-répulsion est autodestructeur : la politique démocratique, c'est la compétition arbitrée par l'opinion. Les ambitions sont là, inutile de jouer les saintes-nitouches.

Il faudrait savoir combien d'électeurs Nicolas Sarkozy avait gagné en affirmant qu'il ne pensait pas seulement à la présidentielle en se rasant.

La lutte pour le pouvoir est normale, il s'agit juste de savoir si elle permet ou pas d'enclencher le débat d'idées, la compétition des programmes et le choix. On a parfois l'impression, dans ce déni parfait ("les idées d'abord, les ambitions ensuite"), de retrouver les rapports du monde catholique et de l'argent.

Il est possible que le candidat socialiste, au final, l'emporte dans la mêlée confuse qui s'annonce. Mais ce sera sans programme. En somme, l'opportunisme est au coin de la rue...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon cher Professeur,
Parfaitement d'accord avec vous!
Je vais d'ailleurs rédiger 2 articles (un pour la lettre de l'Institut François Mitterrand et un autre pour le poing et la rose) ) sur les primaires. Nous aurons donc de multiples occasions d'en discuter!
PEG
Ps: ça ne nous empêchera pas de gagner!

Jérôme Grondeux a dit…

C'est possible mais Rémusat disait toujours : en politique, il faut se méfier du "subjectif" qui pousse à voir les choses comme on voudrait qu'elles soient... je crois en fait que pour l'instant on ne voit pas grand-chose.