François Bayrou a pris son risque au moment des élections présidentielles; on peut reconstituer le plan qui était le sien. Etre au second tour, c'était à la fois être sûr de gagner face à Nicolas Sarkozy, avec les voix de la gauche, et pouvoir enclencher une recomposition politique. On pouvait estimer que le PS n'allait pas résister à une seconde absence consécutive au second tour des présidentielles, qui aurait semblé la perte de son statut de parti de gouvernement, et que l'éclatement entre pro- et anti- européens, suivant les pointillés de 2005, allait logiquement s'ensuivre. Alors, François Bayrou aurait pu, pour la première fois peut-être de sa carrière, rassembler.
UDF, Force démocrate, Modem... autant d'étapes dans sa carrière. Au début de la campagne de 2007, certains le prenaient déjà au sérieux, sachant son opiniâtreté et son courage, mais faute est de constater aujourd'hui que le centre en France n'est pas en bonne santé.
Il y a des centristes à l'UMP, ceux qui ont répondu à l'appel du président Chirac en 2002, pour réaliser une grande union politique de la droite et du centre ; il y a en a au Modem autour de François Bayrou (mais le Modem ne rassemble pas que des centristes, il y a aussi, par exemple, pas mal d'écologistes en rupture de ban ou d'électeurs de gauche en attente d'une modernisation du PS) ; il y a enfin le Nouveau Centre, qui rassemble tous ceux qui n'ont pas épousé la stratégie de François Bayrou entre les deux tours, qui n'étaient donc pas prêts à la rupture totale avec la droite. Inutile de préciser que Modem et Nouveau Centre peinent à définir leur identité, tandis que les centristes de l'UMP, en marge du gouvernement, et peut-être grandes victimes de l'ouverture, peinent à se faire entendre.
Alors, « la faute à Bayrou » ? Pas seulement. Il n'a pas pris l'initiative de la fondation de l'UMP, il n'est pas non plus responsable du fait que ce nouveau parti n'ait pas vraiment organisé de tendances. Surtout, la réforme de 1962 et la définition subséquente du concept de « majorité présidentielle » fonctionnent comme un laminoir pour les centres. Dans ce cadre, donner la priorité à la conquête de la présidence, frapper le système en son cœur n'est pas absurde... mais très coûteux politiquement, car le « ni droite ni gauche » comme le « droite et gauche » sont d'un maniement très délicat si on veut éviter l'immobilisme en pratique et la surenchère verbale (critiquer la droite avec les arguments de la gauche et la gauche avec les arguments de la droite, écrivait Alain Duhamel).
Et puis, le centre français est des plus composites : on y trouve des radicaux, des libéraux, des démocrates-chrétiens, qui ne sont d'accord que sur l'Europe. Seul un libéralisme modéré (un « libéralisme social » comme le définissait Raymond Barre) pourrait en être l'armature idéologique, en y ajoutant un projet de réforme institutionnelle, et une vision renouvelée de l'Europe, dépassant la seule revendication fédéraliste. Et le grand handicap est que ce centre a du mal a développer la rhétorique contestataire chère au cœur de nombre de nos compatriotes – sauf à s'acharner dans un « ni droite ni gauche » difficile à tenir jusqu'au bout quand on a besoin de faire des alliances.
On peut toujours opposer à François Bayrou une épure rationnelle (j'aime cette expression pour désigner des vues de l'esprit, nonobstant les conditions historiques) : une droite à tendances face à une gauche à tendances, les modérés de chaque camp soucieux de réalisme, les radicaux de chaque camp osant soulever les problèmes devant lesquels les modérés se bouchent les yeux, les deux camps alternant, chacun faisant les réformes qu'il peut faire et défendant ce qu'il peut défendre... Mais la vie politique française est bien plus volatile, plus heurtée, traversée de multiples clivages, tous assez profonds... L'audace et la ténacité de François Bayrou trouveront peut-être à s'y faufiler !
UDF, Force démocrate, Modem... autant d'étapes dans sa carrière. Au début de la campagne de 2007, certains le prenaient déjà au sérieux, sachant son opiniâtreté et son courage, mais faute est de constater aujourd'hui que le centre en France n'est pas en bonne santé.
Il y a des centristes à l'UMP, ceux qui ont répondu à l'appel du président Chirac en 2002, pour réaliser une grande union politique de la droite et du centre ; il y a en a au Modem autour de François Bayrou (mais le Modem ne rassemble pas que des centristes, il y a aussi, par exemple, pas mal d'écologistes en rupture de ban ou d'électeurs de gauche en attente d'une modernisation du PS) ; il y a enfin le Nouveau Centre, qui rassemble tous ceux qui n'ont pas épousé la stratégie de François Bayrou entre les deux tours, qui n'étaient donc pas prêts à la rupture totale avec la droite. Inutile de préciser que Modem et Nouveau Centre peinent à définir leur identité, tandis que les centristes de l'UMP, en marge du gouvernement, et peut-être grandes victimes de l'ouverture, peinent à se faire entendre.
Alors, « la faute à Bayrou » ? Pas seulement. Il n'a pas pris l'initiative de la fondation de l'UMP, il n'est pas non plus responsable du fait que ce nouveau parti n'ait pas vraiment organisé de tendances. Surtout, la réforme de 1962 et la définition subséquente du concept de « majorité présidentielle » fonctionnent comme un laminoir pour les centres. Dans ce cadre, donner la priorité à la conquête de la présidence, frapper le système en son cœur n'est pas absurde... mais très coûteux politiquement, car le « ni droite ni gauche » comme le « droite et gauche » sont d'un maniement très délicat si on veut éviter l'immobilisme en pratique et la surenchère verbale (critiquer la droite avec les arguments de la gauche et la gauche avec les arguments de la droite, écrivait Alain Duhamel).
Et puis, le centre français est des plus composites : on y trouve des radicaux, des libéraux, des démocrates-chrétiens, qui ne sont d'accord que sur l'Europe. Seul un libéralisme modéré (un « libéralisme social » comme le définissait Raymond Barre) pourrait en être l'armature idéologique, en y ajoutant un projet de réforme institutionnelle, et une vision renouvelée de l'Europe, dépassant la seule revendication fédéraliste. Et le grand handicap est que ce centre a du mal a développer la rhétorique contestataire chère au cœur de nombre de nos compatriotes – sauf à s'acharner dans un « ni droite ni gauche » difficile à tenir jusqu'au bout quand on a besoin de faire des alliances.
On peut toujours opposer à François Bayrou une épure rationnelle (j'aime cette expression pour désigner des vues de l'esprit, nonobstant les conditions historiques) : une droite à tendances face à une gauche à tendances, les modérés de chaque camp soucieux de réalisme, les radicaux de chaque camp osant soulever les problèmes devant lesquels les modérés se bouchent les yeux, les deux camps alternant, chacun faisant les réformes qu'il peut faire et défendant ce qu'il peut défendre... Mais la vie politique française est bien plus volatile, plus heurtée, traversée de multiples clivages, tous assez profonds... L'audace et la ténacité de François Bayrou trouveront peut-être à s'y faufiler !
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