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lundi 10 octobre 2011

9 leçons de la primaire

La première : la mobilisation est indéniable et réjouissante : les électeurs sont au rendez-vous quand on leur demande de s’informer en suivant les débats et de prendre parti entre divers candidats.

La seconde : jusqu’à présent, les candidats ont montré un respect mutuel qui donne une image positive de la politique comme échange d’arguments, et leur performance indique que la gauche a un bon réservoir de leaders de qualité.

La troisième : il faut aller chercher l’électeur, proposer, aller de l’avant et prendre des risques ; l’abstention prudente et bonhomme de François Hollande lors de ces débats ne lui a pas profité.

La quatrième : sans doute, deux millions d’électeurs et demi, c’est un succès. Cependant, 5% du corps électoral, c’est assez peu par rapport à l’ensemble de l’électorat et même de l’électorat de gauche. Si le résultat du second tour et serré, l’investiture apparaîtra tout de même assez maigre.

La cinquième : l’électorat qui s’est déplacé n’a pas permis de surmonter les clivages socialistes, et de ce point de vue la primaire n’est pas une formule magique. Les socialistes restent divisés entre les tenants de l’ « à gauche toute contre la mondialisation » (le camp du « non » de 2005), les identitaires qui pensent que le PS peut rester sur les fondamentaux de l’ère Jospin, et les sociaux-libéraux qui estiment que la mondialisation implique une modification des politiques publiques. On aura reconnu les lignes Montebourg (peut-être Montebourg-Royal, Aubry et Hollande-Valls).

La sixième : les primaires n’ont pas permis une mise à jour du programme socialiste et ne sont pas le lieu où l’on peut proposer des mesures neuves. Chacun y joue sa partition, avec certains effets de surenchères (les méchantes banques, par exemple). Rien ne garantit donc que le plus de démocratie améliore mécaniquement l’offre politique.

La septième : les sociaux-libéraux et les identitaires ne doivent pas surestimer l’adhésion qu’ils ont reçue. En grande partie, celle-ci provient d’une promesse de victoire brillant au front de leurs candidats, victoire contre Nicolas Sarkozy. En cas d’investiture et de victoire, l’élan de l’opinion vers eux sera peu durable et peu solide.

La huitième : si Arnaud Montebourg avec succès et Manuel Valls avec peu de réussite ont su délivrer un discours clair, les deux principaux candidats n’ont jusqu’à présent proposé aucune nouvelle mesure saillante ; Il est difficile de dire si c’est faute d’en avoir élaboré avec leur entourage ou s’ils les tiennent en réserve pour le second tour ou pour la vraie campagne présidentielle.

La neuvième : la primaire ne remplace pas le travail au sein des partis politiques ; le programme socialiste, avec son sérieux et ses limites, est resté la base sur laquelle les deux leaders ont travaillé. L’inconvénient et qu’il était synthétique, quand bien même il marquait une intégration par le PS de la culture de gouvernement.

dimanche 9 octobre 2011

Un succès démocratique et ses limites

La démocratie se nourrit de la participation citoyenne et des débats d’opinion. De ce point de vue, la mobilisation de l’électorat de gauche autour des primaires socialistes est encourageante. Mais s’en tenir à cet aspect des choses, c’est n’avoir de la démocratie qu’une vision enchantée, c’est-à-dire postuler que de la mobilisation des citoyens, de la montée du débat et de la volonté d’engagement, les solutions aux problèmes de l’heure vont surgir miraculeusement.

Cette vision est celle de ceux que l’on appelle les « indignés » : d’une démocratie « réelle », donnant aux citoyens le maximum de pouvoir et d’initiative, surgiront des solutions à la crise économique et financière que nous traversons. Le « peuple », dès lors qu’il pourra s’exprimer pleinement, saura résoudre les questions qui nous hantent… ce que croyaient les démocrates enthousiastes des années 1840.

Il me semble que le vécu des démocraties européennes qui ont, pour les plus anciennes, commencé de s’installer au dix-neuvième siècle, suggère une autre vision. Les démocraties apparaissent bien davantage comme les régimes où les initiatives des gouvernants se heurtent au maximum de résistance possible de la part de la population. Grèves, manifestations, alternances politiques, pétitions sont autant d’indication d’une force de résistance de la société civile face à ceux qui la gouvernent, volonté de résistance qui parfois permet d’améliorer ou de rendre praticables les réformes nécessaires.

Quand on demandait à Georges Clemenceau ce qu’était pour lui la démocratie, il disait que c’était le régime où les « initiatives d’en haut » étaient comme « filtrées » par l’opinion pour se convertir en « directives » acceptables par la majorité. Cette vision nous incite à ne pas nous borner à la demande politique, mais à nous tourner aussi vers l’offre politique.

Pour qu’une démocratie fonctionne, pour que le régime politique démocratique parvienne à répondre aux difficultés de l’heure, il faut que l’opinion, qui s’exprime par de multiples canaux, puisse prendre appui, pour les faire prévaloir, pour les infléchir, pour les enrichir ou pour les contester, sur des directives claires.

C’est précisément ce qui manque dans les débuts de la campagne présidentielle de 2012. Les offres politiques claires se trouvent pour l’instant chez ceux qui n’ont soit aucune chance d’être élus, soit aucune chance de devenir candidats : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, et, parmi les « candidats à la candidature » socialistes, Arnaud Montebourg et Manuel Valls.

On excusera le rapprochement qui peut sembler étrange. Mais nul ne sait ce que sera le programme de Nicolas Sarkozy, tandis que les deux principaux prétendants socialistes se sont réfugiés, pour l’essentiel, dans des vues synthétiques, vagues et peu novatrices. Le retrait de Jean-Louis Borloo découle aussi de l’absence d’une perspective claire – et Dominique de Villepin comme François Bayrou en restent à des considérations d’une extrême généralité.

Si la démocratie se nourrit de l’investissement des citoyens, elle ne peut se passer d’un discours politique structuré et clair, et qui ne s’en tienne pas à un simple diagnostic, de la part de ceux qui prétendent à la diriger. Rien n’indique, pour l’instant, que 2012 permettra d’avancer vers des objectifs clairs et cohérents.

jeudi 15 septembre 2011

Premier débat




Commençons par les bonnes surprises :

La performance des journalistes, d'abord : nous sommes habitués à des questions agressives, faussement impertinentes et au fond très conformistes. Nous avons vu là la contraire. De vraies questions, souvent audacieuses, et qui servaient à mieux comprendre ce que chaque candidat voulait proposer, à mettre en évidence ses forces et ses faiblesses.

Ensuite, la manière dont se sont comportés les candidats : fermes, courtois, respectueux les uns des autres. Ils ont de ce point de vue donné une très bonne image de leur parti et de sa démocratie interne, alors que l'on pouvait craindre (et que l'on nous avait annoncé) le pire.

Ni François Hollande, ni Martine Aubry, ni Ségolène Royal n'ont surpris. Le premier a tenté, en s'énervant un peu, et en prenant un ton plus tranchant, de montrer qu'il avait la carrure présidentielle. La seconde est restée l'incarnation de quelques poncifs : la dépense publique forcément productive, la possibilité pour les gouvernements de relancer la croissance... sa performance dépendra de la foi des sympathisants socialistes dans ces axiomes. Tout au plus a-t-elle, sur la fin, tenté d'attaquer François Hollande sur la jeunesse et sur le nucléaire.

Ségolène Royal était elle-même en plus apaisé, mais n'a pas créé d'effet de surprise. Ses partisans voteront pour elle ; un élan supplémentaire reste, à mon avis, improbable.

Parmi les "petits" candidats, chacun a joué sa partition également. Arnaud Montebourg plus calme que d'ordinaire, avec un discours très structuré. Jean-Michel Baylet en électron libre au fond dépendant. Manuel Valls... à mon sens, quand bien même il ne disait rien de vraiment nouveau, c'est peut-être le seul qui a pu gagner des points ce soir.

La référence à Mendès-France, explicite, s'imposait. Un discours-vérité, ferme, tranchant, structuré (comme celui de Montebourg : il y a bien une unité générationnelle). Le plus curieux est que ce candidat qui n'est pas favori est le seul à avoir parlé de la France. Le seul a avoir dit qu'il était fier de ce qui s'était passé en Lybie l'après-midi même, et à saisir que la gauche ne pouvait pas demeurer indifférente à un combat mené au nom de la démocratie.

Le seul aussi, m'a-t-il semblé, à parler de vérité. Et à expliquer que réformer n'était pas forcément mettre de l'argent que l'on n'avait pas sur la table. Il y avait aussi, me semble-t-il, une envergure que les autres ne montraient pas.

Pour le reste, mis à part l'hypothèse Valls qui reste très théorique, l'endettement du pays est mal parti. On tape sur les méchantes banques, qu'on voudrait ramener deux cents ans en arrière, en séparant le dépôt de l'investissement spéculatif, sans dire comment. Et puis on allonge des millions qu'on n'a pas. Mais qu'on aura peut-être, si certaines réformes le permettent, ou si on arrivait (comment ?) à relancer la croissance, ce qu'aucun gouvernement n'a jamais fait.

A mes yeux donc, une confirmation : la relative panne d'idée du PS qui est devenu raisonnable aux dépends de sa capacité de proposition. Et deux bonnes surprises : le véritable goût de la démocratie de ce parti, qui n'a donc pas rompu totalement avec la gauche humaniste d'avant François Mitterrand, et la carrure de Manuel Valls.