Jamais, me semble-t-il, le paysage électoral n'a semblé plus flou, plus indéterminé à quelques mois d'une élection présidentielle. À une exception près : François Hollande reste largement favori pour le second tour. Mais les pronostics de second tour souffrent tous de négliger le premier, et c'est lui qui oriente la partie la plus longue de la campagne présidentielle.
Nicolas Sarkozy bénéficie incontestablement du contexte de crise européenne, qui met en avant sa réactivité et son dynamisme. Cependant, une épée de Damoclès est suspendue sur sa tête : la perte du triple A, difficile à éviter, ne pourra pas apparaître autrement qu'un échec pour le gouvernement. D'autre part, la montée de François Bayrou dans les sondages (dont la possibilité était envisagée dans le dernier post de ce blog, un peu d'autosatisfaction ne fait pas de mal) peut être embarrassante pour lui, parce qu'elle révèle non pas tant une adhésion forte au projet du président du Modem que le fait que beaucoup d'électeurs de droite modérée ne peuvent pas voter pour le président sortant au premier tour : le discours de Grenoble et ses suites, les attaques contre les magistrats les en détournent.
Quid de la candidature de Dominique de Villepin ? C'est pour récupérer le même électorat qu'il se lance, mais sans grand bilan, sans projet clair autre que celui d'apparaître comme un "homme providentiel" (mais à quel titre?), sans parti derrière lui, c'est à un pari risqué qu'il s'adonne. Seule une ruée de jeunes militants et/ou une montée rapide dans les sondages pourrait lui donner une légitimité qui pour l'instant est problématique.
François Hollande n'a pas encore choisi clairement son attitude : faut-il réagir au coup par coup au déroulement de la crise européenne et à la conclusion d'accords, ou privilégier une campagne de fond ? Il lui manque encore une équipe rapprochée, et non pas l'usine à gaz de son dispositif de campagne, pour lui donner du jeu et assumer la réactivité, tout en donnant le sentiment qu'une équipe est prête à prendre en main les affaires de la France. En effet, l'aspiration à un gouvernement d'union nationale, diffuse, est aussi celle d'un gouvernement de fortes personnalités, dont la compétence serait reconnue au-delà de leurs frontières politiques.
Pour l'instant, le candidat socialiste n'arrive pas à éviter une allure de "mouche du coche" qui met en avant les côtés les plus friables de sa personnalité, tout en masquant son potentiel d'homme d'union et de négociateur. La dénonciation d'accords obtenus de haute lutte et dans une contrainte maximale, fuits d'une entente franco-allemande difficile, ne le grandit pas.
Autre inconnue : les deux principaux candidats n'ont pratiquement rien à promettre, tant les caisses sont vides (elles sont en fait plus que vides). Comment l'électorat va-t-il se comporter ? Le vote protestataire, dans ses différentes variantes, et surtout le vote FN et Front de gauche, est-il susceptible d'en bénéficier ?
Pour l'instant, la campagne est étouffée par l'actualité de la crise européenne et de ses multiples rebonds. Les candidats modérés souffrent de ne pas expliquer, depuis l'échec de Valéry Giscard d'Estaing pour la droite, depuis le tournant de la rigueur pour la gauche, en 1982-1983, la nature de la contrainte économique et les marges de manoeuvre qu'elle laisse aux gouvernants ; les candidats contestataires souffrent d'un déficit de crédibilité.
Nous assistons à une course où les faiblesses des uns et des autres sont criantes - renforcées par le fait que chacun, faute d'un projet bien établi, est tenté plutôt de mettre au jour les failles de ses concurrents. Le négatif, somme toute, risque de dominer longtemps cette campagne.
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