Le paysage politique est en miettes et cela est très « Vème République ». Ce paysage m’offre une possibilité d’articuler approches pessimiste et optimiste, ce qui reste toujours un enjeu du commentaire. Le pessimiste et l’optimiste croient qu’ils peuvent prévoir l’avenir, tous deux réduisent l’avenir au présent, c’est bien connu. Tous deux aplatissent les choses, sans le goût du bouillonnement, de l’incertain, sans le goût mais aussi sans l’inquiétude… celui qui aime analyser son temps les envoie promener et s’assied sur le rivage : il lui faut les jaillissements de l’écume tout comme le pressentiment des courants profonds, et même le sentiment que peut surgir une lame qui l’emporte. Il lui faut l’espoir et la crainte, pour pouvoir les éprouver tous deux, les soupeser, les relativiser souvent.
Le paysage politique est en miettes, parce que les forces structurantes que sont les partis politiques sont plus mal en point que jamais.
Le PS dont les dirigeants sont divisés en deux camps, dont l’un a un leader imprévisible et l’autre associe la chèvre et le chou, est dans la pire des situations pour délivrer un message « audible »… voire même un message qui mérite d’être entendu. Bien sûr, on peut toujours s’opposer par une sorte de contestation grincheuse, à la manière de l’adolescent dans ses mauvais jours. Sans tri, sans hiérarchisation, parce que tout cela ne peut sortir que d’un projet, d’une analyse des priorités, d’un ensemble de choix susceptible de s’exprimer au sein d’un programme.
Bien sûr, le PS n’a pas eu besoin d’un programme crédible pour emporter les élections législatives de 1988 et de 1997, mais il était dans le premier cas sur la lancée d’une victoire aux présidentielles, et dans le second cas, il bénéficiait d’un rejet de l’opinion touchant Jacques Chirac et Alain Juppé. Il ne lui reste donc plus qu’à compter sur un rejet de l’équipe Sarkozy…
L’UMP, dont on confie la direction à Xavier Bertrand, dont le moins qu’on puisse dire est que les orientations idéologiques sont discrètes, reste dans la tradition gaulliste des partis godillots, qui peuvent se muer en officines et en boîtes à idées pour les gouvernements, mais là aussi, rien qui annonce une réflexion de fond.
Il y a bien sûr des tentatives de renouvellement à gauche et à droite, et il serait injuste de ne mentionner ni les tentatives d’organisation souverainiste, ni le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot. On tente ici de redonner vie à un nationalisme républicain, alors que le Front National paraît fort mal en point, et en mordant plus que lui sur les élites, là d’organiser les forces contestataires pour fédérer la « gauche de la gauche » et présenter une alternative antilibérale. Mais de part et d’autre, les contours restent flous et on se cantonne pour l’instant à la réaction elle-même inachevée face à un supposé consensus libéral lui-même embryonnaire.
Et le centre, me direz-vous ? Éclaté en quatre familles (trois si on exclut les anciens radicaux de gauche)… Les centristes sont soit noyés parmi les « démocrates contestataires », souvent issus de l’écologie, chez François Bayrou, dont le discours en 2007 alliait lui-même contestation fondamentale et modération centriste, visibles certes, mais peut-être minoritaires dans leur propre parti ; soit peinant à exister dans le Nouveau Centre dès lors que celui-ci veut être autre chose qu’une force d’appoint ; soit absorbés dans l’UMP dont on ne peut pas dire qu’ils orientent en quoi que ce soit le devenir.
Champ de ruines ou chantier ? Il faudrait ajouter au tableau la fragmentation du paysage syndical pour montrer à quel point l’image d’un fourmillement stérile peut parfois s’imposer. Mais tout cela n’est que la surface. Les grands courants sont là : la mondialisation qui interconnecte les économies tout en mettant plus que jamais les pays en compétition, l’explosion de l’information et des communications, la redéfinition permanente des diverses identités, entre fidélités et ruptures. La modernité reste cette totalité imprévisible que personne ne maîtrise, où nulle règle traditionnelle n’indique de manière incontestable ce qui doit être contrôlé ou laissé libre. Où la finitude de l’action humaine apparaît à nu.
Nous sommes en quelque sorte sommés d’en finir avec l’illusion d’une maîtrise intégrale de notre devenir historique. C’est pour cela que nous n’avons plus d’Auguste Comte ni de Karl Marx : l’avalanche d’’informations rend impensable même l’illusion d’une synthèse totale. Mais cette conscience même de la finitude redonne aux choix politiques une dimension héroïque : à chaque instant, c’est le choc de la liberté et de la nécessité, et l’usage de la raison critique redevient indispensable pour inventorier les possibles. Si j’en appelais dans la dernière livraison de ce blog à la modération dans le jugement, c’est bien dans ce sens là. La vraie question reste celle-ci : que voulons nous faire de ce pays ? Tout en sachant qu’elle est suivie par celle-ci : que sommes-nous prêts à payer pour cela ? Connaître la contrainte n’est de ce point de vue pas une perte, c’est un vrai gain démocratique, au sens le plus noble du terme, surtout si on garde à l’esprit cette citation de Péguy : « la démagogie repose essentiellement sur l’exploitation de l’idée de miracle ».
Le paysage politique est en miettes, parce que les forces structurantes que sont les partis politiques sont plus mal en point que jamais.
Le PS dont les dirigeants sont divisés en deux camps, dont l’un a un leader imprévisible et l’autre associe la chèvre et le chou, est dans la pire des situations pour délivrer un message « audible »… voire même un message qui mérite d’être entendu. Bien sûr, on peut toujours s’opposer par une sorte de contestation grincheuse, à la manière de l’adolescent dans ses mauvais jours. Sans tri, sans hiérarchisation, parce que tout cela ne peut sortir que d’un projet, d’une analyse des priorités, d’un ensemble de choix susceptible de s’exprimer au sein d’un programme.
Bien sûr, le PS n’a pas eu besoin d’un programme crédible pour emporter les élections législatives de 1988 et de 1997, mais il était dans le premier cas sur la lancée d’une victoire aux présidentielles, et dans le second cas, il bénéficiait d’un rejet de l’opinion touchant Jacques Chirac et Alain Juppé. Il ne lui reste donc plus qu’à compter sur un rejet de l’équipe Sarkozy…
L’UMP, dont on confie la direction à Xavier Bertrand, dont le moins qu’on puisse dire est que les orientations idéologiques sont discrètes, reste dans la tradition gaulliste des partis godillots, qui peuvent se muer en officines et en boîtes à idées pour les gouvernements, mais là aussi, rien qui annonce une réflexion de fond.
Il y a bien sûr des tentatives de renouvellement à gauche et à droite, et il serait injuste de ne mentionner ni les tentatives d’organisation souverainiste, ni le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot. On tente ici de redonner vie à un nationalisme républicain, alors que le Front National paraît fort mal en point, et en mordant plus que lui sur les élites, là d’organiser les forces contestataires pour fédérer la « gauche de la gauche » et présenter une alternative antilibérale. Mais de part et d’autre, les contours restent flous et on se cantonne pour l’instant à la réaction elle-même inachevée face à un supposé consensus libéral lui-même embryonnaire.
Et le centre, me direz-vous ? Éclaté en quatre familles (trois si on exclut les anciens radicaux de gauche)… Les centristes sont soit noyés parmi les « démocrates contestataires », souvent issus de l’écologie, chez François Bayrou, dont le discours en 2007 alliait lui-même contestation fondamentale et modération centriste, visibles certes, mais peut-être minoritaires dans leur propre parti ; soit peinant à exister dans le Nouveau Centre dès lors que celui-ci veut être autre chose qu’une force d’appoint ; soit absorbés dans l’UMP dont on ne peut pas dire qu’ils orientent en quoi que ce soit le devenir.
Champ de ruines ou chantier ? Il faudrait ajouter au tableau la fragmentation du paysage syndical pour montrer à quel point l’image d’un fourmillement stérile peut parfois s’imposer. Mais tout cela n’est que la surface. Les grands courants sont là : la mondialisation qui interconnecte les économies tout en mettant plus que jamais les pays en compétition, l’explosion de l’information et des communications, la redéfinition permanente des diverses identités, entre fidélités et ruptures. La modernité reste cette totalité imprévisible que personne ne maîtrise, où nulle règle traditionnelle n’indique de manière incontestable ce qui doit être contrôlé ou laissé libre. Où la finitude de l’action humaine apparaît à nu.
Nous sommes en quelque sorte sommés d’en finir avec l’illusion d’une maîtrise intégrale de notre devenir historique. C’est pour cela que nous n’avons plus d’Auguste Comte ni de Karl Marx : l’avalanche d’’informations rend impensable même l’illusion d’une synthèse totale. Mais cette conscience même de la finitude redonne aux choix politiques une dimension héroïque : à chaque instant, c’est le choc de la liberté et de la nécessité, et l’usage de la raison critique redevient indispensable pour inventorier les possibles. Si j’en appelais dans la dernière livraison de ce blog à la modération dans le jugement, c’est bien dans ce sens là. La vraie question reste celle-ci : que voulons nous faire de ce pays ? Tout en sachant qu’elle est suivie par celle-ci : que sommes-nous prêts à payer pour cela ? Connaître la contrainte n’est de ce point de vue pas une perte, c’est un vrai gain démocratique, au sens le plus noble du terme, surtout si on garde à l’esprit cette citation de Péguy : « la démagogie repose essentiellement sur l’exploitation de l’idée de miracle ».
2 commentaires:
réaction inachevée et consensus embryonnaire. Le problème n'est-il pas de ne plus savoir aller au bout de quoique ce soit? Et ce à tous les niveaux, de l'individu qui n'ira pas au bout de ses idéaux au dirigeant qui prendra quelques mesurettes, existe-il une matière qui étudie l'absence de courage, ou ce qui nous en prive? Il parait qu'il est dangereux de regarder le monde en se disant "tout est possible". De quoi éteindre les dernières étincelles de passion dans les regards mornement agités.
Cher professeur,
Encore un très beau texte, quel style!
Cependant, je ne suis pas en accord sur le fond.
Tout d'abord, je ne crois pas ce paysage politique plus chaotique que celui de la IIIème et de la IVème République, ou les partis crépusculaires étaient maintenus sous perfusion par le système électoral.
Certes, l'heure des partis de masse puissants est peut-être fini, mais est-ce pour autant un mal lorsque l'on voit ce qu'ils ont apporté à la démocratie (un reflux gaulliste de ma part?).
D'autre part, je suis gêné par votre analyse de la gauche et du centre. La Gauche a des idées, il suffit d'allumer sa télévision à une heure tardive pour le voir. Les penseurs de la Gauche modérée sont vivants, bien vivants Alain Touraine, Michel Onfray, ou mes professeurs Henri Pena-Ruiz, Philippe Raynaud, Gérard Grunberg, des centres universitaires comme L'ours avec Vincent Peillon et même des historiens (comme notre cher inspecteur d'académie Mr Bergounioux)
Quand au centre, j'y vois un mouvement fort se former et de nombreuses personnalités jusque là peu intéressées par la politique s'y rallier.
Je crois par contre, que les philosophes, les penseurs n'ont plus le courage de s'engager pleinement. Ils pensent, parfois bien, mais ont peur d'être étiqueté et refuse d'adhérer de se rallier contrairement aux années 60-70 et aux exemples glorieux de Sartre, Mauriac, Aron, Revel.
La droite ne me semble pas capable d'une telle ébullition, exceptée de petites combines
Pardon je prends parti, mais n'est-ce pas le but de ce blog.
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