jeudi 16 février 2012

L'impossible union nationale


Une impression tout d'abord sur l'état de l'opinion : la stagnation des petits candidats donne une impression de sérieux. Nous n'allons pas vers un premier tour "défouloir", où chaque électeur est avant tout soucieux d'exprimer son originalité, de mettre en avant la marge critique qui le sépare des autres.

Ensuite, la répartition entre les cinq candidats qui se dégagent : si on additionne les intentions de vote de François Hollande, Nicolas Sarkozy et François Bayrou, on constate que presque 70 % des Français sont d'accord pour considérer que l'impératif de réduction de la dette doit être accepté.
Si on additionne les voix de Jean-Luc Mélanchon et de Marine Le Pen, et de quelques petits candidats, on arrive à environ 30 % des Français qui considèrent que le système, et l'ancrage européen actuel de la France, doivent être remis en question.

Une nette majorité d'électeurs, pour l'instant du moins, savent donc que le prochain gouvernement devra prendre des mesures impopulaires, difficiles, courageuses. Il ne serait pas absurde, au moins en théorie, d'en conclure que l'union nationale serait possible pour assainir les finances publiques, et réorienter au moins partiellement l'investissement public vers la production.

Un homme prône depuis longtemps l'union nationale : François Bayrou. En 2002, c'est précisément cette politique, comme on l'a déjà rappelé dans ce blog, qu'il avait proposée à Jacques Chirac après la victoire de celui-ci. Mais s'il la prône, il n'en apparaît pas comme le possible metteur en oeuvre : c'est le plafond de verre auquel il se heurte, aujourd'hui comme en 2007.

L'union nationale a existé dans notre pays, où plusieurs gouvernements ont tenté de s'affranchir de la frontière entre droite et gauche. Je laisse de côté l'union sacrée de 1914, liée à la guerre. Mais Raymond Poincaré en 1926, face à la crise du franc, Pierre Mendès-France en 1954, face à une situation désastreuse en Indochine, l'ont pratiquée. Cependant, c'était les deux fois dans le cadre d'un régime parlementaire, où l'on pouvait former une alliance de circonstance, sans la présenter au préalable aux électeurs.

Le rêve de Charles de Gaulle, en 1958, a été d'incarner ce rassemblement. Mais les socialistes ne l'ont pas soutenu longtemps, et le MRP l'a laissé choir en 1962, à la suite d'un désaccord avec sa politique européenne.

Il a cru alors retremper la légitimité du président de la République en en faisant un élu du suffrage universel. Mais c'est précisément cette élection, clivante, bipolarisante, qui rend impossible l'union nationale. De ce point de vue, notre régime est sans souplesse. La gauche n'a pu gagner la présidentielle, en 1981, que grâce à l'Union de la gauche. En 2007, Nicolas Sarkozy a construit son succès en fédérant les différentes sensibilités de la droite.

Le futur élu et son gouvernement pourront donc compter sur le fait qu'une majorité de citoyens accepte la perspective de mesures peu agréables, si on peut les convaincre de leur nécessité et de leur légitimité en terme de justice. Par contre, ils seront livrés à la critique rongeuse d'une opposition d'autant moins complaisante qu'elle attendra avec impatience les élections intermédiaires.

En attendant, les deux principaux candidats sont conduits à parler de la réalité, qui est la même pour tous, de la France, qui ne rassemble pas seulement leurs partisans, et de tenir en même temps un discours clivant pour se préparer au premier tour.

Le vainqueur ne pourra pas tendre la main à l'autre camp. En 1988 comme en 2007, l'ouverture a été perçue comme une volonté non pas de travailler avec l'autre moitié de l'échiquier politique, mais comme une manœuvre destinée à achever l'adversaire à terre.

Privé de la facilité d'augmenter l'endettement, le futur président de la République ne pourra donc pas partager le fardeau de la charge du pays. Sa seule marge de manoeuvre viendra du temporaire désarroi des vaincus.

4 commentaires:

Mallory a dit…

Les enjeux de cette campagne sont tels qu'une union nationale ne conviendrait à aucun des deux candidats qui sauf surprise devraient batailler pour l'élection et ce pour deux raison : d'une part, il n'existe plus en France de partis intermédiaires suffisamment puissants pour faire le liens entre les intérêts communs qui se dégagent des débat ( dette publique, industrie et peu ou proue l'éducation). Les partis radicaux et modérés bien que leurs idées et leur influence serpente, essentiellement dans les chambres ne sont plus capable de créer ce lien nécessaire à une union nationale. La faute à la bipolarisation à partir de 1965 ? En partie oui mais aussi à la montée du clivage entre ultra-libéraux, libéraux et altermondialiste qui réapparu visiblement depuis 2008. d'autre part, le clivage gauche droite sert les candidat qui se positionnent, et en sont bien heureux, les uns par rapport aux autres, autour de leurs valeurs respectives à savoir travail, libéralisme économique pour la droite et justice sociale,éducation et contrôle plus poussé de l'état sur les marchés financier à gauche. Quant à François Bayrou, j'estime que ses proposition d'union viennent surtout du fait qu'en cas d’élection il n'aurait aucune majorité sur laquelle s'appuyer et à juste titre, il pense que l'union nationale serait pour lui un moyen de réaliser ses projets, la Res Publica romaine imprègne visiblement le centriste.

Jérôme Grondeux a dit…

Globalement, cela est vrai mais il faut prendre en compte les éléments suivants :
1) L'union nationale est toujours momentanée, liée à une contrainte reconnue par toutes les forces de gouvernement, comme c'est le cas aujourd'hui.
2) Gauche et droite ont des clivages internes, sur l'Europe et le libéralisme.
3) Pour Bayrou, c'est plus dans l'autre sens. Il a eu l'UDF, il pensé pouvoir développer le Modem : en 2007, il pouvait faire le pari (à mon avis très risqué) de l'éclatement du PS en cas de défaite. Je crois que c'est une stratégie globale.

Anonyme a dit…

Pour ma part, les grands partis n'ont rien de nouveau à proposer et ils ne se rendent pas compte de l'état de la planète. On est au bord de la catastrophe écologique et des millions de gens vont être sacrifier sur l'autel du capitalisme.
Le seul parti qui s'inquiète des gens non-français et qui a une vision vraiment humaniste de la politique c'est l'Alliance écologiste indépendante (rien à voir avec Europe écologie ou les verts classiques). Le chef de ce parti unique en son genre, Jean Marc Governatori, se présentera aux élections présidentielles si il a ses 500 parrainages. Avec son programme étonnant et simple, il peut battre Marine Lepen et devenir la troisième force politique en France.
Voir leur site : http://www.alliance-ecologiste-independante.com/

Jérôme Grondeux a dit…

La difficulté pour ce type de parti, c'est l'implantation. Un programme à lui seul suffit-il à rassembler des gens, lorsqu'il surgit dans les dernières semaines d'une élection présidentielles ? Et la majorité de l'électorat n'est visiblement pas pour l'instant dans cette perspective de rupture, ou de réorganisation de la société.