Avant le basculement dans la trompeuse torpeur estivale, le paysage politique prend un petit air statique, il semble (illusion sans doute) que l’on peut mieux le saisir. Le ralentissement du rythme de la vie intellectuelle dans les universités dépeuplées de leurs étudiants semble se communiquer à l’actualité nationale, parce que les Français commencent à penser à leurs vacances, dans un pays qui a voulu plus que d’autres s’attarder dans la société des loisirs…
Le travail de fond continue. Les réformes durables, les tournants en cours, les œuvres qui s’écrivent continuent de s’écrire, les entreprises tournent. On réfléchit aussi aux mesures que l’on tentera de faire passer pendant l’été, même si le procédé a montré ses limites pour empêcher les manifestations. Les syndicats se demandent sur quoi ils mobiliseront à l’automne. C’est donc le temps des veillées d’armes et du travail de fond.
Oui, la torpeur peut être trompeuse. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, épuisé par sa victoire dans la réforme des retraites, bascula dans le néant après l’épisode de la canicule de l’été 2003. C’était la fin définitive des espoirs de renouveau suscités, a contrario, par le choc de l’élection présidentielle de 2002.
Les pauses, même apparentes, comme celle de l’été, sont là pour nous rappeler que rien ne se fait vraiment qui ne s’inscrit dans la durée. Le parti socialiste (les partis socialistes ?) prépare (nt?) le congrès de novembre, en passant par des textes ; en sortira-t-il une stratégie, en particulier face à la montée d’Olivier Besancenot ? On a critiqué l’idée selon laquelle celui-ci serait le Le Pen de la gauche… Il est certain qu’en France, nation qui n’a pas connu l’épreuve d’un régime communiste tout en ayant une culture révolutionnaire ancrée en elle depuis plus de deux cents ans, l’extrême gauche ne suscite pas la répulsion que suscite l’extrême droite depuis la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, Besancenot sera un vrai handicap, et de manière plus subtile : la « menace Le Pen » ne demandait à la droite qu’un peu de patience et d’habileté manœuvrière. La « menace Besancenot » risque de paralyser la mue idéologique du PS, et l’idéologie est plus importante à gauche qu’à droite. On entend déjà dire qu’il ne faut pas laisser « d’espace » à Besancenot pour développer son « grand parti anticapitaliste ». Rappelons que le Parti socialiste n’a toujours pas fini de payer le prix idéologique de la stratégie d’union de la gauche avec un PC décadent, stratégie qui lui a permis d’accéder au pouvoir mais l’a gêné pour en tirer les conséquences théoriques. Pour régler ce problème, les calculs de court terme ne sont d’aucun secours…
À droite, si Nicolas Sarkozy avait su inscrire sa stratégie électorale (fédérer les droites) dans la durée, la maintenir contre vent et marées, l’élargissement du discours opéré au cours de la campagne, lui aussi très pensé stratégiquement, plus la crise personnelle d’après la victoire (qui a confirmé toutes mes préventions envers les régimes monarchiques) et la continuation au pouvoir du mode de fonctionnement de la campagne électorale ont empêché tout choix clair entre la maîtrise du temps prôné par Nicolas Sarkozy lui-même en 2002 (un quinquennat, c’est 2 ans pour faire des réformes, 2 ans pour en gérer les conséquences et 1 an pour faire campagne) et un pilotage évoquant curieusement la campagne de Ségolène Royal, entassant les effets d’annonce et brouillant totalement l’image. De ce côté, on n’a certainement pas fini de mesurer avec effroi les conséquences de la marginalisation de François Fillon, d’ailleurs élément important du ralliement à Nicolas Sarkozy de l’électorat « classique » de la droite.
Au centre, François Bayrou est bien forcé de s’inscrire dans la durée… Mais il est au fond marginalisé depuis 2002. Il peut rêver d’un destin à la Clemenceau, infatigable bretteur d’opposition devenant tardivement, en 1906, un chef de gouvernement.
Pour tout ceux là, il faudra cependant apprendre, s’ils ne veulent pas crouler face à la coalition de l’extrême gauche et du corporatisme syndical, à parler aux électeurs un autre langage que celui de l’intérêt. Les désastreuses promesses en matière de pouvoir d’achat sont là pour le rappeler. Si les électeurs s’achetaient purement et simplement, tous les gouvernements qui ont perdu les législatives depuis les années 1980, après avoir laissé filer le budget et multiplié les promesses, seraient restés en place…
2 commentaires:
Merci pour cet article ! Je reviendrai sur ce blog à l'occasion, qui m'a l'air très approfondi !
je me demande pourtant si, justement, ce n'est pas l'intérêt qui continue d'animer l'électorat (comme on le pensait déjà pour l'électorat rural au XIXe) ? Mais un intérêt protéiforme, à l'image de la société française de plus en plus éclatée et hétérogène - un processus lié à la modernité. Là où naguères, on votait de manière quasi communautaire, on vote désormais à l'instinct (cf ta prochaine intervention). Moi, cela me rappelle la phrse classique de Brecht dans la Résistible ascension d' Arturo Ui, je crois (le peuple a mal voté, je dissous le peuple)
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