mardi 1 mai 2012

Les leçons de la campagne

La Croix avait demandé à ses blogueurs de tirer les leçons de la campagne présidentielle. Voici les miennes.


Les sept leçons que l’on peut provisoirement tirer de cette campagne présidentielle
1. Plus de 60 % des électeurs sont conscients des contraintes financières et de la nécessité de réduire la dette publique, mises en avant par François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy.
2. La mutation du Parti socialiste en force de gouvernement est achevée et elle a laissé des orphelins, qui expliquent le score relativement élevé de Jean-Luc Mélenchon, trop faible cependant pour la remettre en question.
3. Le bipartisme à la française est un rêve inaccessible. Ni le PS ni l’UMP ne parviennent à incarner l’ensemble de la droite et de la gauche. Les scores de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou en témoignent.
4. L’UMP est idéologiquement en ruine, partagée entre une orientation de centre gauche sur le plan économique et social et des incursions sur les terres du Front national. En cas de défaite du président sortant, la crise de leadership s’accompagnera d’une interrogation sur la ligne suivie depuis le discours de Grenoble.
5. Le non-dit a dominé la campagne des partis de gouvernement. Nul diagnostic complet de la situation, nul programme crédible au-delà du constat de base de l’endettement excessif. Pour faire comprendre les choix difficiles à faire, un travail collectif et long est nécessaire. Il n’a eu lieu ni au Parti socialiste ni à l’UMP. François Bayrou a bien réussi à inscrire quelques thèmes dans la durée, mais c’est le travail collectif qui lui fait défaut.
6. Plus que jamais, l’adhésion au vainqueur quel qu’il soit sera relative. Il n’y aura pas d’état de grâce.
7. Retrouver le sens républicain de la politique, aujourd’hui, c’est donc retrouver la dimension pédagogique de la politique – les idéologies globalisantes sont mortes mais la démagogie reste présente, comme côté obscur de la démocratie. 

4 commentaires:

Jean Baptiste D. a dit…

En réaction, 3 remarques:

1) La mutation du Parti socialiste a été provoquée par un facteur indépendant de sa volonté et par un processus interne.
Le premier, c'est le départ de Jean-Luc Mélenchon au milieu du Congrès de Reims de 2008. Nous avons assisté à un contre-modèle allemand comme si la fondation de Die Linke avait précédé Bad Godesberg. C’est bien plus le Parti de gauche qui a permis une recentralisation sur l'échiquier politique du PS que la motion D défendue par Martine Aubry. Ensuite avec l’association au PC avec le Front de gauche, le nouveau mouvement gagne une respectabilité. Il marginalise les radicalités de gauche et leurs audiences limitées.
Le deuxième c'est l'organisation de Primaires citoyennes qui a permis au PS de régler le problème du leadership. Ce sont ces deux orientations qui conduisent François Hollande à axer sa campagne sur le centre-gauche. C'est un succès car la perte des voix à gauche au profit de Jean-Luc Mélenchon s'est accompagnée par un gain au centre d’un peu moins de 800 000 voix par rapport à la présidentielle de 2007.

2) Ce succès de la gauche s'accompagne du cuisant échec du Modem et de François Bayrou qui (à suffrages exprimés constants) perd plus de la moitié de ses voix par rapport à 2007. Car si effectivement le bipartisme demeure impossible, la « bipolarité » des forces politiques françaises est accentuée par ce scrutin. Sans doute François Bayrou avait-il un discours responsable sur la dette et la crise, mais sa campagne, comme celle de 2007, était moins orientée vers un véritable projet que dans la contestation de Nicolas Sarkozy et ses alliés médiatiques et financiers.

3) Enfin le président-sortant perd plus d'1 million et demi de voix par rapport au 1er tour de l'élection présidentielle de 2007. D'où mon désaccord avec votre idée que la stratégie de l'UMP est à remettre en cause. Car la perte de ces électeurs a gonflé le score de Marine Le Pen qui gagne approximativement 2 millions et demi de voix par rapport à son père. Comment Nicolas Sarkozy pouvait-il adopter une autre démarche dans la mesure où sa réserve de voix se trouvait forcément à sa droite, le centre étant saturé par Hollande et Bayrou ?

Sans doute la pédagogie face à la crise et sur la dette a-t-elle été insuffisante, mais était-ce vraiment l'enjeu pour les formations politiques ? Nous avons plutôt assisté à un « referundum anti-Sarkozy » appelé de ses vœux par Olivier Besancenot dès le 22 avril 2007. Ou plutôt à son match retour. Le fait que François Bayrou déclare voter pour François Hollande le 6 mai me conforte dans mon analyse.

Jérôme Grondeux a dit…

Très bonne analyse. Je ne nuance que deux points : le premier est de savoir ce qui dans le gain au centre du PS est dû au rejet antisoarkozy (point 1) et le second est la chronologie (pour le point 3) : la stratégie de la campagne a débuté avant, au moment du discours de Grenoble (juillet 2010) et est en partie responsable de la progression du FN. Vous inversez je crois la causalité.
La pédagogie est affaire du gouvernement mais aussi des partis politiques : elle se fait dans la durée. Elle demeure indispensable surtout au niveau de l'Europe.

Jean Baptiste D a dit…

Tout à fait d’accord sur le point 2. Mais sur le point 3, on en revient au débat sur l’œuf et la poule : les positions des candidats influencent-elles l’opinion de l’électorat ? Ou au contraire, les positions des candidats s’articulent-elles en fonction de l’opinion? Sans répondre définitivement mais sur ce point précis, la stratégie droitière de Nicolas Sarkozy amorcée comme vous le rappelez dès le discours de Grenoble a été inspirée par Patrick Buisson et son cabinet Publifact (étude d’opinions) qui travaille directement pour l’Elysée depuis 2009.

Penser qu' un recentrage de la campagne de Sarkozy aurait été une meilleure stratégie, n’est-ce pas sous-estimer l’antisarkozysme et sous-estimer la proximité idéologique (sauf sur l’ Europe) de l’UMP et de Marine Le Pen ?

Jérôme Grondeux a dit…

Je crois que la stratégie du discours de Grenoble était idéologiquement dangereuse et que tout ce qui aurait pu la "sauver" aurait été le succès. Initialement, un recentrage était prévu entre les deux tours, mais dans l'hypothèse où NS arrivait en tête. Je crois surtout que l'UMP doit savoir ce qu'est son idéologie : on ne peut se contenter du "sauf sur l'Europe", car cet engagement en conditionne beaucoup d'autres. Il faut que ce parti arrive à savoir quelles sont ses tendances et ce qu'elles ont en commun. La stratégie, en fait, ne peut tenir lieu d'idéologie.