
Les clivages politiques, et en particulier le clivage droite-gauche, évoluent avec le temps. Mais chaque ancienne forme de clivage demeure, atténuée, discrète, à l'arrière-plan, et ressurgit au détour de certains débats.
Ainsi en va-t-il du clivage entre internationalistes et nationaux ; on le voit réapparaître autour de la fracassante entrée en campagne d'Eva Joly.
Sa proposition de suppression du défilé militaire du 14 juillet, au moment où les soldats français sont durement touchés en Afghanistan, devait choquer, et ici la surprise n'est pas de mise. Il est curieux que la candidate écologiste fraîchement investie tape elle-même, directement, sur ce qui est sa fragilité dans une élection comme l'élection présidentielle : autant sa stature européenne avait été un atout pour Europe-Ecologie dans les élections... européennes, et ralliait aisément les "Européens" de gauche, voire du centre, autant il était évident qu'elle serait peu à l'aise dans une élection aussi franco-française.
Face à cela, la vivacité de la réaction de François Fillon, et sa maladresse, étonnent : il fallait juger le propos sans attaquer la personne et son origine.
La première la résume aux principes de 1789, et la résume à la citoyenneté. Celle-là peut être représentée par un "défilé citoyen", en espérant que tout le monde s'y retrouve et envisage de la même manière la citoyenneté républicaine (quid, par exemple, de la souveraineté nationale?).
La seconde se fixe sur la communauté concrète : une population et son territoire. Et insiste sur la nécessité de défendre le territoire et la puissance française. En espérant qu'on ne cherche pas à trouver trop "d'ennemis de l'intérieur" qu'il faudrait marginaliser.
La Troisième république a essayé de concilier les deux dimensions : une France concrète, puissante, porteuse des droits de l'homme. Les conciliations sont toujours pleines de tensions mal surmontées, et toujours ambiguës. Ces deux "idées de la France" se sont parfois heurtées de front, par exemple pendant l'affaire Dreyfus.
S'il y a un "modèle républicain", il réside dans leur conciliation difficile et incertaine. La militarisation du 14 juillet, dans les années 1880, témoignait de cette conciliation - quand bien même il ne faut pas surestimer sa profondeur. Mais il faut rappeler que le 14 juillet ne se résumait pas (et ne se résume toujours pas) à un défilé militaire.
En pleines vacances scolaires, on ne peut plus faire défiler les enfants des écoles. Mais les bals et les feux d'artifices témoignent aussi d'un certain plaisir d'être ensemble.
On en revient cependant au point de départ : pourquoi donc fallait-il impérativement supprimer ce défilé ? A quel projet politique, même ébauché, cela correspondait-il ? La supression de l'armée de métier ? Le désarmement unilatéral ? Il est tout de même terrible que l'on passe de l'improvisation totale et personnelle à la réactivation des vieux clivages en évitant l'étape de la discussion sur les programmes.